Quelles politiques de croissance pour l’Afrique ?
Bakary Traoré et Gregory De Paepe sont analystes des politiques publiques au sein du bureau Afrique du Centre de développement de l’OCDE. Henri-Bernard Solignac-Lecomte est chef du bureau Afrique au Centre de développement de l’OCDE.
Publié le 1 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.
Sur le papier, l’Afrique est une des régions qui s’enrichit le plus vite depuis le début du siècle : alors que l’économie mondiale connaît une croissance annuelle de moins de 3% en moyenne depuis 2000, les économies africaines caracolent à plus de 5% par an. Même la crise économique et financière mondiale n’a pas brisé cet élan : hors Afrique du Nord, dont les économies paient le prix des changements de régime de 2011, le PIB des pays subsahariens continue de croître au même rythme, et devrait progresser de 5.4% en 2013 selon les Perspectives économiques en Afrique 2012.
En Afrique les secteurs qui tirent la croissance, comme par exemple les télécoms et les industries extractives, absorbent peu de main d’œuvre et ont un faible effet d’entraînement.
Mais pour la grande majorité des Africains, cette bonne performance ne se traduit pas par une augmentation de la qualité de vie : les jeunes, notamment, de plus en plus nombreux et de mieux en mieux formés, ne trouvent pas à s’employer de manière productive et rémunératrice. Ainsi entre 2000 et 2007, l’Afrique a créé 63 millions d’emplois, mais ce nombre est insuffisant au regard des 96 millions de jeunes arrivés sur le marché du travail pendant la même période, selon le BIT. Une croissance forte est en effet une condition nécessaire mais pas suffisante : alors qu’en Asie les fruits de la croissances sont distribués par le dynamisme de secteurs créateurs de nouveaux emplois, et qui favorisent eux-mêmes de nouvelles activités, en Afrique les secteurs qui tirent la croissance, comme par exemple les télécoms et les industries extractives, absorbent peu de main d’œuvre et ont un faible effet d’entraînement.
Le temps presse
Or le temps presse : le nombre des 15-24 ans en Afrique devrait doubler d’ici 2045, passant de 200 à 400 millions, dont 59% devraient atteindre un niveau d’études secondaires, contre 42% aujourd’hui. La priorité est donc de maintenir une croissance élevée, mais aussi d’en changer le cap. L’Afrique n’est pas l’Asie : son « avantage comparatif », les atouts dont elle dispose pour se faire une place dans l’économie mondiale sont à chercher dans sa dotation exceptionnelle en ressources naturelles plutôt que dans l’abondance de main d’œuvre bon marché. Dans son dernier ouvrage, The Plundered Planet, Paul Collier estime en effet que ses réserves connues de pétrole, de gaz naturel, de minerais pourraient ne représenter que la partie émergée de l’iceberg, sans même parler du potentiel inexploité des énergies renouvelables, solaire entre autres, et des terres arables. Cependant, ni le niveau élevé du prix mondial de ces ressources depuis le tournant du siècle, ni la forte demande des économies émergentes ne suffiront à provoquer le changement structurel dont les économies africaines ont besoin.
Tirer le meilleur parti de leurs richesses, accélérer la création d’emplois, tout en évitant de reproduire les erreurs du passé – le boom des matières premières des années 70 avait financé des projets économiques ambitieux mais sans lendemains, requière des économies africaines la mise en œuvre de politiques publiques d’un genre nouveau. Les leviers de l’action publique – formation, investissement, fiscalité, régulation – doivent être actionnés de manière coordonnée. Une sélection plus judicieuse des projets est nécessaire aux niveaux national et régional, ainsi qu’une diplomatie économique active, axée sur la défense des intérêts des populations. Et les espaces d’intégration régionales doivent permettre une meilleure cohérence des politiques, par exemple en matière de fiscalité.
Ces questions seront au cœur du 12ème Forum économique international sur l’Afrique qu’accueille l’OCDE dans son centre de conférences à Paris, le 4 octobre prochain, en partenariat avec le gouvernement français, la Banque africaine de développement, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Le Forum, plus grande manifestation européenne annuelle sur les économies d’Afrique, est ouvert au public.
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