Gabon : pourquoi la justice française s’intéresse à Maixent Accrombessi
Interpellé lundi 3 août et remis en liberté mardi après une brève garde à vue à Nanterre, le directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba est dans le collimateur de la justice française. Celle-ci enquête notamment sur des virements suspects émis par une société française, dont elle suspecte Maixent Accrombessi d’être le destinataire.
La garde à vue a été relativement courte mais elle a fait grand bruit et provoqué l’ire du pouvoir gabonais. Libéré après quelques heures, mardi 4 août, après avoir été interpellé la veille dans la matinée, Maixent Accrombessi est au centre d’une enquête préliminaire, ouverte le 9 juillet 2007 pour « corruption d’agent public étranger » et « blanchiment » par la justice française, comme l’a révélé Jeune Afrique.
Les enquêteurs cherchent à savoir si le directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba « a perçu de l’argent de la société Marck », entreprise française spécialisée dans la fabrication d’uniformes militaires « en échange de l’attribution fin 2005 d’un marché public de sept millions d’euros au Gabon », selon une source proche du dossier.
D’origine béninoise et naturalisé gabonais, Maixent Accrombessi, 50 ans, était au moment de la passation du contrat avec Marck l’un des conseillers d’Ali Bongo Ondimba, ministre de la Défense de son père, Omar Bongo Ondimba, entre 1999 et 2009. Une ancienne salariée de Marck, alors chargée de l’export pendant la période concernée par le contrat, était également en garde à vue mardi matin.
2,3 millions d’euros de suspicions
C’est la cellule de renseignements anti-blanchiment du ministère français de l’Économie qui a alerté le parquet de Paris en 2007 au sujet de cette affaire. L’organisme s’interrogeait ainsi sur « un virement de plus de 300 000 euros émis en juin 2006 par Marck sur le compte monégasque d’une société de droit gabonais, dirigée par un homme d’affaires proche de M. Accrombessi », selon une source proche du dossier.
Cette société de droit gabonais, nommé CITP, est gérée, selon Le Monde, par le Sénégalo-Malien Seydou Kane, un proche de Maixent Accrombessi. Également directeur général de la société des travaux et d’équipements de construction (Sotec), très présente dans le secteur des travaux publics au Gabon, l’homme a toutefois nié être lié au directeur de cabinet d’Ali Bongo Ondimba dans cette affaire.
Six autres virements, pour 2 millions d’euros au total, effectués par Marck au bénéfice d’une société domiciliée au Bénin, baptisée AIKM et gérée par Maixent Accrombessi, suscitent également des interrogations.
L’ombre de Tomi ?
Il faut dire que la société Marck est observée de près par les enquêteurs de la justice financière française. Déjà, en 2014, dans le cadre des investigations sur l’homme d’affaires et parrain présumé de la Corsafrique Michel Tomi, son patron Philippe Belin avait été mis en examen pour « corruption d’agents publics étrangers » autour de contrats passés avec le Mali et le Cameroun.
Le 19 juin 2014 notamment, selon le site Mediapart, lors d’une perquisition au domicile parisien du patron de Marck, les enquêteurs auraient découvert une note manuscrite rédigée sur du papier à en-tête de l’hôtel Hilton de Yaoundé, au Cameroun, au sujet d’un contrat avec l’État camerounais, avec cette mention : « 10 % ministre via Tomi ». Le patron de Marck aurait ensuite préféré garder le silence à sujet.
« C’est le pays qu’on cherche à humilier »
Devenu directeur de cabinet d’Ali Bongo en 2009, Maixent Accrombessi continuera à exercer ses fonctions, malgré l’intérêt de la justice française, selon son avocat Me Francis Szpiner. « Il n’a pas été mis en examen, donc il n’y a pas de raison qu’il quitte son poste de directeur de cabinet », a quant à elle estimé une source proche de la présidence gabonaise. Il faut dire que Maixent Accrombessi est sans conteste un des hommes-clés du régime.
Il intervient aujourd’hui depuis la présidence dans la gestion de portefeuilles stratégiques comme le Pétrole et le Budget de l’État, tout en ayant eu par le passé à régler, au fil de ses fonctions, certaines affaires privées ou encore des questions de renseignement. « Au-delà de la personne et de la fonction, c’est le pays qu’on cherche à humilier », a encore estimé la source proche de la présidence. Un « bras-de-fer » avec Paris est-il lancé ?
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