Access Bank sonne la retraite

Malgré de très bons résultats sur son marché domestique, le groupe donne un coup d’arrêt à sa stratégie panafricaine. Il veut se désengager de six filiales, dont celle de Côte d’Ivoire et celle de RD Congo.

L’établissement a émis en juillet un emprunt eurobond de 350 millions de dollars, sursouscrit de 150 millions. © Vincent Fournier/JA

L’établissement a émis en juillet un emprunt eurobond de 350 millions de dollars, sursouscrit de 150 millions. © Vincent Fournier/JA

Publié le 9 octobre 2012 Lecture : 4 minutes.

Depuis quelques mois, Access Bank collectionne les bonnes nouvelles. Au premier semestre 2012, le groupe a réalisé des profits nets de 161,4 millions de dollars (128,3 millions d’euros), en augmentation de 226 % par rapport à la même période en 2011. Une performance d’autant plus remarquable qu’il vient d’absorber son compatriote Intercontinental Bank, l’une des huit banques en difficulté renflouées par la Banque centrale du Nigeria. L’opération l’a propulsé parmi les quatre premiers acteurs du pays. Pour couronner le tout, il a émis un emprunt eurobond de 350 millions de dollars en juillet dernier. Sans aucune difficulté, puisque celui-ci a été sursouscrit de 150 millions.

Cliquez sur l'image.Et pourtant… Au moment où Access Bank annonçait ces bons résultats, il révélait sa décision de remettre en question quatre années d’expansion panafricaine. Dans une note aux investisseurs datée du 12 septembre, la banque dirigée par Aigboje Aig-Imoukhuede évoque son repli partiel ou total de six pays d’Afrique subsaharienne. Sur les huit filiales bancaires qu’elle détient au sud du Sahara, elle a décidé d’en revendre quatre (en Côte d’Ivoire, au Burundi, en Sierra Leone et en Gambie) et de diluer sa participation dans deux autres (en RD Congo et en Zambie). Les deux seules qu’elle conserve sont au Rwanda et au Ghana.

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Le même jour, Access Bank mettait son plan à exécution en annonçant la réduction de sa participation dans sa filiale zambienne de 87 % à 49 %. Pour Usoro Essien, analyste chez Afrinvest, cette première opération s’explique avant tout par deux facteurs exogènes : « D’abord, la Zambie a considérablement relevé ses exigences de fonds propres, de 2,5 millions à 100 millions de dollars pour les banques étrangères. Dans le même temps, la Banque centrale du Nigeria interdit aux établissements qu’elle supervise de recapitaliser leurs filiales à l’étranger avec des capitaux nigérians. Selon le régulateur, les filiales qui ne peuvent pas générer suffisamment de fonds sur leurs marchés locaux devront être fermées. »

Adaptation

Mais ce ne sont sans doute pas les seules raisons qui ont poussé Access Bank à signaler son intention de se recentrer sur sa base. En effet, les résultats de plusieurs de ses filiales à l’étranger laissent à désirer. Access Côte d’Ivoire, issu du rachat d’Omnifinance en 2008, est loin d’avoir rempli l’objectif annoncé à l’époque : ouvrir dix nouvelles agences par an. En 2011, il avait abandonné le projet de rééquilibrer ses activités en faveur de la banque de détail. Après avoir essuyé des pertes de 11,7 millions de dollars en 2010, il n’est pas parvenu à redresser la barre en 2011, affichant un résultat négatif de 6,6 millions de dollars.

En RD Congo, les performances n’ont pas été meilleures. Non content d’avoir perdu plus de 3,4 millions de dollars en 2010 et près de 670 000 dollars en 2011, Access Congo n’a ouvert qu’une seule agence à Kinshasa en plus de sa succursale historique de Goma, dans l’est du pays. Pour reprendre les mots d’un observateur local, « la banque est en stand-by ».

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Si l’on en croit un ancien cadre d’Access Bank, « la stratégie du groupe n’était pas adaptée : ils ont voulu appliquer des recettes nigérianes partout où ils se sont implantés sans tenir compte des différences culturelles. Or la banque est une question de culture et on ne peut acquérir la confiance de ses clients sans un effort d’adaptation. Sans compter qu’en Afrique il y a une véritable méfiance à l’égard des Nigérians ».

À court terme, ce repli ne devrait que peu peser sur l’activité.

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Outre l’échec de certaines filiales dans leur plan de développement, le retrait d’Access Bank se justifie par une volonté de reprendre la main sur ses activités domestiques. Comme le souligne Abiola Rasaq, analyste chez Vetiva Capital, « son coefficient d’exploitation [charges d’exploitation sur produit net bancaire, NDLR], à 59,8 %, reste derrière celui de ses concurrents [54 % en moyenne] et la rationalisation des coûts devrait prendre du temps ». Ce processus a déjà commencé : dans la foulée de l’acquisition d’Intercontinental, la banque a fermé 150 agences qui se chevauchaient ou qui n’étaient pas rentables.

« De plus, le Nigeria, qui pèse 95 % de ses actifs et rassemble plus de 5 millions de clients sur un total de 5,7 millions, reste la vache à lait d’Access Bank et détermine par conséquent ses perspectives à moyen terme. L’établissement doit mobiliser ses ressources de façon à mieux tirer profit de ses actifs actuels, explorer les synergies possibles et offrir une valeur optimale à ses actionnaires », poursuit Abiola Rasaq. En clair, Access doit songer à la meilleure manière de tirer le maximum de son portefeuille, élargi par l’absorption d’Intercontinental Bank. La direction aurait d’ailleurs déjà commencé à redéfinir son modèle de gestion de la relation client.

Définitif ?

Si ce repli paraît devoir peser assez peu sur l’activité du champion nigérian à court terme, un coup d’arrêt définitif à son expansion panafricaine paraîtrait « peu judicieux » à long terme, selon un banquier : « Cette décision est d’autant plus regrettable qu’Access est une très bonne banque. Mais à terme, ils seront obligés de sortir de leurs frontières pour se développer. Selon moi, ils prendront un à deux ans pour digérer Intercontinental Bank avant de se redéployer. »

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