L’argent des Africains : Stanislas, comédien au Burundi – 355 euros par mois

Nous continuons notre série sur l’argent des Africains. Comment ils le gagnent ? Comment ils le dépensent ? Stanislas, 33 ans est président de la troupe de théâtre Pilipili à Bujumbura. Auteur, acteur et metteur en scène, il n’a pas de salaire fixe, comme beaucoup d’artistes, et gagne sa vie au gré des cachets.

Publié le 2 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

C’est en 2004 que Stanislas découvre son talent de comédien quand il est encore à l’école secondaire. « Au collège, nous apprenions par coeur les textes de grands auteurs comme Molière et nous les récitions devant toute la classe. Quand c’était mon tour, les élèves riaient avant même que je ne commence », raconte l’acteur autodidacte.

Devenu aujourd’hui comédien à temps plein, Stanislas occupe une partie de ses journées à écrire de nouvelles pièces. Le reste du temps, avec sa troupe, il joue ses oeuvres et met également en scène des projets d’ONG dans l’éducation et le développement. Ces commandes sont souvent bien rémunératrices et permettent à la troupe de garder des fonds dans la caisse commune.  Les revenus de Stanislas ne sont jamais réguliers. « Je joue par passion. Un projet peut parfois me rapporter 600 euros, comme il m’arrive de passer des mois sans gagner un rond », précise-t-il avec une touche d’humour.

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Revenu mensuel approximatif : 600 000 francs burundais (soit 355 euros)

Après chaque représentation théâtrale, la troupe de Stanislas dépose les gains rapportés dans un compte commun. À la fin du mois, les acteurs se partagent ce revenu. « Parfois, on arrive à organiser des tournées dans la sous-région », détaille-t-il, en précisant que Pilipili présente au Rwanda et en RDC sa nouvelle pièce intitulée « Unité, Travail, Progrès ! », la devise du Burundi.

Pour entretenir sa famille, il dépense environ 130 euros par mois

Marié et père de deux petites filles de 2 et 5 ans, Stanislas subvient tout seul aux besoins de son foyer. Il donne chaque mois à sa femme le tiers de son salaire. Diplômée en informatique, elle cherche un emploi. Pas facile dans un pays en crise, l’un des plus pauvres au monde. « Moi je cours partout pour chercher de l’argent, et ma femme gère ce que je ramène », explique-t-il. Sur les 120 euros dédiés à l’approvisionnement en nourriture et en produits de première nécessité s’ajoutent une dizaine d’euros pour payer un fournisseur particulier en lait frais pour ses deux petites filles.

Logement et charges : 60 euros

À Mutakura où habitent Stanislas et sa famille, les loyers sont relativement moins chers qu’à Rohero ou Nyakabiga. Situé dans le nord de Bujumbura, un peu éloigné du centre, ce quartier populaire est habité par des fonctionnaires et des jeunes couples. Stanislas dépense seulement 52 euros de loyer pour une maison de deux chambres et un salon. À cette somme s’ajoutent 8 euros pour l’eau et l’électricité que la famille partage avec son voisin de parcelle. « En plus, avec les délestages, la facture nous revient encore moins cher ! », ironise-t-il.

Loisirs et sorties en temps de paix : jusqu’à 30 euros

À Bujumbura, les seuls loisirs d’un citoyen moyen sont les sorties dans les bars. Les gens s’installent sur des tabourets en bois, au bord des petites rues, et discutent autour d’une bière en savourant des brochettes de chèvre ou de boeuf. Du bon temps que Stanislas ne peut plus s’offrir depuis que le quartier a été classé parmi les zones contestataires au pouvoir du président Pierre Nkurunziza.

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« Aujourd’hui, il n’y a plus un chat dehors après 19 heures. Chacun se terre chez soi et attend de voir comment se passe la nuit », confie-t-il mélancolique. Avant que l’insécurité gagne sa ville, il ne calculait jamais ses dépenses pendant les sorties. « Si l’ambiance me plaît, je peux consommer jusqu’à 30 euros pendant un week-end. C’est énorme vu ce je gagne. Mais c’est exceptionnel ! »

Stanislas classe également le shopping dans la case des dépenses non contrôlées. Un luxe qu’il se permet pas tous les mois. « Parfois quand ma femme a besoin d’acheter de nouveaux habits, pour elle et les filles, je lui donne la somme qu’elle demande. Cela peut osciller entre 20 ou 30 euros », résume-t-il avant d’ajouter avec humour : « Elle me fait d’ailleurs des surprises en vêtements, ce qui m’évite de faire les marchés ! »

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Déplacements : 35 euros

Stanislas part en ville tous les matins et rentre à la fin de la journée. Les transports en bus ou en moto-taxi restent les seuls moyens de déplacement pour un Burundais modeste et ils coûtent environ 2000 francs burundais par jour (soit 35 euros mensuels).

Information, communication et internet : 50 euros

Pour la télévision, Stanislas a pris un abonnement sur Startimes, une plate forme chinoise proposant des chaînes internationales comme France24, BBC ou Al Jazeera. il regarde de temps en temps les journaux télévisés, mais les grands bénéficiaires du bouquet qui coûte 7 euros par mois sont évidemment son épouse et ses filles, grandes fans des séries latino-américaines.

Pour le téléphone, Stanislas recharge le crédit de son portable en cas de besoin. Ses frais de communication avoisinent 25 euros par mois. Une somme qu’il juge élevée mais dont il ne peut pas se passer pour échanger avec les responsables des troupes de la sous région avec lesquels il a des projets communs. Pour se connecter à internet, il fréquente les cybercafés. Il estime à 18 euros la facture que lui coûtent ainsi les réseaux sociaux et les mails professionnels.

Petit matelas de survie : 50 euros

Les maigres revenus de Stanislas ne lui permettent pas de faire des économies. « Je n’ai qu’un compte courant dans lequel je pioche pour les urgences. » Pour les soins de santé ou les contributions aux mariages des amis, Stanislas s’efforce ainsi de laisser toujours environ 50 euros sur son compte bancaire.

Le rêve secret : construire un théâtre à Bujumbura

Ce n’est pas encore un projet. C’est un rêve. À Bujumbura, le seul espace culturel public s’est transformé en centre commercial depuis les années 2000. Deux fois par mois, les artisans se rassemblent dans l’ancien Palais des arts et de la culture pour vendre leurs articles riches en couleurs. Cela exaspère Stanislas ainsi que beaucoup d’autres artistes qui n’ont plus de scène importante pour représenter leurs oeuvres.

« Je suis peut-être fou d’élaborer un projet aussi colossal. Mais tôt ou tard, je finirai par réaliser mon rêve. » Ce grand chantier n’est encore qu’un document auquel il ajoute des idées tous les soirs avant de se coucher. « Nos voisins rwandais et congolais ont leur théâtre. Les Burundais auront le leur un jour. Grâce à ma folie ! »

Taux de conversion établi à 1 euro pour 1700 francs burundais, le 2 septembre 2015.

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