Casablanca s’offre un grand lifting

La capitale économique s’est lancée dans de vastes chantiers. Développement du front de mer et de l’ouest de la métropole, renforcement des transports en commun : le point sur l’avancement et le pilotage des travaux.

Longue de 31 km, la première ligne de tramway doit entrer en service le 12 décembre. © Hassan Ouazzani/JA

Longue de 31 km, la première ligne de tramway doit entrer en service le 12 décembre. © Hassan Ouazzani/JA

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 18 septembre 2012 Lecture : 5 minutes.

En dépit de ses 4 millions d’habitants, Casablanca a longtemps attendu pour lancer ses travaux. Au début des années 2000, des villes comme Tanger, carrefour stratégique avec l’Europe, et Rabat, capitale politique, ont été privilégiées par les investisseurs publics que sont la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) et le Fonds Hassan-II, consacré aux infrastructures. Pour ne rien arranger, le blocage du conseil municipal, boycotté par l’opposition de février 2011 à avril 2012, a ralenti la validation des projets financés par la ville. L’urgence, pourtant, n’est pas nouvelle : rareté du foncier, embouteillages monstres, difficultés logistiques et pression démographique. D’ici à 2030, la population devrait croître d’environ 25 %, Casablanca continuant d’attirer Marocains et étrangers (notamment ouest-africains et européens).

Cliquez sur l'image.Pour rattraper le temps perdu, les grands chantiers ont presque tous démarré en même temps : entre 2010 et 2012. Avec la multitude des travaux en cours et la diversité des intervenants, de CDG à la mairie en passant par la wilaya du Grand Casablanca, les habitants peinent à voir la cohérence globale du projet. « Un travail considérable est réalisé pour faire avancer les projets de la ville, mais les citadins ne s’en rendent pas compte, faute d’une communication lisible », estime Thami Ghorfi, directeur de la radio Aswat et président de l’École supérieure du commerce et des affaires (Esca). La municipalité, dirigée par Mohamed Sajid, a encore fort à faire pour jouer un rôle de pilote global, qui semble aujourd’hui plutôt assumé par CDG (lire encadré).

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Colonne vertébrale

Cliquez sur l'image.Symbole de cette révolution en marche, la première ligne de tramway, qui doit entrer en service à la mi-décembre, est la colonne vertébrale d’un projet qui se veut double : assurer la continuité territoriale de la ville et l’ouvrir vers la mer (voir carte). Tout en développant de nouvelles zones économiques et commerciales, principalement dans l’Ouest. La ligne T1 traverse la ville d’ouest en est sur 31 km, en passant par le centre historique. « Grâce à elle, nous comptons voir le taux d’utilisation des transports en commun passer de 13 % à 20 %, avec 250 000 passagers chaque jour », indique Youssef Draiss, directeur général de Casa Transports. « Le tramway va permettre de désenclaver les quartiers résidentiels populaires et ceux plus aisés, mais aussi de les relier aux centres d’affaires comme le quartier de Sidi Maârouf, où sont implantés le Technopark et de nombreux sièges de sociétés de services », apprécie Thami Ghorfi.

Casa Transports ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « À terme, nous prévoyons trois autres lignes de tramway, un métro et un RER [réseau express régional, NDLR] à l’horizon 2020, annonce Draiss. Cela représentera au total 45 milliards de dirhams [plus de 4 milliards d’euros] pour l’ensemble des projets, soit 171 km de voies ferrées. » En attendant, la ville s’organise autour du T1. « Nous prévoyons des navettes de bus allant jusqu’au terminal du tramway dès son ouverture pour les quelque 15 000 travailleurs des 70 centres d’appels, de support informatique et de gestion de Casanearshore, indique Samir Guerraoui, directeur commercial et marketing de cette zone économique spécialisée dans l’offshoring (externalisation de services). Nous allons commercialiser 35 000 m² supplémentaires l’an prochain. La facilité d’accès de la main-d’oeuvre à notre site est un argument majeur pour les investisseurs. »

Le T1 traverse l’ancien aéroport d’Anfa, fermé en 2007. C’est là que doit s’installer, à partir de 2013, une zone consacrée à la finance, autour du nouveau bâtiment de la Bourse, censé drainer dans son sillage analystes, consultants et banquiers d’affaires. « Il s’agit de créer un nouveau centre à Casablanca, plus à l’ouest. Le coeur économique du projet, c’est la place financière, mais le quartier comprendra aussi des logements, des hôtels, des jardins, des centres culturels et sportifs », explique Khadir Lamrini, directeur général de l’Agence d’urbanisation et de développement d’Anfa (Auda). Au total, pas moins de 40 milliards de dirhams seront nécessaires pour finaliser le pôle d’Anfa.

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À l'ouest toute : les chantiers modifient <span class=l'équilibre de l'agglomération." title="À l'ouest toute : les chantiers modifient l'équilibre de l'agglomération." class="caption" style="border: 0px solid #000000; margin: 3px; float: left;" />« D’ici à 2015, il comptera entre 80 000 et 100 000 emplois, pour autant d’habitants », détaille Lamrini. Pour l’heure, seuls les travaux d’aménagement (électrification, canalisations, allotissement…) ont été lancés pour un tiers des 400 à 500 ha prévus. Les premiers bâtiments devraient sortir de terre à partir de l’année prochaine. Mais le rythme du développement dépendra notamment de l’implantation des sociétés financières. Une inconnue de poids. Au vu de la conjoncture boursière, en berne depuis 2011, les grands établissements comme Attijariwafa Bank attendent avant de décider s’ils transfèrent tout ou partie de leurs équipes sur le pôle d’Anfa. Quant au statut de Casablanca Finance City (CFC), prévoyant des exemptions fiscales pour les sociétés de la Place, il n’a pas encore l’attrait escompté.

Immobilier

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Au nord de la ligne T1, sur le front de mer, les grues s’activent également mais le retard est considérable. Casablanca Marina, projet immobilier de 26 ha (dont 10 pris sur la mer) piloté par la Compagnie générale immobilière, a été gelé pendant plus de un an à cause du retrait de l’investisseur émirati Sama Dubai. CDG a recapitalisé l’opération, mais c’est seulement fin 2012 que seront livrés les premiers appartements, commerces et bureaux. Toujours au bord de l’Atlantique, un autre projet immobilier attend son heure : Anfaplace, mené par l’espagnol Inveravante, qui doit livrer fin 2012 des résidences et bureaux de standing.

Avec tous ces projets, qui s’ajoutent au Morocco Mall, le plus grand centre commercial d’Afrique du Nord (ouvert fin 2011 par le groupe Aksal), certains s’inquiètent d’une surcapacité. En cinq ans, l’ouest de la métropole devra absorber 300 000 m² de commerces et 650 000 m² de bureaux supplémentaires. Hamid Ben Elafdil, directeur du centre régional d’investissement, se veut rassurant. « Le dynamisme de Casablanca ne se dément pas. Au premier semestre 2012, malgré la crise européenne, plus de 3 900 entreprises ont été créées, soit 18 % de plus que sur la même période en 2011. Les investisseurs continuent de venir s’installer dans les secteurs de l’électronique et de l’aérien, à l’image du constructeur aéronautique Bombardier en juin. Même si, dans l’offshoring, les arrivants sont moins nombreux en 2012 et 2013, je ne suis pas inquiet. Avec les nouvelles infrastructures, l’attractivité de la ville va encore se renforcer », estime-t-il.

CDG en chef d’orchestre

La Caisse de dépôt et de gestion est actionnaire de tous les grands projets en cours dans la métropole, notamment par le biais de sa branche de développement territorial, baptisée CDG Développement. L’institution publique détient, directement ou via ses filiales, des parts majoritaires dans Medz (qui gère Casanearshore), Auda (pôle d’Anfa), Casablanca Marina et la Compagnie générale immobilière. Dans son portefeuille également, une part du capital de Casa Transports et de la société d’économie mixte Casa Développement. C.L.B.

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