Comprendre les lois antiterroristes de 15 pays africains en deux infographies

Égypte, Tunisie, Tchad, Maroc, Cameroun, Côte d’Ivoire, Libye, Kenya… Au total, entre la fin de 2014 et le début de 2015, pas moins de huit pays africains ont modifié leur législation contre le terrorisme. « Jeune Afrique » a épluché les textes des 15 pays les plus menacés par les « fous de Dieu ».

Le drapeau de Boko Haram à Gambaru,  au Nigeria, après que les troupes tchadiennes ont chassé le groupe terroriste, en février 2015. © Stéphane Yas/AFP

Le drapeau de Boko Haram à Gambaru, au Nigeria, après que les troupes tchadiennes ont chassé le groupe terroriste, en février 2015. © Stéphane Yas/AFP

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 20 août 2015 Lecture : 3 minutes.

Les lois antiterroristes récemment entrées en vigueur ont toutes suscité de vives réactions des organisations de la société civile qui ont dénoncé des atteintes inacceptables aux libertés publiques. Les critiques les plus fréquentes portent sur l’allongement de la durée de la garde à vue, les atteintes à la liberté de la presse ou encore une définition du terrorisme jugée trop floue, ouvrant la porte à des dérives.

Pour éclairer le débat, nous avons passé au crible les lois antiterroristes de 15 pays africains directement menacés, voire touchés, par le terrorisme. Dans un but de simplification et de comparaison, nous avons retenu trois critères : la peine maximale encourue pour acte terroriste, les sanctions prévues pour apologie du terrorisme et le temps maximum de garde à vue prévu dans les cas de terrorisme présumé.

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Certains de ces pays sont visés par les attaques de Boko Haram (Niger, Nigeria, Tchad, Cameroun), de l’État islamique (Algérie, Tunisie, Libye, Égypte) ou des Shebab (Kenya), tandis que d’autres sont menacés par les groupes agissant au Sahel, Ansar Eddine et Aqmi entre autres (Mali, Mauritanie, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Maroc, Sénégal). Les groupes terroristes cités ont tous un point commun : ils prétendent agir au nom de l’islam et dissimulent des projets de domination politique derrière des discours théocratiques.

Parmi les pays concernés pays, seuls trois ne mentionnent pas la peine de mort dans leurs textes. Le Tchad qui s’apprêtait à l’abolir l’a réintroduite dans le projet de loi adopté par le Parlement fin juillet. De même pour la Tunisie, qui sans appliquer les exécutions, a réintroduit la peine capitale dans le texte approuvé le 24 juillet.

Dans les faits, seul trois pays y ont recours : l’Égypte, le Nigeria et la Libye, qui se classent parmi les pays les plus répressifs en matière de lutte contre le terrorisme. L’Égypte se distingue d’autant plus que ses tribunaux y ont massivement recours et que la loi antiterroriste est utilisée contre les Frères musulmans dont le mouvement est considéré comme terroriste. Des centaines de leurs membres, arrêtés au lendemain du renversement de Mohamed Morsi se trouvent dans le couloir de la mort.

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Par ailleurs, le pays ne prévoit pas de durée spécifique de garde à vue pour les présumés terroristes. Par conséquent, dans la pratique, la durée de détention peut être arbitrairement prolongée. Dans d’autres pays, celle-ci peut-être très élevée : elle est de 90 jours au Nigeria, et de 360 jours au Kenya. Soit près d’une année complète !

La question de l’efficacité

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Parmi les législations moins répressives, on retrouve celles de pays pour l’instant moins exposés au risque terroriste, comme le Burkina Faso, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire,ces deux derniers ayant aboli la peine de mort. Les délais de garde à vue y sont également plus raisonnables. Pour autant, la société civile ivoirienne redoute elle aussi une instrumentalisation politique de la loi contre l’opposition, tant la définition du terrorisme est malléable.

De nombreuses questions restent ainsi ouvertes : ces lois antiterroristes sont-elles efficace ? En restreignant les libertés publiques et les droits de l’Homme, ne loupent-elles pas leur but ? Face à des groupes organisés, fanatisés, faisant l’apologie de la mort, elles n’ont en tout cas pas de réelle portée dissuasive. Raison pour laquelle, au delà des refontes de leurs législations, les États ont tout intérêt à mettre en place des politiques de prévention et de déradicalisation, notamment envers la jeunesse.

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