Geneviève Garrigos : « Les femmes enlevées par Boko Haram sont des butins de guerre »

L’enlèvement des 276 lycéennes de Chibok par Boko Haram avait suscité une mobilisation internationale considérable. 500 jours après leur rapt, la présidente d’Amnesty International France, Geneviève Garrigos, livre des éléments d’explication sur le sort réservé aux jeunes filles.

Des membres du mouvement « Bring back our girls » militent, le 8 juillet 2015, pour la libération des 219 lycéennes enlevées par Boko Haram en avril 2014. © Philip Ojisua/AFP

Des membres du mouvement « Bring back our girls » militent, le 8 juillet 2015, pour la libération des 219 lycéennes enlevées par Boko Haram en avril 2014. © Philip Ojisua/AFP

Publié le 27 août 2015 Lecture : 2 minutes.

En quatre ans, Boko Haram aura enlevé plus de 2 000 personnes, selon les estimations des organisations internationales. Mais c’est sans aucun doute le rapt des « lycéennes de Chibok » qui aura le plus marqué les esprits.

Le 14 avril 2014, Boko Haram faisait irruption dans un lycée de cette ville de l’État de Borno, berceau du groupe islamiste, et y enlevait 276 lycéennes. Si une soixantaine d’entre elles a réussi à s’échapper depuis, 219 autres sont encore aux prises de la secte.

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Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France, revient pour Jeune Afrique sur le sort réservé à ces jeunes filles.

Exactement 500 jours après leur rapt, a-t-on une idée du sort qui a été réservé aux lycéennes ?

Comme les autres femmes enlevées par Boko Haram, elles sont des butins de guerre. Amnesty a travaillé sur le sujet en se fondant notamment sur le témoignage de certaines rescapées. Nous savons qu’elles ont été séparées et que certaines sont devenues esclaves sexuelles. Toutes ces jeunes filles n’étaient pas musulmanes : les chrétiennes ont donc été converties de force. D’autres ont subi des mariages forcés.

Certaines ont également été transformées en kamikazes….

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Plusieurs jeunes filles ont en effet servi de bombe humaine. Certaines sont endoctrinées – on parle bien de secte – pour devenir des combattantes et commettre des atrocités. Celles qui refusent sont tuées ou se suicident pour y échapper. Leur fin est rarement heureuse.

Certaines jeunes filles enlevées par Boko Haram ont été libérées. Comment se passe leur réinsertion après des mois de captivité dans les conditions que vous venez d’évoquer ?

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Les témoignages des femmes détenues par Boko Haram après leur libération ressemblent beaucoup aux récits des femmes yézidis détenues par Daesh.

La question de leur prise en charge est cruciale. Ce qu’elles ont subi entraîne des traumatismes physiques mais aussi psychiques. Un certain nombre de jeunes filles récemment libérées se sont d’ailleurs suicidées.

Bon nombre d’entre elles sont stigmatisées à leur retour. Elles ne sont plus vierges et sont même parfois enceintes. Ce qui peut conduire leur famille, qui se considère comme déshonorée, à les rejeter. Il est très important qu’elles soient réinsérées afin de ne pas rajouter de la souffrance.

L’enlèvement des lycéennes de Chibok avait provoqué une mobilisation internationale illustrée par le slogan «Bring back our Girls » (« Rendez-nous nos filles »). Pourtant, rien ne semble vraiment avoir bougé…

Quelques semaines après l’enlèvement, le sommet de Paris était organisé pour lutter contre Boko Haram. L’initiative a débouché sur une aide financière et logistique. Mais le soufflet est rapidement retombé. Et dans la foulée, les atrocités de Boko Haram se sont multipliées sans qu’elles soient cette fois autant médiatisées. Certains jeunes garçons ont par exemple été assassinés dans leurs pensionnats, et des milliers d’autres femmes sont par ailleurs détenues par le groupe islamiste.

François Hollande voudrait qu’un deuxième sommet consacré à Boko Haram soit organisé, après l’élection du président nigérian Muhammadu Buhari. S’il a lieu, il faudra cette fois prendre des mesures pour mieux protéger les populations civiles.

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