Immigration : la photo d’un enfant syrien mort noyé bouleverse l’Europe

En Europe, la tension monte face à une crise migratoire sans précédent. Dans ce contexte, la publication de la photo du corps sans vie d’un petit garçon syrien mort noyé sur une plage turque a choqué l’opinion et suscité de nombreux articles de presse.

Des réfugiés devant la gare de Keleti à Budapest, 1er septembre 2015. © Attila Kisbenedek/AFP

Des réfugiés devant la gare de Keleti à Budapest, 1er septembre 2015. © Attila Kisbenedek/AFP

Publié le 3 septembre 2015 Lecture : 4 minutes.

C’est dans la nuit de mardi à mercredi que plusieurs bateaux de migrants, hommes, femmes et enfants, conduits par des passeurs peu scrupuleux, lèvent l’ancre dans la ville côtière turque de Bodrum. Destination : l’île grecque de Kos, pour ce qui était censé être l’une des plus courtes traversées maritimes entre la Turquie et l’Europe. Mais très rapidement, les embarcations chavirent et le rêve, une nouvelle fois, se transforme en cauchemar, voire, pour beaucoup, en nuit sans fin.

Alertés par les cris des naufragés, les garde-côtes se transforment en sauveteurs. Ils repêcheront douze corps sans vie dont celui d’un garçon âgé de quelques années, échoué sur la plage. Un photographe présent sur place capture des images du drame. Ses clichés vont envahir les réseaux sociaux sous le hashtag #KiyiyaVuranInsanlik, « l’humanité échouée en turc », avant de se répandre dans la presse.

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Une des photos montre le cadavre de l’enfant, tee-shirt rouge et short bleu, face contre terre, sur une des plages de la station balnéaire de Bodrum. De nombreux internautes ont exprimé leur émotion sur Twitter : « Où va ce monde ? », commente l’un, « Plus jamais ça ! », renchérit un autre. Des images ont été largement commentées dans la presse européenne.

Si ces images extraordinairement fortes ne modifient par l’attitude de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, qu’est-ce qui le fera ?, questionne The Independent.

Selon le quotidien britannique The Guardian, elles résument « toute l’horreur du drame humain qui se déroule sur les côtes européennes ». « Si ces images extraordinairement fortes d’un enfant syrien rejeté sur une plage ne modifient par l’attitude de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, qu’est-ce qui le fera ? », questionne de son côté The Independent.

Le quotidien italien La Repubblica a posté sur Twitter : « la photo qui fait taire le monde », et en Espagne, le journal El Pais en faisait le « symbole du drame migratoire ».

Un flux continu

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Sur les côtes italiennes et grecques, les arrivées ne tarissent pas, migrants et réfugiés continuant d’être attirés par l’Allemagne. Au seul port athénien du Pirée, près de 4 500 d’entre eux ont mis pied à terre mercredi sur le continent européen, transférés par bateaux spéciaux de Lesbos, en Egée orientale.

Au large des côtes libyennes, ce sont près de 3 000 personnes, dont des centaines de femmes et d’enfants, qui ont été secourues mercredi, selon les garde-côtes italiens et l’ONG Médecins sans frontières.

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La Grèce a décidé d’améliorer la prise en charge des exilés et s’est engagée à accélérer leur enregistrement et leur identification. C’est là une des demandes de ses partenaires européens pour mettre fin à leur dispersion incontrôlée dans l’Union européenne. Depuis le début de l’année, la Grèce a compté un record de 160 000 arrivées, parmi les plus de 350 000 personnes au total ayant tenté le passage par la Méditerranée, dont plus de 2 600 sont morts pendant la traversée.

La plupart ont ensuite emprunté la route des Balkans pour gagner le nord de l’Europe, abandonnées à leur sort par les autorités grecques. L’Allemagne a indirectement encouragé cet exode en renonçant à renvoyer les Syriens vers leur pays d’entrée dans l’UE, et en s’engageant à traiter leurs demandes d’asile.

Plusieurs centaines de réfugiés et de migrants ont ainsi continué d’affluer mercredi dans ce pays, après l’arrivée record mardi de 3 709 personnes sans visa, passées par la Hongrie et l’Autriche voisine. Vienne a du coup haussé le ton mercredi contre ce coup de canif allemand dans les accords de Dublin réglant en principe la prise en charge des réfugiés dans l’UE. « J’ai toujours mis en garde contre une suspension des accords de Dublin […] nous en voyons les effets maintenant », a déploré le ministre de l’Intérieur Johanna Mikl-Leitner.

À Budapest, une centaine de migrants ont manifesté devant la principale gare de la capitale hongroise cependant que la police empêchait 2 000 personnes de monter dans des trains pour l’Autriche et l’Allemagne. Mardi, 2 284 personnes, dont 353 enfants sont entrées en Hongrie, qui a compté au total plus de 50 000 arrivées en août, en dépit de la clôture de barbelés érigée le long de sa frontière avec la Serbie.

L’espace Schengen menacé ?

Pour faire face à cet afflux de populations fuyant la guerre, les persécutions et la pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique, « le plus important est d’apporter la paix et la stabilité » dans les régions en crise, a pour sa part affirmé le Premier ministre britannique David Cameron. « Je ne pense pas qu’une réponse puisse être trouvée en prenant en charge de plus en plus de réfugiés », a-t-il insisté.

Dans le même temps, une pétition exhortant le gouvernement britannique à accueillir davantage de réfugiés a recueilli mercredi soir plus de 20 000 signatures sur le site internet du Parlement. Le risque se dessine désormais d’une crispation menaçant la liberté de mouvement dans l’UE, un des principaux succès de la construction européenne.

Pour négocier une sortie de crise, la Commission européenne plaide pour une modification des accords de Dublin, au risque de relancer les divisions récurrentes entre les 28 pays sur ce chantier, à l’approche d’une réunion européenne le 14 septembre.

La question sera abordée jeudi et vendredi par le numéro deux de l’exécutif européen Frans Timmermans et le commissaire chargé des migrations Dimitris Avramopoulos, en visite en Grèce. L’Allemagne, la France et l’Italie ont à cet égard réclamé dans une lettre de leurs chefs de la diplomatie publiée mercredi, une refonte du droit d’asile en Europe, qu’ils jugent dépassé, et une meilleure répartition des migrants dans toute l’UE.

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