Sothema, chantre du made in Morocco
Après les déclarations du chef du gouvernement en faveur de la préférence nationale, le laboratoire chérifien Sothema compte sur la parution d’un décret pour en bénéficier. Tout en poursuivant son expansion internationale.
Plus de deux ans après le début du bras de fer opposant Sothema à son principal concurrent, Laprophan (distributeur du laboratoire danois Novo Nordisk), qu’il accuse de dumping en raison de ses importations d’insuline à bas prix, le feuilleton n’est toujours pas clos. Pis, en attendant que les autorités statuent sur cette affaire (lire encadré), le laboratoire marocain maintient sa menace de délocaliser sa production d’insuline en Algérie. La situation devrait toutefois évoluer. « À notre avis, ce ne serait qu’une question de temps, affirme Ismail El Kadiri, analyste financier chez BMCE Capital. Le Maroc ne peut pas rester dépendant d’un importateur pour un marché aussi stratégique que celui de l’insuline. »
En avril, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, s’était déclaré favorable à la préférence nationale dans tous les secteurs d’activité. Sothema, dont c’est le cheval de bataille, aurait engagé des pourparlers avec les autorités pour que les laboratoires chérifiens en bénéficient. Aujourd’hui, le laboratoire affirme avec satisfaction qu’un projet de décret, assez avancé, est en circulation. Resterait à préciser les secteurs concernés.
Par ailleurs, « il devrait y avoir une baisse des prix des médicaments dans les prochains mois à la suite de l’étude comparative avec le niveau des prix dans des pays similaires diligentée par les pouvoirs publics, affirme-t-on à BMCE Capital. Les discussions sont toujours en cours entre les parties, notamment autour de la définition d’une nouvelle structure de marge pour les pharmaciens ». Une évolution qui s’inscrit dans un contexte de volontarisme politique sur fond de marché pharmaceutique à fort potentiel, de concurrence accrue et de généralisation de la couverture maladie via le régime d’assistance médicale (Ramed). Le ministère de la Santé a conclu récemment un accord avec les laboratoires afin de dynamiser l’industrie locale. L’objectif est de faire passer la part des médicaments génériques de 30% à 70%.
Au-delà de la mauvaise publicité découlant du rapport défavorable du Conseil de la concurrence (lire encadré), la perte du marché de l’insuline n’a pas mis Sothema en difficulté. Le chiffre d’affaires généré par ce produit n’est que de 32 millions de dirhams (2,9 millions d’euros), soit environ 3 % des revenus de la société. « En conséquence, sa perte a peu d’effet sur l’évolution du titre en Bourse, d’autant que ce dernier n’est pas très liquide », constate Ismail El Kadiri. Depuis le début de l’année 2012, le cours de l’action a baissé de 4 %.
Malgré un exercice relativement difficile, le laboratoire a enregistré en 2011 des résultats en progression grâce à son développement sur le reste du marché. « Son positionnement judicieux sur les pathologies lourdes lui permet d’afficher de meilleures performances que l’ensemble de son secteur (dont la croissance s’est limitée à 5 % l’an dernier), comme en témoigne la hausse de 14 % de son chiffre d’affaires, à 939 millions de dirhams. Quant au résultat net, il se stabilise à 73,3 millions », détaille l’analyste. De bons résultats auxquels contribue la branche façonnage, portée par la reprise des activités industrielles de Novartis Pharma Maroc d’une capacité de 8 millions d’unités. Sothema continue par ailleurs de récolter les fruits de la montée en puissance de sa nouvelle unité de production de produits injectables.
Côté projets, il compte sur la mise sur le marché de biosimilaires injectables – des produits à très forte valeur ajoutée, dont l’introduction au Maroc reste suspendue à la mise en place d’un cadre réglementaire. Le laboratoire mise aussi sur son expansion à l’international. Il s’appuie sur sa filiale sénégalaise produisant des antipaludiques, antidiarrhéiques et anti-infectieux. Lancé fin 2011, West Afric Pharma devrait lui permettre de renforcer l’écoulement de ses produits en Afrique subsaharienne. « Si l’expérience sénégalaise s’avère positive, nous l’étendrons à d’autres pays de la zone de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR], qui pratique la préférence communautaire, ce qui représente un atout pour nous développer », pronostiquait en mars Lamia Tazi, directrice générale de Sothema, dans les colonnes de Jeune Afrique.
Nouveaux marchés
Autre implantation à l’étude, la construction en Arabie saoudite d’une unité consacrée à l’injectable, en partenariat avec un opérateur local, ce qui permettrait au marocain d’accéder à un nouveau marché. En Algérie, l’ambition est la même, mais le projet en est à un stade plus avancé. « Le laboratoire serait en phase de recherche de terrain. Conformément à la réglementation des investissements étrangers en Algérie, il devrait prendre une participation de 49 %, en partenariat avec un opérateur local », précise Ismail El Kadiri. Et ce indépendamment de la décision du gouvernement marocain relative à l’insuline. Enfin, Sothema attend le feu vert de la Food and Drug Administration (FDA) pour exporter vers le marché américain. Il serait alors le premier laboratoire marocain à y accéder.
Avec Laprophan, deux années de bataille
Nouveau revers dans l’« affaire de l’insuline ». Début juillet, Sothema a perdu un appel d’offres pour l’approvisionnement des hôpitaux. En juin 2010, c’est l’attribution à Laprophan d’un marché équivalent (2,5 millions de flacons), avec des produits importés du Danemark, qui avait mis le feu aux poudres. Quatre mois plus tard, Sothema saisissait le Conseil de la concurrence, accusant son rival de dumping. Depuis, le conseil a renvoyé dos à dos les deux sociétés, pointant « un abus de position dominante collective » et « l’adoption d’une ligne de conduite commune de baisse des prix », au détriment du troisième acteur de la filière, Polymedic (4% de part de marché). Sothema a également été accusé d’avoir pratiqué des prix de vente excessifs pour le marché privé. F.R.
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