Au Burundi, « plus qu’une résistance, une rébellion en gestation »

À Bujumbura, depuis l’assassinat le 2 août du général Adolphe Nshimirimana, le « deuxième homme fort du pays », les attentats ciblés se sont multipliés et les armes lourdes résonnent toutes les nuits dans la capitale burundaise. Gérard Birantamije, politologue burundais spécialiste des questions de sécurité, décrypte la situation.

Un manifestant pointe une fausse arme vers des soldats lors d’une manifestation à Bujumbura en juin 2015. © Gildas Ngingo/AP/Sipa

Un manifestant pointe une fausse arme vers des soldats lors d’une manifestation à Bujumbura en juin 2015. © Gildas Ngingo/AP/Sipa

Publié le 18 août 2015 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Que se passe-t-il dans les quartiers contestataires de la capitale burundaise depuis plusieurs semaines ?

Gérard Birantamije : La répression policière qu’ont subi les manifestants depuis le début de la contestation en avril a poussé les habitants à s’armer. Au début, l’objectif était de dissuader les forces de l’ordre de procéder à des arrestations arbitraires de jeunes contestataires. Durant ces exactions, autour de 90 personnes sont mortes, environ 600 ont été incarcérées, beaucoup ont été blessées et d’autres ont fui ces quartiers.

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Néanmoins, les coups de feu et les explosions de grenades ne sont pas localisés uniquement dans les quartiers contestataires. Dans la nuit du mercredi 12 août par exemple, des attaques ont été perpétrées à Kamenge, un lieu connu pour être le fief des Imbonerakure, la jeune milice du parti au pouvoir CNDD-FDD. Ce qui tendrait à prouver que les auteurs des violences ne sont plus seulement dans une logique d’autodéfense.

Ce qui se passe aujourd’hui est plus qu’une résistance. À la tombée de la nuit, les barricades sont érigées, des rondes et des patrouillent sont effectuées par des hommes lourdement armés et parfaitement organisés. Ils ne font que pas que protéger leurs territoires, ils sont mobilisés tous les soirs pour envoyer un message au chef de l’État. L’enjeu est aussi politique et l’objectif me semble clair : chasser le président par les armes et conquérir le pouvoir.

L’étape suivante pour que l’on puisse parler d’une rébellion, serait de se donner un nom et de se constituer en mouvement politique

Peut-on parler d’une rébellion ?

Les seules armes ne suffisent pas pour former une rébellion, il faut aussi un soutien moral et en ressources humaines. Et la majeure partie de la population de la capitale protège effectivement ces hommes.  Parmi leurs soutiens, ils compteraient également des militaires à la retraite.

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Par ailleurs, une fracture s’opère actuellement au sein l’armée, ce qui joue en leur faveur. Les cadres de l’armée n’échappent plus aux arrestations, ce qui crée une frustration qui pourrait les inciter à rejoindre une rébellion en devenir. N’oublions pas que personne ne sait où sont passés les hommes qui étaient sous les ordres du général Godefroid Niyombare, instigateur du coup d’État manqué au mois de mai, même si certains ont été appréhendés.

Quelle est la réaction des autorités en charge de la sécurité nationale face à cette montée de violence ? 

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Les forces de l’ordre ne sont pas en mesure de neutraliser les auteurs de ces violences. Il s’agit d’une résistance très organisée, très solidaire et les policiers sont considérés comme étant les responsables de cette « guérilla urbaine ». Pour la police, la seule réponse à cette résistance est la multiplication tous les matins des fouilles et des perquisitions à la recherche d’armes.

Une rébellion peut-elle rester confinée dans une plaine surplombée de collines à l’image de Bujumbura?  

Ce qui se passe aujourd’hui à Bujumbura s’apparente à la crise qu’a connue le Burundi après le coup d’État militaire de 1993. Le mouvement de résistance du CNDD-FDD, l’actuel parti au pouvoir, est né à Kamenge (sud) dans les mêmes circonstances. Il s’est alors généralisé lorsque le groupe armé s’est déployé dans les collines pour s’approvisionner en vivres et recruter d’autres combattants. Le même scénario est valable actuellement pour cette rébellion en gestation. L’étape suivante pour que l’on puisse effectivement parler d’une rébellion serait pour ce mouvement de se donner un nom et de se constituer en mouvement politique avec des instances dirigeantes.

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