Mbongui (« La palabre ») au Congo-Brazzaville
«Consensus, n.m. : accord et consentement du plus grand nombre, de l’opinion publique » (Larousse).
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 14 août 2015 Lecture : 3 minutes.
Congo-Brazzaville : Trêve olympique
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De sa visite de travail à Paris, début juillet, Denis Sassou Nguesso est revenu avec, dans ses valises, ce petit mot en guise de sésame.
Puisque François Hollande insiste sur la nécessité d’entourer son projet d’évolution des institutions d’un consensus maximal et puisque c’est contre « un changement non consensuel de Constitution » (sic) que le même avait mis en garde Blaise Compaoré dans sa fameuse lettre d’avertissement du 7 octobre 2014, consensus il y aura, donc.
Tradition du mbongui
Et cela tombe à pic : c’est à la tradition congolaise du mbongui, cette palabre dans laquelle sont solubles bien des conflits, que le chef de l’État avait fait explicitement appel avant même son rendez-vous élyséen. Bien que boycotté par une partie de l’opposition, le dialogue de Sibiti, mi-juillet, relève de cet héritage ancestral. Ce fut tout sauf une chambre d’enregistrement. Les débats y ont été vifs, et les propositions sur lesquelles il a débouché – et que DSN s’est engagé à mettre en œuvre – marquent un incontestable progrès sur la voie de la démocratisation des institutions. Elles devraient ainsi être incluses dans le projet de nouvelle Constitution soumis à référendum d’ici à la fin de cette année.
De ces recommandations de Sibiti, l’opposition congolaise, qui a tenu à organiser fin juillet son propre « alterdialogue » à Brazzaville, n’en retient qu’une, qui est pour elle une ligne blanche : la fixation de la durée du mandat présidentiel à cinq ans renouvelables dans le cadre d’une remise à zéro des compteurs électifs, ouvrant de facto la voie à une éventuelle candidature de Denis Sassou Nguesso en juillet 2016.
Soif de renouveau
Perspective cauchemardesque pour la plupart de ses leaders, chez qui on chercherait en vain le moindre programme alternatif de gouvernement, le moindre projet de société concurrent. Ce qui compte par-dessus tout au Congo en effet, ce ne sont pas les possibilités d’une alternance politique, c’est le changement du personnel dirigeant propre à satisfaire l’appétit de ceux qui, après y avoir un temps siégé, rêvent de retourner à la table du banquet. Ici, la féroce problématique de l’accès aux ressources est cruciale et, faute d’être « civilisé » par des débats d’idées inexistants, l’affrontement flirte sans cesse avec la violence.
Omniprésente sur les réseaux sociaux, où l’insulte de caniveau tient souvent lieu d’argument, cette dernière gangrène d’autant plus aisément les esprits que certaines officines, qui ne sont pas toutes d’opposition, la manipulent déjà dans la rue comme le montre le phénomène récent des « bébés noirs », ces gangs de jeunes qui s’en prennent nuitamment aux symboles de l’État.
Une vraie alternance ?
Le précédent de l’alternance avortée de 1992, qui fut vécue par ses bénéficiaires sur le mode de la pure revanche ethnique, démontre que le mal ne réside pas dans le maintien ou non de Sassou Nguesso au pouvoir en 2016. Il est profond, collectif et relève d’une très délicate psychothérapie de groupe. Le mbongui pourrait-il en tenir lieu ? Une chose est sûre : ses opposants feront tout, dans les mois à venir et passé la trêve des Jeux, pour que le consensus maximal et le discours de paix sur lesquels repose la stratégie du président apparaissent comme des leurres.
Ce dernier, évidemment, ne l’ignore pas. Tout comme il sait sans doute que le ticket du référendum, si le oui l’emporte, ne sera pas un chèque en blanc. Après tout, c’est lui que le peuple a élu, pas ses collaborateurs ni son entourage. Ceux qui, parmi les Congolais, sont déterminés à lui renouveler leur confiance attendent qu’en échange Denis Sassou Nguesso permette à une nouvelle génération d’émerger pour promouvoir une nouvelle gouvernance. En tout état de cause, et quitte à opérer des choix douloureux, l’hôte du palais du Plateau ne pourra faire l’économie d’une vraie alternance… avec lui-même.
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