Sanofi : « Nos ventes ont progressé de 11 % sur le continent »

Investissements, partenariats, développement des génériques… Les deux vice-présidents de Sanofi détaillent la stratégie du laboratoire en Afrique, où il est présent depuis quarante ans.

Antoine Ortoli (à g.) est responsable des pays émergents depuis juin 2003, et Didier Rousselle vice-président Afrique du groupe depuis douze ans. © Vincent Fournier/JA

Antoine Ortoli (à g.) est responsable des pays émergents depuis juin 2003, et Didier Rousselle vice-président Afrique du groupe depuis douze ans. © Vincent Fournier/JA

Publié le 13 octobre 2012 Lecture : 5 minutes.

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Santé : Big pharma passe à l’offensive

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Jeune Afrique : Alors que 2011 y a été marquée par des investissements pharmaceutiques records, quel bilan dressez-vous de l’activité de Sanofi sur le continent ?

Antoine Ortoli : Nous demeurons le premier partenaire pharmaceutique du continent. Sanofi est présent dans 51 pays africains, et nous avons réalisé l’an dernier 1 milliard d’euros de ventes, soit 11 % de croissance par rapport à 2010.

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Didier Rousselle : Il est important de souligner que notre chiffre d’affaires a été multiplié par dix entre 2000 et 2011. La plupart des groupes pharmaceutiques ont considéré l’Afrique comme un continent d’export, secondaire. À l’inverse, nous avons investi, créé des filiales, des usines, et développé notre production localement.

La production locale représente 60% des produits que nous distribuons. L’objectif est d’atteindre 80%.

Quelle est la part de cette production locale ?

AO : Elle représente 60 % en volume de nos produits distribués en Afrique, et nous avons mis en place des équipes locales – il y a très peu d’expatriés parmi nos 4 500 salariés sur le continent. À terme, l’objectif est de porter la part de la production locale à 80 %. Mais certaines technologies sophistiquées dans les domaines de l’oncologie et/ou des biotechnologies nous obligeront à continuer à importer.

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Avez-vous une approche spécifique du continent ?

DR : Les maladies transmissibles étant prédominantes en Afrique, nous nous focalisons sur celles-ci. Face au problème d’accès aux médicaments, nous pratiquons une politique de prix différenciés.

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AO : Notre chiffre d’affaires en Afrique représente 4 % de notre chiffre d’affaires global, mais nous y connaissons une croissance rapide, et le poids du continent pour Sanofi s’accroît.

De 80 millions d’euros ces cinq dernières années, vos investissements sur le continent vont passer à 120 millions d’euros dans les cinq prochaines années. Quels sont vos axes de développement prioritaires ?

AO : Il y a un développement progressif de nos affaires, segment par segment : VIH, diabète, pédiatrie… Ces 120 millions d’euros comprennent notamment le projet d’une nouvelle usine en Algérie, qui sera pleinement opérationnelle d’ici à cinq ans.

DR : Au Maroc, où nous possédons une importante usine de traitement contre le paludisme, nous avons construit récemment un centre de distribution qui sera prochainement inauguré. Notre projet industriel algérien, qui a été validé par les autorités, est proche du dépôt du permis de construire.

Le groupe a récemment été accusé de surfacturation de médicaments en Algérie. Cette actualité judiciaire n’a pas entravé votre projet d’y implanter une nouvelle usine ?

AO : On nous a accusé de menacer de renoncer à notre projet industriel… À aucun moment il n’y a eu de chantage de notre part [lire encadré, NDLR]. Nous nous sommes pourvu en cassation et je suis confiant en l’issue de cette affaire. Cela dit, je ne souhaite pas épiloguer sur une procédure de justice en cours.

Troisième round judiciaire en Algérie

Le 2 mai dernier, le tribunal d’Alger condamnait Sanofi Algérie à une amende de 20 millions d’euros et son directeur général à un an de prison avec sursis pour surfacturation de médicaments et matières premières importés. Le 24 juin, alors que cette condamnation était réitérée en appel, le géant français annonçait son pourvoi en cassation. « Au niveau du groupe, nous n’avons fait, au travers de notre facturation à notre filiale algérienne, que respecter scrupuleusement les prix d’importation validés par le ministère de la Santé dans le cadre d’un programme d’importation annuel », se défend Antoine Ortoli, qui dément fermement vouloir renoncer à son investissement industriel de 66 millions d’euros dans le pays. F.R.

Vos sept usines sont implantées en Afrique du Nord, au Sénégal et en Afrique du Sud. Quelles sont vos perspectives sur le reste du continent ?

AO : Aujourd’hui, trois pays représentent des marchés pharmaceutiques ayant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 2 milliards d’euros : l’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Égypte. Certains marchés, moins stratégiques, vont prendre de l’importance : c’est le cas du Nigeria, du Ghana et du Kenya.

Outre la nouvelle usine algérienne, où comptez-vous développer vos capacités de production ?

DR : Notre usine en Égypte va augmenter ses capacités et nous allons y construire un nouveau centre de distribution. En mai dernier, nous avons inauguré un nouveau centre de distribution en Tunisie.

AO : Il y a un autre type d’investissement, ce sont les acquisitions. Nous avons finalisé en juillet 2012 notre accord avec Medreich en vue de l’acquisition d’une ligne de médicaments génériques pour un montant de près de 15 millions d’euros. Cette acquisition s’inscrit dans le cadre du développement international de Zentiva, notre branche générique.

DR : En Afrique anglophone, nos parts de marché étaient plus faibles qu’ailleurs. Cette acquisition permet à Sanofi d’étendre au Nigeria et à d’autres pays subsahariens notre portefeuille de médicaments génériques dans des domaines thérapeutiques clés tels que les antibiotiques, les antalgiques et anti-inflammatoires, les antipaludéens et les vitamines.

Vous avez également passé un accord en mars avec le génériqueur indien Hetero pour fournir des antirétroviraux en Afrique du Sud…

AO : Les autorités de santé sud-africaines nous ont sollicité pour ce partenariat car nous sommes fournisseur de traitements contre la tuberculose, maladie connexe au VIH. Pour répondre à cette demande, nous avons signé la licence du portefeuille d’antirétroviraux (ARV) de la société Hetero, un laboratoire indien de premier plan, spécialisé dans les ARV. Grâce à cet accord, Sanofi sera en mesure d’augmenter l’offre de produits antirétroviraux fabriqués en Afrique du Sud.

Une telle initiative est-elle vouée à être dupliquée ailleurs ?

DR : Probablement, car les pays africains devront être de plus en plus autonomes en matière d’approvisionnement pharmaceutique.

AO : C’est un axe de développement à envisager, mais il est encore trop tôt pour en parler.

Que représente votre activité générique sur le continent ?

AO : Sanofi a l’ambition de devenir rapidement un acteur important sur ce marché. Le partenariat signé avec Medreich doit nous permettre d’accélérer le développement de Zentiva. Aujourd’hui, notre chiffre d’affaires génériques en Afrique représente plus de 50 millions d’euros, et je serai satisfait quand un tiers de notre chiffre d’affaires sera issu de notre activité générique.

Quelles sont vos autres démarches en vue de faciliter l’accès aux médicaments à des prix abordables ?

AO : En dehors de notre activité génériques, nous avons mis en place une politique d’accès aux médicaments qui s’applique au paludisme et à la tuberculose en concevant des prix de médicaments « no profit/no loss ». Depuis 2010, la fondation Sanofi Espoir permet également de faciliter l’accès aux traitements. Elle a pour mission de contribuer à réduire durablement les inégalités de santé en répondant aux enjeux essentiels en matière de prévention, de formation et d’accès aux soins. Ces trois dernières années, la grande majorité des projets qu’elle a permis de concrétiser l’ont été en Afrique.

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