Oui, l’afro-optimisme 2.0 sauvera l’Afrique !
Lors d’une rencontre en juin dernier au siège de SOS racisme à Paris autour de la question des migrants, un vieux sage, responsable d’une ancienne association de la diaspora africaine dans le quartier de la Goutte-d’Or ( XVIIIe arrondissement de Paris) fit part de son étonnement : au moment ou les Chinois, Américains, Français et autres se bagarrent dans leur ruée vers l’Afrique, des Africains veulent, eux, partir de leur continent.
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Adébissi Djogan
Directeur général de Public Affairs Africa, président de Initiative For Africa
Publié le 8 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Il a fallu que je lise l’excellente tribune parue le 18 août dernier dans Jeune Afrique et signée de mon aîné Yann Gwet pour comprendre que les mots de cet octogénaire, né à l’ère de l’afro-optimisme 1.0, sans doute acteur et témoin de tous les combats pour le développement de notre continent, n’étaient ni plus ni moins qu’un plaidoyer vibrant en faveur de l’afro-optimisme 2.0.
Le rythme du tam-tam est en train de changer, la 1.0 est « out-dated », ceci grâce à l’action généreuse d’une nouvelle génération d’Africains absolument résolus à tout gagner ou tout perdre avec l’Afrique, pour l’Afrique.
Relever les défis
Non que 34 de nos pays sur 54 ne figurent plus parmi les pays les moins avancés, qu’un Africain sur cinq ne soit plus touché par un conflit violent, que l’Afrique ait fini de ne peser qu’à peine 2 % du commerce mondial ou que plus que 60 % de la population active jeune, au chômage, ait retrouvé un emploi durable. Mais bien parce que, dans notre histoire collective, les conditions pour relever durablement ces nombreux défis n’ont jamais été aussi favorables.
Cette génération à l’avant-garde de l’Afrique en marche, c’est la génération glorieusement irrévérencieuse qu’incarne Mohammed Bouazizi, martyr d’une jeunesse africaine qui va crier à tue-tête de la place Bourguiba à la place Tahir en passant par la place de la Révolution à Ouagadougou, sans oublier les rues de Bujumbura, sa révolte contre un ordre politique rétrograde, dynastique et prédateur, jusqu’à faire tomber de vieux autocrates qui se sont crus éternellement indéboulonnables ; c’est aussi la génération Aliko Dangote qui, grâce à son formidable succès, nous enseigne que la clé majeure pour réussir en Afrique à notre époque, c’est de se demander non plus ce que l’Afrique peut entreprendre pour nous, mais plutôt ce que nous pouvons entreprendre pour notre continent.
C’est également la génération Pierre de Gaétan Njikam Mouliom, Angèle Kwemo, Dieuveil Malonga, Tony Elumelu, Férouz Allali, Lionel Zinsou, Loïc Dablé, Diane Audrey N’Gacko – et j’en oublie -, des fils et filles d’Afrique qui prouvent à travers leurs initiatives, leurs responsabilités, leurs créations ou leurs activismes que l’avenir de l’Afrique passe par l’implication résolue de sa diaspora.
C’est, de même, la génération de tous ces jeunes créateurs de start-ups et hubs de Dakar à Addis-Abeba, d’Accra à Nairobi, de Joburg à Cotonou, d’Abidjan à Alger, des Vérone Mankou, Mubarak Muyika, Clarisse Iribagize, Iyinoluwa Aboyeji, et Sénamè Kofi en puissance ; c’est la génération Thione Niang, Samba Bathily, Akon, qui à travers le projet Akon Lighting Africa, apportent de l’électricité dans les nombreux hameaux et villages non électrifiés du continent.
Oser inventer l’avenir de l’Afrique
L’afro-optimisme 2.0 n’est pas « wishful thinking ». Elle est au contraire la nouvelle conscience, la foi, l’énergie en action d’une nouvelle génération d’Africains reconnus ou pas, célèbres ou anonymes, qui partagent des quatre coins de notre village planétaire, la puissante volonté de braver tous les obstacles, de prendre tous les risques pour « oser inventer l’avenir de l’Afrique ». Là est sans doute la grande différence avec l’afro-optimisme 1.0, cet optimisme distant, relatif, tiède, sans enthousiasme, qui sous couvert de réalisme ou de lucidité, n’a jamais porté dans son ADN, une volonté soutenue et intrépide de tout risquer pour l’Afrique. Cet afro-optimisme 1.0 est dans ce sens un afro-pessimisme, et nous exagérons à peine.
L’afro-optimisme 2.0 n’est définitivement pas le résultat d’une propagande bretton-woodienne ; c’est même tout l’inverse.
Alors oui, ce nouvel afro-optimisme sert de fond de commerce à des marchands de rêves et à de faux philanthropes ; elle est l’enjeu de stériles et improductifs débats doctrinaux et idéologiques ; elle serait peut-être même unijambiste. Mais Jésus ne disait-il pas qu’il valait mieux entrer au paradis amputé d’un pied plutôt que d’aller en enfer en tenant debout sur ses deux pieds ? L’afro-optimisme 2.0 est peut-être le chemin de ce paradis tant désiré, une Afrique à la hauteur de ce qu’elle est en réalité : le centre du monde.
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