Mauvaise passe pour l’industrie minière en Afrique

Chahutées par la baisse des cours des métaux, la hausse des coûts de production et la recrudescence des tensions sociales, les industries extractives traversent une mauvaise passe.

Fin d’une journée de travail sur le site d’Impala Platinum à Phokeng (Afrique du Sud). © Paballo Thekiso/AFP

Fin d’une journée de travail sur le site d’Impala Platinum à Phokeng (Afrique du Sud). © Paballo Thekiso/AFP

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 12 septembre 2012 Lecture : 3 minutes.

Le secteur minier africain aborde une fin d’année compliquée. Après les violents incidents à la mine sud-africaine de platine de Marikana exploitée par le groupe Lonmin, qui ont fait 44 morts à la suite d’un conflit social et d’une intervention de la police, l’industrie s’interroge sur son avenir. Le platine, dont Lonmin est le troisième producteur mondial (721 000 onces en 2011, soit environ 20 % du marché), concentre toutes les difficultés. Ce métal précieux, généralement plus cher que l’or, provient essentiellement d’Afrique du Sud (à 75 %) et du Zimbabwe (à 5 %). Principalement utilisé dans l’industrie automobile (à 40 %) – pour la confection de pots catalytiques -, ainsi qu’en joaillerie, il souffre de la baisse des ventes de voitures en Occident, qui pèse sur la demande. Son prix a dévissé, avoisinant les 1 550 dollars (1 235 euros) l’once, contre près de 2 200 dollars avant la crise de 2008. Complexe et dangereuse, avec des galeries de grande profondeur, l’extraction du platine exige une maintenance onéreuse et consomme beaucoup d’énergie. Elle nécessite une main-d’oeuvre abondante – 28 000 salariés pour la mine de Marikana – installée sur le site, avec des conditions de travail difficiles en raison de la faible mécanisation.

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Face à la double pression de la baisse des prix et de la hausse des coûts, notamment énergétiques, la plupart des producteurs de platine, dont les deux premiers, Anglo American Platinum (45 % de part de marché) et Impala Platinum, veulent réduire leurs frais. Une démarche qui a suscité de vives inquiétudes chez les syndicats, en particulier les sud-africains déjà échauffés par de graves accidents dans le nord du pays fin 2011. Anglo American Platinum a essuyé une série de grèves dans l’ensemble de ses sites miniers en 2011, sur fond d’inquiétudes concernant d’éventuelles fermetures ou réductions d’effectifs. Chez Lonmin, les tensions étaient latentes depuis plusieurs mois, avec 3 000 mineurs de fond qui exigeaient un triplement de leurs salaires, de 400 à 1 200 euros. Avec la grève, le groupe sud-africain coté à Londres n’atteindra pas sa prévision de production de 750 000 onces pour 2012, aura du mal à honorer ses dettes bancaires et à lever des fonds supplémentaires compte tenu de la conjoncture…

Pour Kalaa Mpinga, patron de Mwana Africa – actif en Afrique du Sud, au Zimbabwe, en RD Congo, en Angola et au Botswana -, « il y a un ralentissement général de la demande des métaux. On parle beaucoup de la filière platine car elle a un fort impact social en Afrique du Sud. Mais le cuivre, le fer, et même l’or ont tous chuté ces derniers mois. L’Afrique est plus touchée que les autres zones de production, car elle est totalement tributaire de la demande étrangère, chinoise pour le fer, européenne pour le platine », explique le patron congolais. « Sur le continent, les compagnies minières font face à une recrudescence des revendications des salariés [lire ci-dessous, NDLR], qui leur demandent de pallier le manque d’infrastructures publiques », ajoute Mpinga, lui-même en pleine négociation avec les syndicats de sa mine zimbabwéenne de nickel de Bindura.

Faveurs

Dans le même temps, le « nationalisme minier » a le vent en poupe. Les États cherchent à renforcer leur implication dans le secteur, en augmentant les taxes ou en prenant des participations dans les sociétés exploitantes. Du coup, dans un contexte de rationalisation des dépenses, l’Afrique n’a guère les faveurs des miniers, qui lui préfèrent des régions mieux dotées en infrastructures et politiquement stables, comme l’Australie. Des géants diversifiés comme Vale ou Rio Tinto, qui ont vu leurs bénéfices réduits respectivement de 60 % et 33 % au premier semestre (par rapport à la même période en 2011), décalent, voire annulent, des projets, à l’instar de BHP Billiton (dont les bénéfices ont chuté de 6 % au premier semestre) en Guinée et en RD Congo. Les filières comme le platine, l’uranium (affecté par la catastrophe de Fukushima) ou la bauxite, dont les prix ont chuté, restent fragiles à court terme.

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En revanche, la plupart des analystes croient à l’avancement des projets dans le fer, le cuivre, le charbon et le cobalt, dont l’Afrique recèle des réserves inégalées. Les grands acheteurs de ces matériaux que sont les Chinois ne s’y trompent d’ailleurs pas. Le sichuanais Hanlong Mining a profité de la conjoncture morose pour baisser de 21 % son offre – acceptée le 24 août – pour l’acquisition de Sundance Resources, détenteur du mégaprojet ferreux de Mbalam à la frontière entre le Cameroun et le Congo. Une manoeuvre qui lui a permis d’économiser la bagatelle de 294 millions de dollars sur un prix d’achat total de 1,4 milliard de dollars.

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