Congo : virage négocié vers le tout-numérique
Depuis le mois de mai, le Congo a accès à l’internet haut débit. Pour les autorités et les opérateurs, c’est l’heure des derniers préparatifs avant la commercialisation.
Malgré le lancement de la 3,5G par Airtel Congo, qui sera suivi prochainement par MTN Congo, c’est la fibre optique qui capte l’attention des acteurs de la filière des télécommunications. Bien qu’opérationnelle depuis le mois de mai, elle ne sera pas commercialisée avant la fin de l’année, et seulement à Pointe-Noire et à Brazzaville. « Les premiers tests ont commencé à Pointe-Noire », explique Julien Heuzé, le directeur d’Ofis Computers, fournisseur d’accès à internet (FAI) sous la marque Yattoo.
Avant la mise en service du haut débit, il reste à installer la société chargée de gérer la ressource et de la vendre aux FAI. Ce sera probablement Congo Télécom, l’opérateur public membre du consortium West Africa Cable System (Wacs, composé de douze membres), pour le compte de l’État.
Couverture
Au Congo, l’aventure de la fibre optique a commencé avec la réalisation de la station de Matombi, à 20 km de Pointe-Noire, qui a permis la connexion du pays au câble sous-marin à fibres optiques du Wacs et le déploiement d’une dorsale (backbone). Celle-ci emprunte les lignes de transport électrique de la Société nationale d’électricité entre Pointe-Noire, Brazzaville, Oyo et bientôt Owando (dans le nord du pays), pour atteindre Ouesso en 2013. Des bretelles seront progressivement établies vers d’autres départements à partir de cette trame. Quant à la réalisation du réseau terrestre, ce sera pour 2015.
Autre avancée, l’installation de points d’échange départementaux (Points of Presence, POP) et de boucles optiques métropolitaines à Pointe-Noire, Brazzaville et Oyo, construites par MTN. D’autres villes suivront. Après la couverture nationale, l’objectif est de relier le réseau congolais à ceux des pays voisins – Gabon, Cameroun, RD Congo, Tchad, Centrafrique et Angola. Le but de ce projet, baptisé Central Africa Backbone, est de « permettre de véhiculer le trafic sous-régional sans passer par l’international, et d’abaisser les coûts », comme le précise M. Akouala, coordonnateur du projet Couverture nationale en télécommunications auprès de la Délégation générale des grands travaux.
La fibre optique va bouleverser le secteur, où Airtel MTN et Warid trustent plus de 80% des parts de marché.
Autant dire que l’arrivée de la fibre optique va bouleverser le marché, dominé par les compagnies de téléphonie mobile Airtel, MTN et Warid (qui détiennent à elles trois plus de 80 % des parts de marché), les autres FAI (dont DRTV Net, Alink Telecom, AMC Telecom, Ofis, Congo Télécom et North Telecom) arrivant loin derrière.
La bataille risque d’être rude entre les leaders, qui peuvent investir dans les infrastructures optiques, et les challengeurs, limités financièrement, dont certains craignent de disparaître. Ils s’interrogent. Les grands joueront-ils le jeu du dégroupage ? L’accès aux points d’échange internet sera-t-il garanti ? MTN Group, principal membre du consortium Wacs, ne risque-t-il pas d’offrir à sa filiale MTN Congo des tarifs préférentiels ? Des inquiétudes injustifiées, selon l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE). « Nous sommes là pour réguler les prix, fixer les règles et les faire appliquer, insiste Yves Castanou, son directeur général, et nous avons organisé des consultations avec les opérateurs pour les informer et les rassurer. »
Coûts
Par ailleurs, la fibre optique a de nombreux avantages. Le taux de pénétration d’internet avoisine désormais les 7 %, l’essentiel des clients étant concentré à Pointe-Noire et à Brazzaville. En abaissant les coûts de connexion, proches de 1 000 dollars (environ 800 euros) le mégaoctet actuellement, à moins de 500 dollars, la fibre devrait faire progresser le nombre d’utilisateurs et stimuler la vente de matériel pour les entreprises et les foyers, notamment de postes de télévision, le Congo devant passer au tout-numérique d’ici à trois ans.
Divers produits et services sont aussi appelés à se développer : e-gouvernance, e-enseignement, e-santé, e-business (services bancaires et informatiques en ligne, centres d’appels, télécentres)… L’éventail est vaste. Sans compter l’accélération de la construction d’équipements pour la fourniture d’énergie, solaire notamment, afin d’alimenter les territoires encore mal desservis en électricité.
Les administrations et structures publiques s’organisent. Le ministère des Finances a d’ores et déjà déployé la fibre optique entre les administrations financières. Un système de télémédecine sera opérationnel dès 2013 entre le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Brazzaville et des universités et hôpitaux indiens. Cependant, si quelques privés ont aussi pris les devants, d’autres se préparent. Mais ils sont encore peu nombreux et l’offre de financement tarde à suivre.
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