L’odyssée d’un migrant syrien amputé des deux jambes sur les routes des Balkans
« Vous ne pouvez tout simplement pas vous imaginer combien c’est dur pour moi »: A 25 ans, Abou Fahed a déjà perdu ses deux jambes dans un bombardement en Syrie et c’est en fauteuil roulant que ce migrant s’est lancé à travers les Balkans sur les routes menant à la riche Europe.
Quelque 250 000 personnes ont comme lui perdu un membre en quatre années de la féroce guerre qui déchire la Syrie. S’appuyant sur des béquilles ou poussant les roues de leur fauteuil, des dizaines d’entre eux ont entrepris de traverser la mer Egée, puis la Grèce, les Balkans et finalement la Hongrie avant d’espérer gagner les rivages de l’Europe du Nord au terme d’une pénible odyssée.
Parents, amis, compagnons de voyage leur prêtent main forte en terrain accidenté ou boueux. Parfois les autorités leur permettent de couper une file d’attente. Mais souvent ils doivent patienter des heures sous le soleil, comme les autres, avant de pouvoir franchir une frontière ou s’enregistrer dans les Etats traversés.
« Je veux gagner un pays où je pourrai avoir une vraie prothèse et suivre une rééducation », raconte à l’AFP Abou Fahed qui attend de prendre un autocar pour la Macédoine dans un hôtel pour migrants construit le long d’une autoroute, non loin de la frontière, près du village grec d’Idomeni.
« J’aurais pu sauver mes jambes si j’avais été soigné à temps. Mais les forces syriennes m’ont gardé en détention une semaine et m’ont amputé », ajoute cet ancien coiffeur grièvement blessé à l’été 2013 dans le bombardement d’une ville proche de Damas tenue par les rebelles. « Sans mes amis, je ne serais jamais arrivé jusqu’ici », reconnait-il avec un sourire, son pantalon de pyjama bleu noué à l’extrémité de ses moignons.
Pas d’autre choix
Khaled est lui un jeune palestinien établi en Syrie qui a perdu sa jambe gauche et dont la droite a été très abimée dans un bombardement en août 2013. C’est sur des béquilles qu’il s’est lancé dans le grand périple vers l’Europe. « J’adorais le football mais c’est fini pour moi », dit le jeune homme âgé de 20 ans qui a pris un bateau pneumatique en Turquie avant de gagner l’île grecque de Samos.
« J’ai marché des heures le lendemain mais je devais m’arrêter tout le temps. Je tâchais de ne pas rester à la traine du groupe mais c’était difficile. Les autres peuvent courir au besoin », se souvient-il.
Khaled déclare ne pas avoir eu d’autre choix que la longue route des Balkans car, à cause de son origine palestinienne, il n’est pas autorisé à se faire soigner en Jordanie ou au Liban en raison des restrictions imposées par ces deux pays aux personnes dans sa situation. « J’ai dû entrer clandestinement en Turquie pour gagner un pays européen doté d’équipements de santé satisfaisants », explique-t-il. Il espère pouvoir un jour remarcher sans béquilles et reprendre des études pour « ne pas (se) sentir inutile à la société ».
Khaled se plaint qu’il est actuellement très difficile pour les Syriens d’obtenir un visa pour l’Europe. Mais cela ne va pas diminuer le flux des migrants, ajoute Abou Mohammed. Lui aussi a pris la route de l’exil malgré ses 74 ans et une blessure à la colonne vertébrale qui l’empêche de marcher et le confine dans son fauteuil roulant.
Il tâche de soutenir le moral de sa famille sur le chemin de la Suède, un parcours qui passe par des pistes de terre, des trains bondés et oblige à faire d’interminables queues aux points de passage menant de Grèce en Hongrie. Quatre jeunes hommes du sud de la Syrie se sont désignés volontaires pour porter le fauteuil quand cela devenait trop difficile. « Nous pensons que c’est notre devoir », disent-ils.
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