Mercato des Africains : quand les millions passent avant le sport

Le mercato qui s’est achevé le 31 août (1er septembre en Angleterre) a vu plusieurs joueurs africains parmi les meilleurs s’exiler dans des championnats aussi exotiques que rémunérateurs. Un choix purement financier, selon les agents que Jeune Afrique a consultés.

Demba Ba à Stamford Bridge, le 6 novembre 2013. © Alastair Grant/AP/SIPA

Demba Ba à Stamford Bridge, le 6 novembre 2013. © Alastair Grant/AP/SIPA

Alexis Billebault

Publié le 3 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

Il y a ceux qui partent, la trentaine bien sonnée, vers des destinations largement pavées de dollars. Et il y a ceux, beaucoup plus jeunes, qui préfèrent d’abord remplir leur compte en banque avant de réfléchir au challenge sportif. Cet été, certains footballeurs africains, encore jeunes et largement au niveau pour continuer à évoluer dans les meilleurs championnats européens, ont tourné le dos au Vieux-Continent pour s’orienter vers une Asie encore plus rémunératrice.

Les attaquants sénégalais Moussa Sow (29 ans) et Demba Ba (30 ans) ont ainsi quitté respectivement Fenerbace et Besiktas, deux grands clubs d’Istanbul, pour s’engager respectivement à Al-Ahly Dubaï (Émirats arabes unis, EAU) et Shanghai Greenland Shenhua (Chine). Le Malien Modibo Maïga (West Ham) a choisi l’Arabie Saoudite et Al-Nasr Riyad à seulement 27 ans, quand l’Algérien Ishak Belfodil (23 ans) a succombé à l’offre de Baniyas SC (EAU) alors qu’il évoluait en Italie (Parme). Quant au Ghanéen Asamoah Gyan, il a quitté Al-Aïn (EAU) pour Shanghai SIPG (Chine) et un salaire encore plus conséquent.

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« Il faut être lucide : ces choix sont avant tout motivés par des considérations financières. Qu’on ne vienne pas nous raconter que le challenge sportif est prioritaire quand on quitte l’Angleterre ou la Turquie pour aller en Arabie saoudite ou en Chine », intervient le Français Stéphane Canard, un des agents du Tunisien Aymen Abdennour, transféré de Monaco au Valence CF (Espagne) pour 30 millions d’euros. « Je vais prendre son cas : nous avons reçu des offres venant du Golfe Persique, où le joueur aurait pu toucher un salaire mirobolant, sans parler de la commission des agents. Mais le critère numéro 1, c’était le sportif, et Valence va disputer la Ligue des Champions. À 26 ans, quel aurait été l’intérêt d’Abdennour de partir au Qatar ou en Arabie Saoudite ? Qu’on le fasse à 33 ou 34 ans, c’est plus logique… Les agents, s’ils font bien leur métier, vont conseiller aux joueurs avec qui ils travaillent de ne pas céder uniquement à la tentation financière… »

Très peu de charges

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Aux yeux du monde, la Chine ou les pays du Golfe Persique, Qatar, Émirats arabes unis et Arabie saoudite en tête, restent des destinations essentiellement rémunératrices. Et sportivement discutables. « Les salaires sont net d’impôts, il y a très peu de charges – voire pas du tout – supportées par les joueurs, qui touchent souvent des primes très importantes à la signature. Même s’ils ne restent que six mois ou un an, car parfois certains finissent par s’ennuyer tant le niveau est moyen, cela reste une très belle affaire », intervient l’agent algérien Ahcène Aït-Yaya.

« Les joueurs qui décident de poursuivre leur carrière dans des championnats de niveau très moyens peuvent être influencés par leur entourage. D’accord, ils vont gagner beaucoup d’argent, mais ils vont y perdre sportivement, car dans ces pays, la question de la tactique, la qualité des entraînements, ce n’est pas pareil qu’en Europe… » Un éloignement qui peut également compromettre la carrière internationale de ces exilés. « Il y a eu le cas de plusieurs algériens, tels Belhadj ou Ziani, partis dans le Golfe et qui n’ont jamais pu revenir en sélection », ajoute Aït-Yaya. « Un sélectionneur ne vas pas forcément voir d’un bon œil des internationaux partir dans des championnats aussi moyens… »

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Ces choix de carrière, qui interpellent quand ils s’orientent vers l’Asie, sont mieux compris en cas de départ vers les États-Unis. « C‘est différent, car il y a dans ce pays une vraie culture sportive, des stades bien remplis et un niveau supérieur », reprend Stéphane Canard, qui a vu l’international marocain Ahmed Kantari quitter Lens pour rejoindre le Toronto FC, un des trois clubs canadiens engagés en Major League Soccer (MLS). « Nous avons reçu des offres importantes du Golfe, il aurait pu rester en France et gagner plus qu’à Toronto, mais son choix était sportif – la MLS est en plein développement -, et personnel, car il voulait aussi faire un choix de vie. » Comme l’a fait Drogba en s’engageant avec l’Impact Montréal, alors que le Qatar lui offrait un pont d’or…

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