Elsje Fourie : « La Chine a besoin de ses alliés politiques africains »

Spécialiste des économies asiatiques, Elsje Fourie, professeure à l’Université de Maastricht, étudie notamment les trajectoires de développement empruntées à l’Asie par l’Éthiopie et le Kenya. Pour l’universitaire sud-africaine, l’Afrique sera touchée par la crise chinoise, mais cela ne remettra pas en cause la présence de la deuxième économie mondiale sur le continent.

Jacob Zuma à Beijing, le 5 décembre 2014. © Ng Han Guan/AP/SIPA

Jacob Zuma à Beijing, le 5 décembre 2014. © Ng Han Guan/AP/SIPA

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Publié le 2 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : L’Afrique doit-elle s’inquiéter de la crise chinoise ?

Elsje Fourie : La Chine est le plus grand investisseur et partenaire commercial de l’Afrique. Le ralentissement de son économie touchera donc plusieurs secteurs clés du continent. Mais le plus gros impact sera sur les matières premières : ainsi, le Bloomberg Commodity Index [cotation de 22 produits à base de pétrole et de métaux, ndlr] a atteint le 24 août son plus bas niveau depuis 1999, principalement en raison des problèmes économiques chinois. Or, la forte croissance africaine au cours de la dernière décennie a coïncidé avec une forte demande chinoise de ces produits. Les économies – et éventuellement les régimes – les plus dépendantes du commerce avec la Chine sont clairement menacés.

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Certains économistes y voient une opportunité de développement pour l’industrie africaine qui pourrait profiter du vide laissé par la Chine…

Cette crise est notamment la conséquence d’une transition opérée par la Chine d’une économie fondée sur la fabrication vers une économie basée sur les services. Effectivement, cela pourrait théoriquement fournir un espace pour certains pays africains. Mais cela nécessiterait la poursuite du développement des infrastructures, alors que beaucoup d’entre elles ont été financées par les entreprises chinoises aujourd’hui privées d’une partie de leurs liquidités. De plus, la majorité des entreprises étrangères qui s’installent en Afrique pour fabriquer des produits destinés à l’export, comme en Éthiopie, sont chinoises.

Est-ce la fin de « l’argent facile », comme le clament certains analystes ?

Jusqu’à présent, la Chine était capable de faire des prêts ou des investissements uniquement pour obtenir un soutien politique. Désormais, elle pourrait réfléchir à deux fois, notamment si ces investissements ne sont pas économiquement viables – ce qui n’était pas un obstacle jusque-là. Ceci dit, la coopération sino-africaine est sur une lancée qu’il sera difficile de freiner. La Chine a encore besoin de ses alliés politiques en Afrique. Elle serait très sensible aux allégations selon lesquelles elle a « abandonné » l’Afrique dès les premières difficultés. Par ailleurs, les entreprises privées chinoises sont maintenant suffisamment intégrées dans de nombreuses économies locales pour se passer des financements publics.

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Le « rêve chinois » a-t-il fait long feu ?

Si la définition du « rêve chinois » est que la Chine peut résoudre tous les problèmes de l’Afrique et fournir un flux incessant d’aides inconditionnelles, alors oui, probablement. Mais je doute que les dirigeants africains ont vraiment cru que la croissance de la Chine allait rester éternellement à deux chiffres.

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Par contre, le développement de la Chine est considérée par de nombreuses élites africaines comme un modèle qui pourrait s’appliquer à leurs propres pays. Sauf si l’économie chinoise implose – ce dont je doute – les trois décennies de développement qu’elle a connu continueront d’inspirer certains gouvernements africains. Tout comme la Corée du Sud, Taïwan et le Japon, considérés comme des modèles d’industrialisation et de développement agricole par ces mêmes élites, alors que ces pays ont eux aussi subit des crises.

Elsje Fourie est professeure à l’Université de Maastricht.

Elsje Fourie, professeur à l'université de Maastricht. © DR

Elsje Fourie, professeur à l'université de Maastricht. © DR

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