Algérie : la loi criminalisant les violences faites aux femmes, jetée aux oubliettes ?
Une loi pour criminaliser les violences faites aux femmes a été adoptée par l’Assemblée nationale algérienne en mars dernier. Depuis, le Sénat ne l’a toujours pas étudiée. Une partie de la société civile s’inquiète et différentes organisations haussent le ton pour que la loi soit adoptée début septembre.
« Pour l’instant, je ne peux pas parler de gel du projet de loi, mais il est clair que ce dernier n’a pas suivi la démarche habituelle qui conduit à l’adoption d’une loi », explique Brahim Mahdid, chargé de communication du bureau algérien d’Amnesty International. L’inquiétude gagne aussi les associations féministes qui ont interpellé le Sénat une seconde fois la semaine dernière. Fin juin, leur demande d’audience n’avait pas reçu de réponse. De son côté, Amnesty International a lancé une pétition pour accélérer l’adoption de la loi, laquelle devrait être remise au ministre de la Justice Tayeb Louh dimanche 30 août, mais seules quelque 2000 signatures ont été rassemblées par l’organisation.
« Le projet de loi relatif à la protection de l’enfance est passé par le Parlement après la loi relative aux violences contre les femmes et il a déjà été adopté par le Conseil de la nation [Sénat] » le 16 juin, ajoute Brahim Mahdid.
Des avancées ?
Le texte prévoit d’apporter des modifications au Code pénal et entend ainsi criminaliser les violences conjugales et doubler la peine en cas d’agression sexuelle ou harcèlement sexuel par un parent si la victime est mineure, enceinte ou malade. La notion même d’agression sexuelle est élargie au-delà du viol et de l’attentat à la pudeur et prend en compte « toutes les formes d’atteinte à l’intégrité sexuelle ».
Aussi, le projet prévoit d’intégrer le harcèlement de rue et prévoit des peines allant de deux à six mois de prison ainsi qu’une amende. Pour les militantes des droits des femmes, le texte constitue incontestablement une avancée pour les Algériennes, bien que certaines clauses dérangent.
« La loi ne nous satisfait pas totalement, mais c’est un premier pas, un levier pour les victimes », explique Soumia Salhi, militante de l’association pour l’émancipation de la femme. En effet, si le projet introduit de nouvelles mesures encourageantes, il y est en revanche stipulé que le pardon de la victime met fin aux poursuites.
Débat houleux
Si les militantes pour les droits des femmes défendent fermement la loi pour obtenir un corpus législatif utile, la loi dérange la société conservatrice et certains partis politiques. Au moment de son adoption par l’Assemblée, le débat était houleux.
Naamane Belaouar, le député de la coalition islamiste, l’Alliance de l’Algérie verte a dénoncé un texte « contraire aux préceptes coraniques et qui vise la dislocation de la famille », tandis que le député indépendant Ahmed Khelif a estimé que la loi légitimait les « relations extra-conjugales ».
Plusieurs députés s’étaient alors insurgés pour expliquer que les femmes sont les principales coupables de ce genre d’agression par leur manque de « pudeur », autant d’arguments pour ne pas reconnaître les violences, qui s’exercent en premier lieu dans la sphère familiale.
Des chiffres alarmants
D’après les statistiques des services de police, une quarantaine de femmes ont été assassinées en 2014. 15 707 femmes ont été battues dont 7734 par des membres de leur famille, soit dans 50% des cas. Par ailleurs, une autre enquête effectuée par le centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle en 2006 révèle qu’une femme sur dix est victime de violences physiques en Algérie. Les chiffres restent cependant en-dessous de la réalité, étant donné que peu de femmes portent plainte auprès des services de police.
Violences physiques ou symboliques contre les femmes, les exemples ne manquent pas. Après l’épisode « votre jupe est trop courte » au mois de mai denier – une jeune femme avait été empêchée de passer un examen en raison de la longueur de sa jupe – une femme a de nouveau été interdite d’entrée, cette fois-ci à la Cour d’Alger mi-août. Elle portait un tee-shirt sans manche. Banal fait divers, mais révélateur d’un profond malaise social.
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