RDC : le Festbuk, un festival qui balaie les stéréotypes sur la région des Grands Lacs
Ambiance festive dans la capitale du Sud-Kivu, où se déroule jusqu’au 8 août la 6e édition du festival de Bukavu (Festbuk). Dédié à la culture sous toutes ses formes, l’événement a une ambition de taille : fédérer les artistes des Grands Lacs et balayer les idées reçues sur la région. Reportage.
Le son des tambours burundais et congolais ont raisonné, dès samedi 1er août, dans la commune de Bagira, affectueusement rebaptisée « Bagdad » par ses habitants. Cette année, la cérémonie d’ouverture du Festbuk a rassemblé un millier de personnes, selon Franck Mweze l’initiateur de l’événement qui mêle concerts, spectacles de rue et théâtre jusqu’au 8 août à Bukavu (chef-lieu de la province du Sud-Kivu). « Les limites naturelles avec les pays voisins ne sont pas des barrières, mais plutôt, des passerelles par lesquelles les peuples peuvent communiquer et échanger », a-t-il martelé lors de la conférence de presse inaugurale.
Les frontières peuvent être des opportunités ? Quarante cinq artistes de tous horizons ne se sont pas fait prier et ont fait le déplacement dès la journée d’ouverture de la 6e édition d’un festival multiculturel. « Dans notre répertoire musical, nous nous inspirons aussi du patrimoine culturel des pays voisins, voire d’autres encore comme l’Afrique du Sud », témoigne ainsi Marc Ngaboyeka, le responsable du groupe ASO (Association de soutien aux opprimés), composé d’une quarantaine de jeunes artistes.
L’art comme ciment
Une vision et un état d’esprit que partage également l’ethno-musicien Thomas Lusango. « Je suis le seul artiste congolais qui a été invité à faire une représentation dans le cadre de la commémoration des vingt ans du génocide rwandais. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les artistes échangent énormément de part et d’autres des rives du lac Kivu. Les peuples congolais et rwandais ne sont pas rancuniers : c’est la politique qui nous divise. Heureusement, l’art peut servir de ciment pour bâtir une nouvelle image de la région », dit-il.
Dans son album « Uko wapi », Thomas Lusango met, lui aussi, plusieurs cultures côte à côte, usant notamment de plusieurs langues : swahili, lingala, kiboa, kingwandi, mashi et kinyarwanda. Et il n’hésite pas à interpeller les seigneurs de la guerre dans un titre assez provocateur : « Vaches ». « Par ce titre, je veux que ces personnes sans scrupules qui se comportent comme des vaches, comprennent notre exaspération. L’Afrique a besoin d’être libre. Ma province a besoin d’être libérée de ces viles pratiques ».
Jeunes talents
Besoin d’être libérée, aussi, de tous ces « projets clés sur porte » des ONG qui pullulent depuis trop longtemps dans la région, fustige Stella Kitoga, comédienne et metteur en scène vivant en Belgique. Avec sa pièce « Opération Coop », tout le monde en prend pour son grade : société civile, hommes politiques, opérateurs économiques, coopérants, etc. « Beaucoup de projets d’ONG répondent pas aux besoins immédiats de la population, insiste-t-elle. Certaines thématiques sont devenues un fonds de commerce. Il suffit de voir tout ce qui se passe autour des femmes violées dans cette région pour le comprendre ».
Par delà son aspect fédérateur, le Festbuk est également une occasion pour les jeunes artistes émergents de briller sur scène. Comme Serge Kibukila, mieux connu à Bukavu sous son nom de scène « Franga Mbele », qui a chauffé le public lors de la journée d’ouverture à travers une série de petits sketchs hilarants.
En dix jours, ce sont ainsi plus de cent cinquante artistes qui vont se produire à Bukavu. Venant du Burundi, les tambourinaires du groupe Ruciteme, les comédiens des troupes théâtrales Pilipili et Lampyre, sont également attendus avec impatience – en dépit de la crise dans leur pays… Pour tenter de conjurer, dans la communion, l’instabilité chronique de la sous-région.
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