Automobile : les rouages bien huilés de l’occasion
Le marché des véhicules de seconde main ne connaît pas la crise en Afrique subsaharienne. À Cotonou, Accra et Douala, la filière s’est structurée. Les importateurs diversifient leurs approvisionnements et montent en gamme.
Auto : le haut de gamme monte en puissance
Difficile d’évaluer la quantité de voitures d’occasion qui arrivent en Afrique : les circuits d’importation sont mouvants et les statistiques portuaires peu fiables. D’après le chercheur Martin Rosenfeld, de l’Université libre de Bruxelles, le nombre de véhicules de seconde main importés de la seule Europe irait de 4 millions à 5 millions chaque année. Un chiffre auquel il faut ajouter le nombre – inconnu – de ceux venus de Chine et des États-Unis. L’Afrique subsaharienne absorbe la plus grande partie de ce commerce. Le marché du neuf y est encore peu développé, avec seulement 41 000 voitures sorties d’usine vendues dans les pays francophones. À titre de comparaison, 340 000 véhicules d’occasion ont débarqué en 2011 dans le port de Cotonou, et environ 80 000 à Douala.
Certains pays ont interdit l’importation de véhicules âgés, arguant de leur vétusté dangereuse, et espérant une hausse des ventes de voitures neuves… qui n’est jamais venue. Sous la pression populaire, la plupart des dirigeants y ont finalement renoncé. En mai, le président sénégalais Macky Sall rehaussait de 5 à 8 ans l’ancienneté des véhicules autorisés à l’importation. Au Nigeria, cette « rallonge » a été portée de 5 à 10 ans en 2010.
Pour Ferdinand Assogba-Dognon, secrétaire général de l’Association pour la promotion du port de Cotonou (APPC), l’imposition d’une limite d’âge trop drastique était vouée à l’échec. « Selon la réglementation de la Cedeao [Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, NDLR], les véhicules peuvent circuler librement en Afrique de l’Ouest. Tant que le Bénin, le Ghana et la Côte d’Ivoire, principaux pays d’entrée de l’occasion, n’adoptent pas une législation contre les véhicules âgés, il est illusoire d’espérer rajeunir le parc automobile de cette façon », affirme-t-il.
En Afrique de l’Ouest, le port de Cotonou est incontournable. Tous les métiers de l’importation y sont représentés (voir schéma) et 25 000 personnes travaillent autour du véhicule d’occasion. Transitaires, gestionnaires de parc automobile, garagistes et revendeurs, chacun joue sa partition. Chaque jour, un millier de véhicules débarquent dans la capitale béninoise. Dès leur dédouanement, ils sont convoyés, de nuit, dans les différents parcs automobiles installés dans la périphérie pour ne pas engorger le port et la ville. Environ 90 % d’entre eux sont destinés au Nigeria, le reste allant au Niger et au Bénin.
À Cotonou, quatre grands importateurs dominent le secteur : Sobimex Traco, Al Woudjoud, Micha et Balla & Fils. Tous sont connectés avec les grands acheteurs de véhicules établis à Bruxelles, la capitale belge restant le principal centre d’approvisionnement pour l’Afrique de l’Ouest. Le transporteur maritime napolitain Grimaldi achemine la plus grande partie des voitures. Ses rouliers, navires dotés d’une rampe d’accès pour les véhicules, font la navette depuis le début des années 1980. « En 2010, Grimaldi (2,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires) a modernisé ses installations de Cotonou pour accélérer le rythme des débarquements », indique Ferdinand Assogba-Dognon.
Savoir-faire
« Des réseaux se sont montés à Lagos et à Port-Harcourt, après la libéralisation du marché au Nigeria. Mais ils n’ont pas encore l’expérience suffisante ni les relations en Europe pour pouvoir vraiment nous faire de l’ombre », estime le secrétaire général de l’APPC. Les ports d’Accra et de Douala disposent aussi d’un savoir-faire reconnu. Le premier approvisionne le Ghana, le Burkina Faso et le Mali ; le second le Cameroun, le Tchad et la Centrafrique.
Ceux qui desservent uniquement un marché national sont moins organisés. « À Madagascar, 8 000 véhicules d’occasion sont entrés par le port de Toamasina en 2011, indique le responsable d’une société portuaire malgache. Ce sont à 40 % des particuliers et à 60 % des petits importateurs qui les font venir. On ne peut pas parler d’industrie de l’importation d’occasion comme au Bénin, même si ce commerce a progressé de 25 % en cinq ans. »
L’origine des véhicules évolue. « La proportion de voitures américaines a explosé, indique Ferdinand Assogba-Dognon. Il y a dix ans, nous importions la quasi-totalité de nos voitures d’Europe. Aujourd’hui, 40 % des véhicules d’occasion qui entrent à Cotonou viennent de la côte est-américaine. » Trois compagnies maritimes se partagent le transport Amérique-Afrique : Höegh, Mitsui OSK Lines et ACC.
Haut de gamme
Dans l’est du continent, les voitures de seconde main chinoises sont en progression. « Le nombre d’occasions embarquées à Hong Kong a connu une forte croissance entre 2007 et 2009, mais a pâti de l’interdiction des véhicules avec la conduite à droite, qui constituaient la majorité de cette flotte automobile », note le même opérateur malgache.
Mais les marques phare de l’occasion ne diffèrent guère de celles du neuf : les japonaises dominent. « Peugeot n’a plus la cote depuis longtemps. Ce que veulent nos clients, ce sont des Toyota, Nissan et Mazda », note Ferdinand Assogba-Dognon. Ces dernières années, le nombre de véhicules d’occasion haut de gamme a aussi explosé. « À Abidjan, des importateurs se sont spécialisés dans les marques Mercedes, BMW et Lexus de moins de 5 ans, très demandées », indique un observateur ivoirien.
« Zéro kilomètre »
Ce nouveau circuit d’approvisionnement fait frémir les distributeurs nord-africains. Le « véhicule zéro kilomètre » est acheté neuf en Europe, par un importateur indépendant, qui l’achemine par ses propres moyens au Maghreb. « Les concessionnaires européens vendent à prix coûtant des flottes entières à ces acheteurs. Ils entrent dans la combine, car ils reçoivent des primes pour des gros volumes vendus. Au Maroc, ce trafic représente 30 % des quelque 5 000 voitures vendues chaque année dans le secteur haut de gamme », s’indigne un concessionnaire casablancais qui, avec des coûts fixes plus élevés, doit faire face à une différence de prix de 10 000 à 12 000 euros par véhicule. C.L.B.
Forte demande, filière rodée, montée en gamme : l’avenir s’annonce radieux pour les professionnels de l’occasion. « La population augmente, donc le trafic est en hausse, c’est mécanique. La majorité des gens n’a pas les moyens de s’acheter du neuf, mais ils veulent de meilleures occasions, donc plus chères qu’auparavant », se réjouit Ferdinand Assogba-Dognon.
Ce nouveau circuit d’approvisionnement fait frémir les distributeurs nord-africains. Le « véhicule zéro kilomètre » est acheté neuf en Europe, par un importateur indépendant, qui l’achemine par ses propres moyens au Maghreb. « Les concessionnaires européens vendent à prix coûtant des flottes entières à ces acheteurs. Ils entrent dans la combine, car ils reçoivent des primes pour des gros volumes vendus. Au Maroc, ce trafic représente 30 % des quelque 5 000 voitures vendues chaque année dans le secteur haut de gamme », s’indigne un concessionnaire casablancais qui, avec des coûts fixes plus élevés, doit faire face à une différence de prix de 10 000 à 12 000 euros par véhicule.
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