Vidéo à la demande : l’Afrique, terre de promesses, attend son Netflix
Dans l’ombre du géant américain Netflix, des start-up africaines ou issues de la diaspora misent sur le dynamique cinéma « afro » pour lancer leurs propres plateformes de vidéo à la demande par abonnement (SVOD), sur un continent promis à devenir la prochaine terre de la croissance mondiale.
Tête d’affiche d’un cinéma africain aux réalités disparates, avec 3,7 milliards d’euros de revenus générés en 2014 et 2 000 films produits chaque année, Nollywood – la florissante industrie cinématographique du Nigéria – aiguise les appétits.
Plusieurs start-up locales ou créées par des afro-descendants comme la française Afrostream, ont senti l’opportunité de distribuer autrement ces films très populaires jusqu’ici vendus à la sauvette sur des DVD souvent piratés, pour un dollar ou deux.
« Avec un tel gisement de films, ce n’est pas étonnant de voir de telles (start-up) émerger », explique à l’AFP Pascal Lechevallier, consultant spécialiste des nouveaux médias et de la SVOD.
Fort d’un catalogue d’une cinquantaine de films et d’une dizaine de séries « inédites », à l’image de « Before 30 », sorte de « Sex and the City » version Lagos, Afrostream va lancer dès le 1er septembre son service de SVOD pour 6,99 euros par mois.
Différenciation
« Aujourd’hui, toutes les plateformes de SVOD se ressemblent. Les contenus qu’elles proposent sont uniformes », souligne à l’AFP Tonjé Bakang, l’un des co-fondateurs d’Afrostream, convaincu que le succès passe par une forte différenciation pour se distinguer des grands acteurs mondiaux.
Avant même son lancement, Afrostream a déjà séduit près de 2 000 abonnés et levé 220 000 euros. Passé par l’incubateur d’Orange, la jeune pousse a même intégré l’Y Combinator, l’un des accélérateurs de start-up les plus réputés de la Silicon Valley.
Fondé en 2013 avec 60 000 euros « de fonds propres », Afrostream vise dans un premier temps le Sénégal et la Côte d’Ivoire, mais aussi les diasporas de France, Belgique, Suisse, et Luxembourg, espérant attirer 50 000 abonnés pour être rentable dès la première année.
« Même si le marché européen reste important pour nous avec 15 millions d’afro-descendants et 10 millions de fans de culture afro, on sait que le gros marché sera l’Afrique où il y a une classe moyenne de 300 millions d’individus », explique M. Bakang.
Concurrence féroce
Mais la compétition est déjà féroce sur cette niche pleine de promesses. Pionnier depuis son lancement en 2010, le Nigérian iRokoTV est déjà bien implanté sur le continent. Tout comme le Kenyan BuniTV, avec un abonnement de 5 dollars par mois, ou encore le Sud-Africain Africa Magic Go, qui s’est lancé en 2014 à 8 dollars par mois.
Ergonomie soignée et intuitive, catalogue avec la pochette du film et le pitch associé, ou encore lecteur vidéo dernier cri: ces nouvelles plateformes africaines n’ont rien à envier à leur consoeurs occidentales.
« C’est une bonne nouvelle! Plus il y aura d’acteurs, plus le marché va se structurer rapidement », espère M. Bakang, qui aspire à produire ses propres contenus « à l’image d’un HBO ».
L’uniformisation des catalogues, principalement issus de Nollywood, risque toutefois de poser un problème d’offre pour satisfaire le public des 54 pays africains, à la culture et aux besoins différents.
« Si quelques pays comme le Nigéria ont une vraie industrie de cinéma et de série, c’est loin d’être le cas partout », remarque Jean-Michel Huet, spécialiste des marchés émergents chez Bearing Point.
Débit
Le nombre de smartphones en Afrique devrait doubler d’ici 2017 pour atteindre plus de 350 millions d’unités connectées selon une étude du cabinet Deloitte. Mais la faible couverture de l’internet haut débit reste un gros frein pour son développement.
« Il ne faut pas croire qu’en dehors des très grandes métropoles africaines, ces consommateurs pourront visionner des programmes en haute qualité », estime M. Lechevallier.
De même, l’abonnement sur internet est certes bien intériorisé par la diaspora « mais pas encore mature » auprès des classes moyennes du continent, souligne M. Huet, qui préconise « d’autres moyens de paiements plus adaptés ».
Enfin l’ombre des mastodontes du secteur comme Netflix, qui ambitionne d’être accessible dans le monde entier d’ici fin 2016, ou encore Canalplay, la plateforme de Canal+ qui a fait de l’Afrique l’une de ses priorités stratégiques, se fait pressante.
« Avec un budget de 5 milliards de dollars d’acquisition de droits, Netflix peut se dire: « Je vais consacrer 100 millions de dollars aux films africains », s’il voit que cela marche, craint M. Lechevallier. Et là les nouvelles plateformes ne pourront plus rivaliser. »
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