Maximiser les objectifs de développement minimaux

Hildegard Lingnau est Senior Counsellor à l’OCDE. Jean-Philippe Stijns est économiste à l’OCDE.

Hildegard Lingnau

Hildegard Lingnau

Publié le 28 août 2012 Lecture : 6 minutes.

Avec seulement un sixième des 780 milliards d’euros de garanties engagées par le Fonds européen de stabilité financière (approx. 979 milliards de dollars), la vie des populations les plus pauvres de la planète pourrait être considérablement améliorée. La communauté internationale n’est pas prête à faire un tel pas, mais il est clair qu’en engageant certaines ressources, la pauvreté extrême pourrait être efficacement combattue dans le monde entier.

Selon le rapport publié cet été par les Nations Unies, la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) – l’agenda mondial défini en 2000 pour améliorer les conditions de vie des populations les plus pauvres d’ici 2015 – sera un défi, mais est à portée de main. Ceci ne doit pas nous surprendre car les OMD – que ses détracteurs ont appelés les Minimal Development Goals (« Objectifs minimaux de développement ») – ont été délibérément fondés sur les tendances mondiales afin de les rendre accessibles.

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Une étude menée par l’OCDE (…) estime qu’un montant supplémentaire de 120 milliards de dollars par an serait suffisant pour atteindre les objectifs de développement.

En effet, malgré la crise financière mondiale, qui a amené beaucoup d’observateurs à douter que le monde soit toujours en mesure d’atteindre les OMD, ces objectifs restent réalisables – mais uniquement avec la bonne combinaison de politiques fortes et de ressources financières supplémentaires. Une étude menée par le Centre de développement de l’OCDE conclut que les réformes politiques en faveur des pauvres sont la bonne approche et estime qu’un montant supplémentaire de 120 milliards de dollars par an serait suffisant pour atteindre les objectifs de développement.

Bon nombre des meilleurs et des plus brillants professionnels dans le domaine du développement sont en train de plancher sur le cadre général qui remplacera le mandat actuel des OMD à compter de 2015. Mais les efforts pour appuyer les populations les plus pauvres du monde ne doivent pas être laissés en suspens alors que la communauté internationale attend ses nouveaux ordres de marche. Le succès à long terme exige que les lacunes actuelles du financement et des politiques soient confrontées sans délai.

Les économies émergentes et avancées doivent poursuivre des modèles de croissance plus inclusifs et redistributifs, tandis que les pays en développement doivent améliorer la portée et la qualité des services publics. De meilleures politiques et une meilleure coordination des dépenses à travers tous les secteurs sont essentielles pour valoriser le budget public et le rendre plus effectif. Par exemple, une nouvelle route ou un nouveau chemin de fer reliant une mine à un port devrait également adresser les pénuries alimentaires et améliorer l’accès aux services de la santé et à l’éducation.

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Dans le même ordre d’idées, afin de réduire la pauvreté et soutenir le développement, les pays devraient prendre du recul et examiner la façon dont les politiques se contrecarrent ou se renforcent les unes les autres, surtout lorsqu’il s’agit de décider lesquelles de ces politiques devraient être mises en œuvre et à quel moment- ce que les technocrates appellent « cohérence politique » et « programmation politique ».

Heureusement, beaucoup de progrès ont déjà été accomplis. Selon la Banque mondiale, la cible de réduction par deux du taux de pauvreté extrême (défini comme un revenu inférieur à 1,25 dollars par jour) par rapport à son niveau de 1990 d’ici à 2015 a été obtenue cinq ans avant la date prévue. Cette réalisation doit beaucoup à la croissance de l’Asie du sud-est, et en particulier à celle de la Chine.

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En dehors de la Chine, peu de progrès en matière de réduction de la pauvreté ont été accomplis.

En fait, en dehors de la Chine, peu de progrès en matière de réduction de la pauvreté ont été accomplis : quelques 35 pays ne devraient pas pouvoir atteindre la cible des OMD et plus d’1 milliard de personnes vit toujours dans l’extrême pauvreté à travers le monde. Même ceux qui sont passés au-dessus du seuil d’extrême pauvreté restent pauvres et vulnérables : le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour – la ligne médiane de la pauvreté pour les pays en développement – a diminué seulement de façon négligeable, de 2,5 à 2,47 milliards.

Le rapport encourageant l’ONU ne devrait pourtant pas être négligé. Au contraire, les efforts au niveau mondial doivent être intensifiés pour pouvoir franchir la ligne d’arrivée. Selon l’étude de l’OCDE, les pays qui n’ont pas encore atteint les objectifs de réduction de la pauvreté auraient besoin de moins de 5 milliards de dollars par an pour mettre en place les programmes sociaux nécessaires. En outre, étant donné que la fréquentation scolaire a augmenté de façon significative au cours des dix dernières années, moins de 9 milliards de dollars par an suffiraient pour faire une réalité de l’éducation primaire universelle d’ici 2015.

De même, alors qu’il y a eu des progrès impressionnants sur les objectifs de santé, 60 milliards de dollars par an sont estimés être toujours nécessaires pour réduire la mortalité des enfants de moins de cinq ans de deux-tiers, réduire le taux de mortalité maternelle de trois quarts et diminuer l’incidence du sida, du paludisme et d’autres maladies majeures. Des progrès sont également nécessaires sur le plan de l’emploi, de la nutrition, de l’égalité homme-femme, de l’environnement (y compris de l’accès à l’assainissement) et de la mise en place de partenariats mondiaux pour le développement.

En bref, les OMD sont atteignables, mais uniquement avec des efforts réalisables par les intervenants. Malheureusement, après avoir augmenté de plus de 63% au cours de la dernière décennie, l’aide publique au développement a chuté de près de 3% en 2011. Et la pression sur les budgets publics, en raison de l’instabilité financière mondiale, signifie que cette tendance est susceptible de se poursuivre.

La réduction de l’aide au développement n’en est pas moins une stratégie myope. La coopération au développement est un investissement dans notre avenir commun et a souvent joué un rôle contracyclique pour les pays en développement. En effet, une aide au développement correctement mise en œuvre peut catalyser des fonds supplémentaires et améliorer l’accès à d’autres ressources.

La coopération au développement est un investissement dans notre avenir commun et a souvent joué un rôle contracyclique pour les pays en développement.

Compte tenu de l’ampleur des ressources nécessaires, il convient de poursuivre toutes les pistes de financement disponibles et potentielles. Le quatrième Forum de haut niveau sur l’efficacité de l’aide tenu en novembre dernier à Busan, en Corée, a confirmé l’importance de sources de financement diverses : les secteurs public et privé, les organisations sans but lucratif et commerciales, les donateurs traditionnels, les économies émergentes et les pays en développement.

En plus d’assurer des fonds, les pays en développement doivent renforcer leurs systèmes de perception de l’impôt et concentrer leurs politiques et leurs dépenses publiques sur la réduction de la pauvreté. Par exemple, l’effet redistributif de l’imposition et la qualité des dépenses publiques en Asie, Afrique et Amérique latine peuvent être considérablement améliorés.

Au-delà de 2015, l’amélioration de la vie des populations les plus pauvres et les plus vulnérables du monde nécessitera une coopération et une coordination renouvelées, à la fois entre les pays et les secteurs et au sein des pays et des secteurs mêmes. À cette fin, tout cadre qui succèdera aux OMD doit résulter d’un processus de consultation inclusif, et un espace devrait être créé pour partager les connaissances et les expériences en vue d’améliorer l’efficacité des politiques publiques nécessaires.

Une réforme réussie exige que tous les pays revoient leurs stratégies et politiques de développement, surtout en ce qui concerne la gestion et la coordination des dépenses publiques dans le cadre d’un budget durable. Ce n’est qu’avec une coordination, une coopération et une adaptation accrues que les populations les plus pauvres et les personnes les plus vulnérables pourront construire une vie meilleure.

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