Le laboratoire Adwya voit la vie en bleu

Après une année 2011 morose, le laboratoire pharmaceutique Adwya retrouve des couleurs. Le succès du Viatek, une formule reprenant le principe actif du Viagra, valide son choix de miser sur les médicaments génériques.

La société collabore avec Sanofi ou GlaxoSmithKline tout en développant sa propre gamme. © Ons Abid

La société collabore avec Sanofi ou GlaxoSmithKline tout en développant sa propre gamme. © Ons Abid

Julien_Clemencot

Publié le 3 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

Mondialement connue parce qu’elle permet aux hommes d’atteindre à nouveau des sommets quand tout espoir leur était interdit, la pilule bleue redresse aussi les courbes financières. Aux anges, les actionnaires du laboratoire Adwya, leader du marché officinal en Tunisie, peuvent le certifier depuis la commercialisation, en mars dernier, du Viatek. Ce générique, déclinaison du Viagra, dont il reprend le principe actif, a rencontré un grand succès, générant 1 million de dinars (près de 490 000 euros) de chiffre d’affaires fin avril 2012. Un résultat que l’entreprise espère doubler d’ici à la fin de l’année. Il faut dire qu’Adwya profitait de conditions favorables, l’américain Pfizer n’ayant, jusqu’au 4 septembre, pas l’autorisation de vendre l’original.

Cliquez sur l'image.Ces chiffres sont de bon augure après un exercice 2011 morose, perturbé par des tensions sociales au sein de l’entreprise. Sur un marché officinal toujours en hausse (+ 8 % en 2011, à 1 milliard de dinars), les revenus d’Adwya n’avaient grimpé que de 2,6 % pour atteindre 55,2 millions de dinars (28,3 millions d’euros). Ses profits s’étaient écroulés (- 73,8 %), son résultat net passant de 4,5 millions de dinars en 2010 à 1,2 million de dinars. « L’année 2012 sera bien meilleure avec une progression estimée du chiffre d’affaires de 6 % [pour un résultat net de 4 millions de dinars, NDLR], en attendant une croissance à deux chiffres pour les trois exercices suivants », précise Sofiane Hammami, analyste pour l’intermédiaire boursier Axis Capital Bourse.

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Portefeuille

Partenaire de géants comme Sanofi ou GlaxoSmithKline, l’entreprise s’est concentrée dès le début des années 1990 sur la fabrication de médicaments sous licence. Cette activité représente encore près des trois quarts de son chiffre d’affaires. Une spécialisation favorisée par la loi dite de corrélation, une législation protectionniste qui, à partir de 1991 et jusqu’en 2006, a privilégié les productions locales au détriment des importations.

« L’une des conséquences de ces collaborations est qu’aujourd’hui les salariés d’Adwya sont parmi les mieux formés en Tunisie », explique le consultant Faiz Makni, ancien directeur technique de l’entreprise. Mais l’enjeu pour le laboratoire consiste maintenant à développer son portefeuille de génériques pour ne pas dépendre de ses donneurs d’ordres. Un effort rendu nécessaire également par la volonté du gouvernement de réduire la consommation de produits sous licence, qui, lorsqu’ils ne sont pas importés (entretenant le déséquilibre de la balance des paiements), coûtent de toute façon plus cher à la Sécurité sociale que des génériques.

Le cours du titre à la Bourse de Tunis a augmenté de 18,5% depuis début janvier.

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Initiée dès le milieu des années 2000, cette stratégie reste cependant difficile à appliquer, l’entreprise devant éviter les conflits d’intérêts avec les laboratoires dont elle produit les médicaments. Dans son plan de développement 2012-2016, dévoilé en mai dernier, la direction estimait cependant pouvoir augmenter de 155 % les revenus tirés des génériques sur cinq ans pour les porter de 14,1 millions de dinars en 2011 à 36 millions en 2016 (sur un chiffre d’affaires global attendu à près de 87 millions). Pour y arriver, le patron d’Adwya, Ramzi Sandi, ancien directeur des affaires industrielles de Sanofi en Tunisie, mise entre autres sur la commercialisation d’une gamme d’antidouleur et d’anti-inflammatoires vendus sans ordonnance. Autres chantiers prioritaires pour le laboratoire : développer ses exportations encore embryonnaires et décrocher davantage d’appels d’offres publics destinés aux hôpitaux.

Des objectifs ambitieux qui impliquent des investissements de près de 1 million de dinars par an pour les trois prochains exercices, notamment pour améliorer les lignes de conditionnement, acquérir des équipements de laboratoire et agrandir les locaux.

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En dépit des défis que cela représente, les projets d’Adwya ont ces derniers mois séduit les milieux financiers, restés par ailleurs insensibles à la confiscation par l’État des parts (34 % du capital) de Moncef el-Materi, cofondateur de l’entreprise en 1983, en raison de ses rapports avec le clan Ben Ali. À la Bourse de Tunis, l’action du laboratoire a augmenté de 18,5 % depuis début janvier pour atteindre 8,4 dinars le 18 septembre, et les échanges de titres ont été multipliés par trois au premier semestre 2012 comparé à la même période en 2011. « Selon nos calculs, le potentiel du titre Adwya pourrait dépasser 11 dinars, soit près de 30 % de plus que le niveau actuel. À nos yeux, c’est un excellent placement », estime Imen Ben Ahmed, analyste pour le cabinet AlphaMena. Reste à voir si les investisseurs suivront ce conseil au moment où ils semblent bouder la Bourse de Tunis, sans doute échaudés par la dégradation du climat dans le pays et l’approche du vote de la nouvelle Constitution.

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