RDC – Rwanda : Bosco Ntaganda face à la CPI, « un procès unique »

Alors que le procès très attendu du chef de guerre Bosco Ntaganda vient de débuter à la Cour pénale internationale de La Haye, le Congolais Paul Nsapu Mukulu, secrétaire général de la FIDH pour l’Afrique subsaharienne, revient sur les attentes des victimes en RDC. Interview.

L’ancien seigneur de guerre Bosco Ntaganda est jugé depuis le 2 septembre 2015 par la CPI. © AFP

L’ancien seigneur de guerre Bosco Ntaganda est jugé depuis le 2 septembre 2015 par la CPI. © AFP

Publié le 2 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Près de dix ans après les faits incriminés, le procès du chef de guerre Bosco Ntaganda s’est ouvert le 2 septembre à la Cour pénale internationale de la Haye. Accusé d’avoir commandité et pris part aux atrocités commises entre 2002 et 2003 en Ituri, dans le nord-est de la RDC, l’ancien chef des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC) est accusé de 18 chefs de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Face à lui, plus de 2 150 personnes ont obtenu le statut de victimes et seront représentées à La Haye.

Des victimes qui placent beaucoup d’espoir dans ce procès, explique le Congolais Paul Nsapu Mukulu, secrétaire général de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) pour l’Afrique subsaharienne. Ce dernier a expliqué à Jeune Afrique ce qui rend la comparution de l’ancien chef de guerre si « unique ».

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Jeune Afrique : Vous êtes en contact avec les victimes présumées de Bosco Ntaganda. Comment appréhendent-elles ce procès, près de dix ans après les faits ? 

Paul Nsapu Mukulu : Cela fait des années qu’elles attendent ce moment. La plupart d’entre elles ont poussé un « ouf » de soulagement. Mais elles restent également sur leur garde, car elles ne savent pas comment va évoluer le procès, comment leurs droits seront défendus ni ce qu’elles obtiendront. Les victimes attendent surtout d’être réhabilitées sur le plan moral, mais aussi financier.

S’exprimeront-elles lors du procès ? 

La CPI donne droit à leur participation. C’est une condition nécessaire pour que justice soit vraiment faite. Sans livrer trop se détails, je peux assurer que certaines vont directement témoigner. Mais certaines se protègent et ne veulent pas s’exposer. Car des haut-gradés sont cités dans cette affaire, et elles ne veulent pas être exposées à de possibles représailles. La plupart seront donc représentées.

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Il faut savoir que dans ce procès, plus de 2 100 personnes ont été identifiées comme victimes, dont 300 anciens enfants-soldats et 1 850 victimes d’attaques présumées des Forces patriotiques pour la libération du Congo (FPLC). C’est compliqué d’emmener autant de personnes à La Haye.

Vous évoquez un procès « unique ». Quels en sont les enjeux principaux ? 

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Il s’agit effectivement d’un procès unique. D’abord, parce que pour la première fois, les crimes sexuels et les viols commis contre des enfants-soldats sont retenus parmi les chefs d’accusation. Les sévices sexuels perpétrés dans l’est de la RDC sont enfin pris au sérieux !

Ensuite, ce procès est capital en raison des hautes fonctions exercées par l’accusé au sein l’armée congolaise. Il s’agit du quatrième procès concernant un Congolais, mais c’est la première fois qu’un si haut-gradé [Bosco Ntaganda était général de l’armée congolaise de 2009 à 2012, NDLR] se retrouve sur le ban des accusés.

Ce procès représente donc une avancée capitale dans la lutte contre l’impunité en RDC. Car il faut rappeler que malgré deux mandats d’arrêts émis contre l’accusé [en 2006 et en 2012, ndlr], Ntaganda a bénéficié à plusieurs reprises de la protection des autorités de la RDC, qui l’ont nommé général.

Le Rwanda et l’Ouganda sont suspectés d’avoir apporté un soutien financier et matériel aux groupes rebelles qui sévissent dans l’Ituri.

Pensez-vous que ce procès inquiète les autorités congolaises ? 

Nous espérons que ce procès permettra de démontrer la part de responsabilité des autorités congolaises, dont le commandant suprême de l’armée, Joseph Kabila.

Mais ce procès permettra aussi peut-être de connaître le rôle des pays voisins dans les violences dans l’est de la RDC. De forts soupçons pèsent sur neuf pays, dont le Rwanda et l’Ouganda, suspectés d’avoir apporté un soutien financier et matériel aux groupes rebelles qui sévissent dans cette région minière très riche qu’est l’Ituri.

Nous espérons aussi que ce procès mettra en lumière le rôle du Rwanda. Car il faut rappeler que l’accusé est au départ membre du Front patriotique rwandais (FPR) et s’est retrouvé sur le sol congolais après les incursions rwandaises dans l’Est de la RDC. C’est d’ailleurs au Rwanda que Ntaganda s’est retiré après avoir fui la RDC, pour finalement se rendre auprès de la CPI.

Nous mettons donc beaucoup d’espoir dans ce procès. Et nous nous attendons à un marathon.

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