Justice : ce qu’il faut savoir de l’affaire qui oppose Éric Laurent et Catherine Graciet au Maroc
Éric Laurent et Catherine Graciet, journalistes et écrivains français, ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds au royaume du Maroc, dans la nuit de vendredi 28 à samedi 29 août. Retour sur ce que l’on sait de cette affaire pour le moins rocambolesque.
De quoi sont accusés Éric Laurent et Catherine Graciet ?
Les deux journalistes français ont été mis en examen pour chantage et extorsion de fonds dans la nuit du 28 au 29 août. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire et ont interdiction de rentrer en contact l’un avec l’autre ou avec d’autres protagonistes du dossier.
Selon Éric Dupont-Moretti, avocat du Palais marocain, l’affaire aurait débuté fin juillet alors qu’Éric Laurent aurait pris contact avec un collaborateur du roi Mohammed VI et aurait proposé de renoncer, contre rémunération, à la parution d’un livre contenant des informations gênantes pour le royaume. Une offre de trois, puis de deux millions d’euros, est évoquée.
Le Palais aurait alors décidé de déposer plainte auprès du Parquet de Paris, la police décidant d’organiser un rendez-vous afin de prendre les deux suspects en flagrant délit. L’arrestation aura finalement lieu le 27 août, à la sortie d’un rendez-vous avec un représentant du Maroc et au cours duquel « il y a eu remise et acceptation d’une somme d’argent [40 000 euros chacun, ndlr] », selon une source proche du dossier.
Que reconnaissent les deux journalistes ?
L’avocat de Catherine Graciet, Me Éric Moutet, a confirmé vendredi 28 août l’existence d’un « deal financier », dans un « contexte très troublant » et évoque « un piège » dans lequel serait tombée sa cliente. « Un accès de faiblesse », a reconnu Catherine Graciet elle-même au Parisien, en ajoutant : « C’est humain, non ? Chacun se demande ce qu’il ferait de sa vie avec deux millions d’euros. »
Catherine Graciet estime en outre que c’est Éric Laurent qui a tout organisé. Ce que l’intéressé réfute, tout en reconnaissant l’existence de l’accord. « J’ai exercé ce métier pendant 30 ans et j’avoue que là, j’en ai un peu assez. (..) Donc je me dis : après tout, on n’a pas envie, quelles que soient les réserves que l’on peut avoir sur la monarchie, que s’instaure une république islamique. S’il propose une transaction, pourquoi pas », a-t-il expliqué dans les colonnes du journal Le Monde.
Éric Laurent reconnaît également avoir évoqué la somme de trois millions d’euros, lors de la première rencontre avec l’émissaire marocain, le 11 août. Mais, ajoute-t-il, « à aucun moment il n’y a dans ces enregistrements une volonté de ma part de faire chanter le roi du Maroc à travers un de ses avocats. »
En quoi les versions divergent ?
Entre la version d’Éric Dupont-Moretti et celle d’Éric Laurent, la principale divergence concerne l’origine de la discussion concernant la transaction financière. Pour l’avocat du palais royal, c’est le journaliste qui est à l’initiative, en contactant, le 23 juillet, Mounir El Majidi, le secrétaire particulier du roi, afin de lui proposer l’accord financier.
Les deux mis en examen réfutent cette version des faits. Catherine Graciet justifie ainsi l’appel d’Eric Laurent au palais royal fin juillet: « On les met en cause sur 300 pages, il fallait leur donner la parole. » Celle-ci assure ensuite qu’à son retour de vacances son co-auteur lui dit avoir rencontré Hicham Naciri, avocat marocain, qui lui aurait « proposé 3 millions d’euros contre la non-parution du livre ». Proposition, toujours selon la journaliste, maintenue lors d’un second rendez-vous le 21 août, avant la tenue d’une troisième rencontre, le 27, à l’issue de laquelle les deux journalistes seront interpellés.
« C’est le Palais qui propose », accuse encore Catherine Graciet dans Le Parisien. « C’est lui qui me demande : pour combien, si nous arrivons à un accord ? (…) Je me suis dit qu’un livre de plus ou de moins, cela n’enlèverait rien à ma satisfaction personnelle. (..) C’est une tentation, pas un chantage », se défend Éric Laurent dans Le Monde. Et d’ajouter : « Ils ont voulu me faire tomber, me discréditer professionnellement et éventuellement avoir accès à nos sources, ce qui aurait permis de couper certaines têtes. »
Le livre va-t-il sortir ?
Le livre, qui porte sur l’héritage de Hassan II ainsi que sur le train de vie de la famille royale, fait suite à un précédent ouvrage, Le Roi prédateur, écrit par les deux mêmes auteurs.
Le 31 août, les éditions du Seuil ont annoncé qu’elles ne le publieraient pas. Même si les deux auteurs espèrent, chacun de leur côté, le contraire. « Je me suis fait la promesse que notre livre sortira », avoue Catherine Graciet au Parisien. « Je serais vraiment partisan de le sortir », déclare quant à lui Éric Laurent dans Le Monde.
Reste à savoir maintenant l’issue de l’instruction judiciaire.
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