Les fonds vautours ont du plomb dans l’aile

Le congolais Gécamines a remporté coup sur coup deux procès contre le fonds FG Hemisphere, un investisseur spéculant sur d’anciennes créances. Des décisions qui pourraient faire jurisprudence ?

Le tribunal de Jersey a donné raison à la compagnie minière, poursuivie par l’américain FG Hemisphere. © Vincent Fournier/JA

Le tribunal de Jersey a donné raison à la compagnie minière, poursuivie par l’américain FG Hemisphere. © Vincent Fournier/JA

Publié le 17 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Après quatre ans de combat contre les fonds vautours, la Gécamines vient de remporter deux victoires décisives. Poursuivi par FG Hemisphere, un fonds enregistré au Delaware, aux États-Unis, l’ancien fleuron de l’industrie minière congolaise a obtenu la levée de saisies concernant quelque 249 millions de dollars (198 millions d’euros) – et pourrait encore récupérer plus de 27 millions. FG Hemisphere a d’abord été débouté en 2011 par la Cour suprême de Hong Kong. Cette décision, qui doit entraîner le déblocage de 175 millions de dollars au profit de la Gécamines, « a surpris les fonds vautours », juge Pascal Agboyibor, associé du cabinet d’avocats Orrick et conseil de la compagnie minière dans une affaire précédente. Mi-juillet, la plus haute juridiction de l’île de Jersey, paradis fiscal dépendant du Royaume-Uni, a à son tour donné raison à la société congolaise, levant la saisie de 74 millions de dollars. Un jugement attendu à Paris en octobre déterminera si la Gécamines a droit au remboursement de 27,4 autres millions de dollars gelés à la suite des poursuites engagées par FG Hemisphere.

Les fonds vautours tiennent leur surnom de leur activité : acheter à bas prix des parts de dettes émises par des États proches du défaut de paiement, puis intenter des procès partout où ils le peuvent afin d’obtenir le paiement intégral de la valeur faciale des créances, intérêts compris. S’il est complexe de forcer un État souverain à rembourser ses dettes, la méthode privilégiée de ces prédateurs est d’attaquer les entreprises publiques. Ces dernières font de meilleures cibles, car elles ont des clients dont les paiements sont potentiellement saisissables. Dans le cas de la RD Congo, la Société nationale d’électricité (Snel) et la Gécamines ont été les deux grandes victimes des fonds vautours. L’électricien congolais a mené le premier combat… et l’a perdu. En 2009, après avoir racheté une créance impayée de la Snel pour moins de 10 % de sa valeur (18 millions de dollars), FG Hemisphere a obtenu d’un tribunal sud-africain qu’il condamne la RD Congo à payer 104 millions de dollars. La somme est depuis saisie sur les recettes d’exportation d’électricité de la Snel vers le sud-africain Eskom.

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Cliquez sur l'image.margin: 3px; border: 0px solid #000000;" height="193" width="400" />Société privée

La Gécamines doit sa victoire à un joli tour de passe-passe : elle a plaidé ne plus être un organe de l’État congolais, mais une société à gestion privée soumise au droit commercial. « C’est finalement un aspect collatéral du problème qui a été jugé, explique Pascal Agboyibor. Le véritable progrès se situe au niveau du rapport des États et des entreprises aux services juridiques. L’époque de l’improvisation est terminée et ils s’entourent désormais des meilleurs conseils. » Pour leur permettre de combattre à armes égales, la Banque africaine de développement (BAD) a mis en place la Facilité africaine de soutien juridique (African Legal Support Facility, ALSF), un fonds qui finance les frais juridiques nécessaires à une telle procédure et conseille les victimes des fonds vautours. « Nous avions pris de bonnes dispositions, souligne Albert Yuma Mulimbi, président du conseil d’administration de la Gécamines. Nous nous sommes entourés de trois grands cabinets, un belge et deux britanniques », notamment Clyde & Co.

Arsenal législatif

L’ALSF tente aussi d’influer sur les législations des principaux pays où se tiennent les procès, à savoir les États-Unis, le Royaume-Uni et la France. Le Royaume-Uni a d’ailleurs voté une loi qui prohibe l’activité des fonds vautours, mais ses dépendances, comme Jersey, ne sont pas encore concernées. Aux États-Unis, le Stop Vulture Funds Act est bloqué au Congrès, tandis qu’en France une proposition de loi déposée en 2007 ne semble pas faire partie des priorités.

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Albert Yuma Mulimbi se dit toutefois « confiant » à propos du troisième et dernier jugement qui attend son groupe à Paris en octobre. Si l’avenir lui donne raison, l’affaire Gécamines aura créé trois précédents favorables pour les entreprises poursuivies par les investisseurs prédateurs. La Snel chercherait d’ailleurs actuellement des avocats pour rouvrir le dossier qui l’a opposée à FG Hemisphere.

« Incontestablement, l’étau se desserre et cette décision va concourir à rassurer progressivement les entreprises publiques africaines, estime Pascal Agboyibor. Cependant, le sujet reste entier pour les États. Je pense que les procès vont continuer, mais récupérer l’argent sera plus difficile pour les fonds. Je ne crois pas à une législation généralisée à court terme. » Les entreprises publiques africaines encore poursuivies sont prévenues.

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