Tunisie : l’ardente nécessité de l’investissement privé
Radhi Meddeb, président fondateur de l’association Action et développement solidaire.
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Radhi Meddeb
PDG de Comete Engineering, président fondateur de l’association Action et développement solidaire.
Publié le 1 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.
Déflagration aussi majeure qu’historique, la Révolution trouvait ses fondements, essentiellement, dans des considérations économiques et sociales. C’étaient d’abord le chômage dans ses multiples dimensions, le déséquilibre régional et le mauvais aménagement du territoire, la très insuffisante redistribution des fruits de la croissance et la médiocre performance du système d’éducation et de formation qui avaient fait que la croissance antérieure, pourtant régulière et soutenue, avait généré autant d’exclusions régionales, sociales et intergénérationnelles.
Seule l’entreprise et plus particulièrement celle privée est en mesure, à terme, de répondre de manière viable et pérenne à la demande d’emplois.
Les laissés pour compte étaient nombreux et les discriminations multiples ; les populations exprimaient une triple exigence : celle de la liberté, de l’emploi et de la dignité, mais aussi, celle de meilleures conditions sociales et celle de plus grandes opportunités économiques. Depuis, seule l’exigence de liberté d’expression a trouvé quelque peu d’écho, malgré des escarmouches quotidiennes pour sa remise en cause. Mais la société civile est là, elle veille au grain. Les autres exigences sont à la fois liées et plus difficiles à contenter. Leur satisfaction passe par une remise à plat et la reconstruction du modèle de développement économique et social en vigueur jusque là. L’objectif ultime est évidemment de donner à chacun la possibilité d’accéder à un emploi en rapport avec ses qualifications et en ligne avec ses aspirations. Comme partout ailleurs, le règlement du problème du chômage doit recevoir deux réponses simultanées et différenciées. Il doit bénéficier d’abord d’un traitement social, autour des valeurs de la solidarité, de la cohésion et de l’inclusion, ce qui permettrait de faire que tout tunisien se sente partie de la collectivité nationale et que personne ne se sente exclu ou laissé pour compte. Cette approche est coûteuse mais inéluctable. En parallèle, le chômage doit bénéficier d’un traitement économique. Seule l’entreprise et plus particulièrement celle privée est en mesure, à terme, de répondre de manière viable et pérenne à la demande d’emplois. Elle le fera à travers ses investissements. Or, ceux-ci sont en panne depuis longtemps.
L’investissement privé ne se décrète pas
L’investissement privé est une prise de risque, un pari sur l’avenir. Il ne se décrète pas. Il se constate. Pour se déclencher, il a besoin d’ingrédients élémentaires. Ceux-ci ont pour noms : sécurité, stabilité institutionnelle, prédictibilité de l’environnement économique et politique, existence et stabilité de la règle de droit, indépendance de la justice et capacité à mettre en œuvre ses décisions dans des délais raisonnables, compétence et neutralité de l’administration, vision partagée et volonté solidaire des partenaires sociaux et des parties prenantes pour aller de l’avant, bref, un environnement des affaires favorables et « amical ». Le chef d’entreprise est en situation permanente d’évaluation et d’arbitrage en matière de gestion des risques. Il assume ceux de nature commerciale, technique et financière. Il ne peut en aucun cas prendre à sa charge ceux relatifs à l’opacité de l’environnement, à l’insécurité et l’instabilité des institutions ou à l’absence de règles de droit.
La feuille de route politique doit être clarifiée et adoptée, le consensus privilégié, le gouvernement resserré et fortement coordonné.
La coalition au pouvoir est aux commandes de l’État depuis bientôt un an et très peu de ces sujets ont fait partie de ses préoccupations jusque là. L’absence de vision, de projets et d’expérience de l’exercice du pouvoir, mais également la conviction de la primauté du politique sur le reste et la gestion des agendas électoraux des uns et des autres aboutissent aujourd’hui à une dégradation accélérée de la situation économique et sociale et au défaut de perspectives sur l’échéancier et les modalités de sortie de la crise. Ni la multiple dégradation de la note souveraine du pays, ni sa sortie des écrans radars du World Economic Forum de Davos ne sont graves, pris séparément. Cependant, leur conjonction est une alerte forte que les autorités tunisiennes devraient prendre au sérieux pour corriger le tir. La feuille de route politique doit être clarifiée et adoptée, le consensus privilégié, le gouvernement resserré et fortement coordonné, une vision solidaire et inclusive clairement déclinée et l’impératif économique reconnu et placé en toute première priorité.
C’est à ce prix là que la Tunisie pourrait renouer avec le chemin de l’investissement privé et de la croissance et les opérateurs économiques avec celui de la confiance et de l’engagement.
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