Ohada : Kinshasa fait sa révolution

Près d’une décennie après le lancement de son processus d’adhésion, la RD Congo a rejoint l’Ohada le 12 septembre. Un bond en avant pour le pays, dont certains textes juridiques remontaient au XIXe siècle.

Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo (à dr.), le 27 août, lors d’un séminaire sur le climat des affaires. La modernisation de l’arsenal législatif devrait faciliter l’activité économique. © Junior D. Kannah/AFP

Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo (à dr.), le 27 août, lors d’un séminaire sur le climat des affaires. La modernisation de l’arsenal législatif devrait faciliter l’activité économique. © Junior D. Kannah/AFP

Publié le 2 octobre 2012 Lecture : 3 minutes.

L’entrée de la RD Congo dans l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) était à l’étude depuis 2004. Son adhésion avait même été annoncée deux fois : début 2010 par Joseph Kabila, puis en octobre de la même année par Olivier Kamitatu, alors ministre du Plan. Mais c’est seulement le 12 septembre dernier, grâce au gouvernement « technocratique » d’Augustin Matata Ponyo, que le pays a finalement franchi le pas. Les entreprises congolaises ont désormais deux ans devant elles pour se conformer aux nouvelles dispositions de l’Ohada.

Cliquez sur l'image.« Il s’agit d’un saut immense pour la RD Congo, affirme Martin Gdanski, associé du cabinet d’avocats international Norton Rose. Ainsi, le pays offre aussi bien à ses propres commerçants qu’aux investisseurs étrangers un cadre juridique moderne et efficace, remplaçant des textes épars remontant aux années 1960 et parfois même à des arrêtés royaux de la fin du XIXe siècle. » C’était tout particulièrement vrai en matière de droit des sociétés : « La loi sur les sociétés commerciales datait de 1887 et ne tenait que sur quelques pages ; elle avait été amendée, mais les dernières modifications substantielles remontaient aux années 1960 », explique Poupak Bahamin, également associée de Norton Rose.

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Bien que le pays ait adopté une série de codes plus modernes dans plusieurs secteurs industriels (mines, forêts, investissements), le droit des sociétés en vigueur rendait difficile aux différents partenaires d’une coentreprise la mise en place de certains contrôles nécessaires à la protection de leurs intérêts. Par exemple, tant la constitution que certains changements apportés au statut d’une SARL (l’équivalent en droit local de la société anonyme française) requéraient l’autorisation du président de la République, un vestige de la période coloniale. « Face aux carences de la loi, certains tendaient à recréer des règles plus modernes au travers de pactes d’actionnaires et autres contrats qui, bien que liant les parties, n’avaient pas nécessairement de valeur juridique envers les tiers », ajoute Poupak Bahamin.

L’adhésion de Kinshasa à l’Ohada devrait aussi inspirer confiance aux institutions financières. « Les nouvelles règles relatives aux sûretés personnelles et réelles conforteront la situation juridique de ceux qui octroient des crédits à des entreprises actives en RD Congo ou à leurs actionnaires et les encourageront à participer plus activement au financement des grands projets dont le pays a besoin », souligne Martin Gdanski.

Les entreprises ont deux ans devant elles pour se conformer aux nouvelles dispositions.

Arbitrage

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Dans les conflits découlant d’investissements réalisés en RD Congo, le choix d’une procédure d’arbitrage a longtemps été entravé, car le pays ne faisait pas (et ne fait toujours pas) partie de la convention de New York, en vertu de laquelle une sentence arbitrale rendue dans un État signataire a force exécutoire dans les autres. Désormais, ces procédures d’arbitrage pourront être confiées à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), basée à Abidjan.

Certes, certains observateurs critiquent cette institution pour sa lenteur et pointent la pénurie de juges compétents. Il est vrai également que les affaires traitées par la CCJA concernent encore très majoritairement l’Afrique de l’Ouest et beaucoup moins l’Afrique centrale. Mais « cette zone juridique commune a permis de créer des tribunaux locaux qui rendent des avis d’une grande qualité scientifique », souligne Thierry Lauriol, associé du cabinet d’avocats Jeant et Associés et président de l’association Afrique du barreau de Paris. « Sur certains points, le droit Ohada est même parfois en avance sur le droit français », s’enthousiasme-t-il.

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Aujourd’hui, les promoteurs de l’Ohada espèrent que la prochaine mise à jour concernant le droit des sociétés, qui doit être rendue publique à la fin de l’année, introduira la société anonyme simplifiée (SAS). Cette forme d’organisation extrêmement souple serait tout particulièrement adaptée aux coentreprises, très nombreuses en RD Congo, notamment dans le secteur des industries extractives.

Une organisation supranationale

Créée en octobre 1993 à Port-Louis par treize pays africains francophones, l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires (Ohada) propose une série d’actes uniformes qui prévalent sur toutes les lois locales dans des domaines aussi variés que le droit commercial et comptable, le droit des sociétés, l’arbitrage, les sûretés, etc. Depuis, quatre nouveaux pays, dont la RD Congo, ont adhéré à l’organisation. Même si le moindre changement de disposition implique l’accord des 17 ministres des Finances et de la Justice des pays membres, deux des neuf actes uniformes ont déjà été révisés pour tenir compte des pratiques. Preuve du succès de l’Ohada, 29 pays des Caraïbes tentent de mettre en place une structure similaire, l’Ohadac. N.T.

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