Mode : l’épopée du « dashiki » – « Ya Mado », de Beyonce à Fabregas et de Kinshasa à New York
Kinshasa, Kigali, Kampala, Johannesburg, Bruxelles, Paris, New York, Londres… Aucune capitale n’est épargnée par la mode « dashiki », une chemise en tissu traditionnel dont le motif est également connu sous les noms « Ya Mado », « Miriam Makeba », « Angelina » ou encore « Addis-Abeba ». Plus de 50 ans après sa création par Vlisco, il n’a jamais été aussi populaire. Enquête sur un phénomène.
Indémodable. Certains le pensaient dépassé, rangé dans les oubliettes de l’histoire de la mode. Erreur ! Années après années, il revient toujours plus fort, en général par l’intermédiaire d’artistes qui le mettent au goût du jour. Le dernier en date est Fabregas, avec son tube « Mascara » sorti en décembre 2014. Dans son clip, le chanteur congolais et son groupe arborent des chemises à motifs traditionnels « dashiki », aussitôt rebaptisées « Ya Mado » par la rue congolaise, du nom de la danse qui accompagne la chanson (vidéo ci-dessous à partir de 3’22 »).
De Kinshasa à Bruxelles, il n’y a qu’un pas, et voilà que la capitale belge est elle aussi gagnée par le virus. « Difficile de s’y promener sans croiser dans la rue une personne qui le porte. Le ‘Ya Mado’ fait désormais partie de la culture vestimentaire », s’exclame Christelle Pandanzyla, l’initiatrice du Brussels African Market (BAM), qui réunit tous les deux mois une quarantaine d’exposants venu de plusieurs pays européens et africains.
Même à Paris, Londres, et New York, il est devenu difficile de ne pas croiser dans la journée, en été, une ou plusieurs personnes habillées en dashiki (qui signifie à l’origine simplement « chemise » en yoruba). Le phénomène y est pourtant bien antérieur au clip de Fabregas qui, pour le coup, semble avoir lui-même suivi une mode africaine… revenue des États-Unis.
Car Outre-Atlantique, le retour récent du dashiki est essentiellement dû au styliste africain-américain Ron Bass. Celui-ci a créé Royal Kulture, un label de musique indépendant basé dans le Queens à New York, lequel propose également une ligne vestimentaire afro-centrée et streetwear. En 2013, il lançait la série « Africa Leaders » puis, en 2014, la « Dashiki Jersey Kollection ». Succès fulgurant. Ses vêtements sont aussitôt portés par des personnalités comme Beyoncé, et d’autres… En 2014, le dashiki a été également utilisé par la marque de Los Angeles Dimepiece pour un modèle porté, cette fois, par… Rihanna. Chris Brown, bien que séparé de la chanteuse barbadienne, a lui aussi arboré son dashiki. Jusque sur scène…
En fait, chez de nombreuses stars américaines, il est devenu très tendance de porter un dashiki pendant la semaine de Kwanzaa (26 décembre-1er janvier), fête créée en 1966 par l’activiste Ron Karenga pour que les Africains-Américains renouent avec leurs racines. Une mode qui n’a vraisemblablement pas échappé à Fabregas… Pourtant, c’est bien sûr l’Afrique qui a vu naître le dashiki et qui en a fait le motif iconique que l’on sait – même si c’est un Néerlandais qui l’a commercialisé pour la première fois, lui donnant sa dimension internationale, il y a cinquante deux ans…
Inspiré par les femmes de la noblesse éthiopienne du 19e siècle
Son nom : Toon van de Manakker. Créateur de textiles chez Vlisco, il s’inspire en 1963 des tuniques portées au 19e siècle par les femmes de la noblesse éthiopienne pour élaborer un nouveau produit. Plus d’un demi-siècle plus tard, son tissu reste l’un des pagnes Java phares de la maison Vlisco, comme le souligne son directeur de création, Roger Gerards. « Associé au mouvement hippie dans les années 1960, il est également rattaché à la réflexion sur l’identité africaine pendant la vague des indépendances ainsi qu’à la confirmation de l’identité africaine-américaine dans les années 1970. Ce motif est donc à la mode, mais il est également un symbole de protestation pour les mouvements africains-américains », insiste Roger Gerards.
« Il n’y a rien de nouveau au phénomène », confirme de son côté le créateur ivoirien Gilles Touré. Les gens redécouvrent le dashiki et les Africains qui vivent en dehors du continent se l’approprient pour revendiquer leur africanité. Je me souviens qu’il y a quelques années le groupe Magic System l’a porté lors d’un de ses concerts à l’Olympia. Aujourd’hui, la jeunesse s’identifie aux stars qui le portent, et c’est tant mieux », poursuit le styliste, qui se dit satisfait du mouvement « consommons africain ».
Très prisé en ce moment en Côte d’Ivoire, le pagne y est connu sous l’un de ses nombreux noms, « Addis-Abeba », plus conforme à ses origines. « À Kigali, aussi, le dashiki est très populaire chez les jeunes, explique Regis Isheja », animateur de Rise and Shine, l’une des émissions les plus regardées par la jeunesse rwandaise sur la télévision nationale. « Le dashiki est devenu un phénomène de société, c’est difficile d’y échapper… Et le clip de Mascara qui continue à cartonner rend la chose ‘soin’, (« super »), comme on dit chez nous ! ». Après tout, la mode est un éternel recommencement.
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