Dialogue inter-libyen : enfin des perspectives tangibles ?

Entre la Suisse, l’Algérie et le Maroc, les pourparlers entamés depuis plusieurs mois entre les acteurs de la crise libyenne se poursuivent et une feuille de route semble se dégager. Retour sur des négociations qui paraissent sans fin.

Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en février 2015. © Mary Altaffer/AP/SIPA

Une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en février 2015. © Mary Altaffer/AP/SIPA

Publié le 17 août 2015 Lecture : 5 minutes.

L’objectif des négociations

Depuis janvier 2015 , les négociations libyennes instituées sous l’égide de la mission des Nations unies en Libye (Manul) ont pour objectif de réunir le maximum d’acteurs de la crise pour mettre fin aux affrontements entre les groupes armés. Le pays est divisé en deux gouvernements rivaux, l’un basé à Tripoli et soutenu par la coalition de milices Fajr Libya, en grande partie islamistes, et le second reconnu par la communauté internationale et retranché à Tobrouk dans l’est du pays. Alors que seule une solution politique peut avoir un impact durable sur la stabilité du pays, la mission des Nations unies mène la médiation dans le but de former un gouvernement d’unité nationale. Mais elle n’est pas la seule à agir.

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Passage par l’Algérie et le Maroc

Outre l’ONU, les négociations libyennes commencées à Genève ont impliqué divers acteurs extérieurs, notamment les Algériens et les Marocains qui ont accueilli sur leurs territoires des sessions de pourparlers, toujours sous l’égide des Nations unies.

L’Algérie, pour être intervenue avec un certain succès dans le dossier malien, a pris en premier le relais en mars dernier. Sa stabilité étant intimement liée à celle de la Libye, elle est intervenue en tant qu’intermédiaire neutre, en faveur d’une solution politique contre toute option militaire. À Berlin, puis à Bruxelles, les différents émissaires et négociateurs ont également voyagé, mais c’est finalement au Maroc que les parlements rivaux se sont vraiment retrouvés face à face pour la première fois fin juin, afin de se pencher sur la quatrième proposition d’accord de Bernardino Léon. Les deux pays en concurrence sur le plan régional ont donc finalement offert aux Libyens un terrain d’entente loin des clivages internes tout en redorant leur image diplomatique.

Le défaut du parlement de Tripoli

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Le processus, qui se veut inclusif, rassemble des personnes de tous bords : des membres de la Chambre des représentants de Tobrouk, de l’ex-Congrès général national (CGN, parlement de Tripoli) et de la société civile. Si à l’ouest, le Parlement est surtout composé de députés proches de Fajr Libya et des milices de Misrata, la chambre qui siège à l’est du pays présente un paysage politique plus diversifié. Autour de la table des discussions, on retrouve également des élus locaux tels que les maires des grandes villes ou des représentants des grandes institutions. La multiplicité des acteurs et des intérêts divergents a maintes fois retardé le processus de dialogue. Sans compter qu’au départ, l’équilibre des forces entretenue par les deux gouvernements rivaux ne les poussait pas à la négociation.

L’ex-CGN n’a pas intérêt à bloquer le processus et reste raisonnable, car les raisons qui l’ont poussé à négocier au début de l’année sont toujours d’actualité.

Si Bernardino Léon, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, a réussi la mission presque impossible de faire dialoguer les deux principales instances politiques du pays, l’ex-CGN lui a récemment fait défaut, au moment le plus crucial des négociations. Le parlement de Tripoli s’est retiré des discussions, le 2 juillet dernier, à Skhirat, au Maroc, pour manifester son opposition à la formation d’un gouvernement d’union nationale, pourtant considéré par tous comme l’objectif principal du dialogue. À ce jour, les représentants de l’ex-CGN sont les seuls à ne pas avoir paraphé l’accord de paix et de réconciliation proposé par l’ONU.

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Reculs et avancées…

Après trois propositions rejetées, le quatrième accord proposé par l’émissaire de l’ONU pour les Nations unies a ainsi tout de même atteint la phase finale des négociations. Le projet prévoit notamment la formation pour un an d’un gouvernement d’unité nationale et l’organisation d’élections. Il a donc le mérite d’apporter des perspectives claires et de fixer une feuille de route pour relancer la transition politique, constituant une lueur d’espoir dans un long processus diplomatique qui semble sans fin.

Mais ce sont justement les perspectives d’application de cet accord qui semblent avoir fait reculer les membres de l’ex-CGN, qui n’ont pas approuvé la composition des futurs organes. En effet, l’accord prévoit de maintenir le Parlement de Tobrouk, le dernier élu et celui reconnu par la communauté internationale, et d’instaurer une seconde chambre au caractère seulement consultatif, le Conseil d’État. La moitié des 90 membres de ce dernier seraient choisis par le CGN, les autres étant nommés par consensus entre les deux parlements.

Mais, le Parlement de Tripoli ne veut pas sortir perdant des négociations et voir son pouvoir réduit au sein des nouvelles institutions. D’où la demande qu’il a formulée de modifier l’accord afin de le rééquilibrer. L’ex-CGN n’a pas intérêt à bloquer le processus et reste raisonnable, car les raisons qui l’ont poussé à négocier au début de l’année sont toujours d’actualité : nombreux affrontements à l’est du pays entre milices rivales et forte pression populaire qui souhaite que le pays soit de nouveau unifié.

La réalité du terrain

Depuis la fin des dernières discussions à Skhirat, une réunion informelle s’est tenue le 31 juillet à Alger entre Bernardino Léon et le président de l’ex-CGN, Nouri Abou Sahmein. Puis, une délégation de ce même parlement s’est retrouvée à Genève pour deux jours de pourparlers, les 11 et 12 août. Le but ? Explorer les moyens de réintégrer les négociations, sous certaines conditions, pour le prochain round prévu à nouveau au Maroc.

Désormais, le travail de l’ONU se porte sur les annexes de l’accord et la recherche des noms du futur Premier ministre et de ses deux adjoints en vue de former un gouvernement d’union nationale. Un processus qui risque d’être encore long avant l’obtention d’un exécutif complet. D’autant que, outre les questions politiques, l’accord doit encore se pencher sur les questions financières et militaires…

Bernardino Léon, qui se dit pragmatique, fixe comme date limite des travaux le début de septembre. Mais même s’il parvient à un accord politique, la question de son application par les groupes armés, qui n’ont pas été convoqués au dialogue par la mission de l’ONU, restera posée avec acuité dans un pays où le problème de la circulation des armes est irrésolu depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011.

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