Cameroun : la peur de Boko Haram gagne le pays tout entier
Rues désertées, fouilles systématiques, dénonciations : la peur des islamistes nigérians de Boko Haram gagne les esprits au Cameroun après la vague d’attentats-suicides qui a fait plus de 40 morts dans l’Extrême-nord du pays en juillet.
Depuis deux ans, les islamistes de Boko Haram attaquaient essentiellement des villages dans un rayon de quelques kilomètres autour de la frontière avec le Nigeria. Désormais, ils n’hésitent plus à rentrer en profondeur sur le territoire camerounais et à viser les grandes villes. Leur stratégie : se fondre parmi les civils pour mener des attentats spectaculaires.
À Maroua, la capitale de la région de l’Extrême-Nord du Cameroun épargnée jusqu’à présent, les attaques-suicides qui ont frappé le marché central et un bar les 22 et 25 juillet ont traumatisé les habitants. « On vit dans la psychose. Nous sommes très inquiets et ne savons plus où mettre la tête », affirme Albert, un habitant.
Inquiet, ce père de famille dit être confronté à « un dilemme » : « faut-il envoyer les enfants à l’école à la prochaine rentrée ? Les Boko Haram sont contre l’école occidentale et peuvent très bien mener des attentats dans des établissements scolaires ».
Prudent, Oumarou a préféré envoyer sa famille à l’abri à Douala (sud-ouest), la capitale économique. « Tout le monde a peur (…) Quand on croise quelqu’un qui n’est pas connu dans le quartier, on appelle la police » pour vérifier son identité, explique ce quadragénaire qui travaille dans une société de logistique.
Dénonciations
Les dénonciations, encouragées par les autorités, se multiplient. La semaine dernière, selon le ministre de l’Information Issa Tchiroma Bakary, « le concours précieux » d’un conducteur de moto-taxi a permis d’interpeller un adolescent de 15 ans qui transportait des explosifs et deux complices présumés.
Ce sont des gens comme vous et moi, ça peut être un chauffeur de taxi ou un passant, et il est quasiment impossible de les repérer, souligne un officier camerounais.
Alerté par l’attitude suspecte de son client, le chauffeur a changé d’itinéraire pour le conduire dans un commissariat. « Leur objectif était de se faire exploser dans une mosquée », a affirmé le ministre.
Les mesures de sécurité ont été considérablement renforcées dans cette ville commerçante majoritairement musulmane, où la circulation des deux-roues, moyen de transport privilégié par les insurgés islamistes, était déjà interdite la nuit.
Lorsque le marché ferme à 17H00, « tout le monde rentre chez soi, il n’y a plus personne dans les rues sauf les militaires », explique Oumarou.
« Nous ne savons plus qui est qui »
Selon plusieurs sources sécuritaires, des sympathisants et membres de Boko Haram ont infiltré la ville depuis des mois et fournissent des renseignements à leurs chefs.
« Ce sont des gens comme vous et moi, ça peut être un chauffeur de taxi ou un passant, et il est quasiment impossible de les repérer », soulignait récemment un officier camerounais.
Dans les mosquées de quartier, « quasiment personne n’ose aborder la question Boko Haram durant le prêche » par peur des représailles, explique à l’AFP un imam sous couvert d’anonymat.
Les gares routières à destination du sud, notamment des grandes villes comme Yaoundé et Douala, sont particulièrement surveillées et les voyageurs systématiquement fouillés au moment d’entrer dans les bus.
Selon Olivier, un jeune expatrié français à Douala, sur la côte atlantique, « la menace, on la ressent surtout avec tous les barrages sur les routes ». « La police, dit-il, a intensifié les contrôles: ils nous font vider entièrement les voitures, les sacs ».
La peur gagne Yaoundé
À Yaoundé, située à plus de 1.000 km de Maroua, policiers et militaires sont également omniprésents. « Les gens sont très mal à l’aise depuis qu’il y a des attaques-suicides » dans le nord, explique un commerçant, Abdoulaye Sani.
« Nous ne savons plus qui est qui. J’ai peur quand je marche (…) j’ai peur qu’il se passe quelque chose, qu’une bombe explose et qu’elle me prenne (me tue) », affirme le jeune homme.
À Briqueterie, un quartier populaire de la capitale où vit une forte communauté musulmane, des opérations policières musclées ont eu lieu la semaine dernière dans des maisons et des mosquées. Des dizaines de personnes ont été interpellées, selon plusieurs journaux locaux.
Appelant la population à ne pas céder à la panique, le ministre camerounais de l’Information, Issa Tchiroma Bakary, a précisé qu’il s’agit d’ « opérations de ratissage » qui ont mené à l’interpellation de « nombreux suspects » dans plusieurs régions du pays.
Pourtant la peur demeure. « Nous n’assistons plus aux fêtes, nous évitons les endroits où il y a trop de foule », assure Darly, une adolescente. « Nous avons peur, dit-elle, que les kamikazes arrivent ici à Yaoundé ».
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