Le Burundi apprend les recettes de l’indépendance
La crise mondiale a contraint l’État burundais à revoir à la baisse son budget, très dépendant des aides extérieures, et à accélérer les réformes. La croissance est cependant de retour, ainsi que les investissements privés.
Crise de l’euro oblige, les aides de l’Union européenne inscrites au budget 2012 ont en effet été annulées. Elles s’élevaient à 26,5 milliards de francs burundais (environ 14,5 millions d’euros), sur un total de 499,4 milliards de francs burundais de subsides internationaux. « Ce qui ne nous a pas plu, c’est que les Européens nous les avaient promises et qu’elles étaient prévues dans la loi budgétaire de 2012 », déplorait le ministre des Finances, Tabu Abdallah Manirakiza, lors d’une séance de révision budgétaire à l’Assemblée nationale, fin juin. Au préalable, il avait annoncé une réduction du budget 2012 de 90 milliards de francs burundais pour compenser cette perte ainsi que le manque à gagner lié à la réduction des taxes sur les produits importés de première nécessité, décidée par le chef de l’État en mai.
Heureusement, en juillet, la Banque africaine de développement (BAD) a approuvé un don de 14,7 millions d’euros au pays pour 2012 et 2013 dans le cadre de son Programme d’appui aux réformes économiques. Dans le même temps, en visite à Bujumbura, le représentant régional de la Banque mondiale, Philippe Dongier, a indiqué que son institution allait renforcer ses aides (appui budgétaire, financement des projets énergétiques et ferroviaires) et demander à ses partenaires, lors de la Conférence internationale des bailleurs du Burundi, prévue les 29 et 30 octobre à Genève, « de mettre les bouchées doubles ».
La diminution de l’aide extérieure et la conjoncture défavorable engendrée par la crise internationale ont entraîné une détérioration du solde budgétaire et réduit la capacité de financement du gouvernement, notamment en matière d’investissements publics (dont le taux est estimé à 9 % du PIB en 2012, contre 12,6 % en 2011). L’État s’évertue donc à contenir les dépenses et à améliorer le recouvrement des recettes intérieures (19 % du PIB en 2011) en poursuivant les réformes engagées en 2010. La création de l’Office burundais des recettes (OBR) a déjà permis de collecter 30 % de recettes supplémentaires en 2011 par rapport à 2010 (passant de 362 à 470 milliards de francs burundais) mais, l’économie restant à plus de 90 % informelle, seuls 200 gros contribuables participent à 80 % du total des recettes intérieures. Enfin, la double hausse du prix des denrées alimentaires et des carburants a affecté les conditions de vie de la population et la situation des finances publiques. L’inflation, qui avait été maintenue à 8,3 % en 2011, a grimpé début 2012 jusqu’à atteindre 25 % en mars, mais devrait être ramenée aux alentours de 10 % d’ici à 2013.
Malgré la morosité de ces indicateurs, l’économie affiche une croissance stable qui, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI), devrait atteindre 4,8 % en 2012 grâce au redéploiement des filières clés (lire p. 95) et au renforcement des investissements privés. La progression de ces derniers permet de maintenir le taux d’investissement national à la hausse, à 27,1 % du PIB en 2011 (contre 24,2 % en 2010), dont 14,5 % d’investissements privés. Grâce aux réformes engagées en matière de protection des investisseurs (le Burundi est classé huitième pays réformateur dans le rapport « Doing Business » 2012 de la Banque mondiale), la part des investissements privés devrait atteindre 15,7 % en 2012, selon les prévisions de l’Agence de promotion des investissements (API), créée en 2010.
Cependant, les difficultés d’accès au financement et la corruption continuent de freiner le développement du secteur privé (3 000 entreprises enregistrées en 2011), ainsi que le souligne l’Institut de développement économique du Burundi (Idec), qui, à l’instar des institutions internationales, encourage l’État à redoubler ses efforts pour combattre le fléau. Douzième pays le plus corrompu au monde selon Transparency International et premier au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), le Burundi reste en effet à la traîne du rapport « Doing Business » de 2012, où il émarge à la 169e place sur 183 pays classés, et au 140e rang sur 142 dans son rapport global sur la compétitivité.
Pauvreté
Le Burundi a en revanche enregistré d’importants progrès sociaux, en particulier dans les secteurs de l’éducation et de la santé, avec la mise en place de la gratuité de l’école primaire et des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Les dépenses publiques en éducation et en santé ont respectivement représenté 25 % et 8 % des dépenses de l’État en 2011, et, désormais, les installations d’assainissement améliorées sont accessibles à la moitié de la population, en milieu urbain comme en milieu rural.
Le pays a ainsi amélioré son indice de développement humain (IDH), passé de 0,267 en 2005 à 0,316 en 2011, même s’il reste parmi les pays les plus vulnérables, au 185e rang sur 187 États classés par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) en 2011. En outre, la dynamique économique n’a pas encore permis de réduire la pauvreté (environ 70 % de la population vit avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté de 1,25 dollar par jour), ni de résorber le chômage, qui touche plus de 10 % de la population active, en particulier les jeunes.
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