Les réformes vont-elles aboutir en Tunisie ? « Inch’allah », répond Christine Lagarde
En visite à Tunis, la directrice du FMI, Christine Lagarde, a fait le point sur l’avancement des réformes auxquelles s’est engagé le pays, tout en réitérant son soutien aux autorités tunisiennes. Ces dernières envisageraient même de recourir à une nouvelle aide financière.
Au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue le 9 septembre à Tunis, la directrice du FMI a commencé par faire un état des lieux de l’économie tunisienne : « La Tunisie a fait ces dernières années un parcours économique remarquable. Elle a affiché une croissance d’environ 2,5% par an en 2013 et 2014, malgré un environnement particulièrement difficile : une transition prolongée, des troubles sociaux récurrents et un impact accru des conflits régionaux… »
Christine Lagarde a également rappelé la dépendance du pays à l’égard de l’Europe : « Plus de 70% des exportations tunisiennes sont à destination de l’Europe et d’après nos analyses, un recul de un point de la croissance en Europe fait baisser de 0,6 point celle de la Tunisie. C’est loin d’être négligeable. »
Par ailleurs, avec la baisse attendue des recettes touristiques estimée à 50%, par rapport à l’an dernier – alors que le secteur représente 7% du PIB -, la croissance tunisienne devrait enregistrer une maigre progression de 1% cette année. Ces projections ne permettront pas au pays de résorber le chômage, qui touche particulièrement les jeunes (34% dans cette catégorie de population, soit le double du taux de chômage global).
Des réformes urgentes
Après le constat, place aux conseils. Christine Lagarde a ainsi insisté sur les nécessaires réformes à mener en Tunisie. Premièrement, le budget doit favoriser la croissance. L’augmentation des investissements, la maîtrise de la masse salariale publique (l’une des plus élevée au monde puisqu’elle représente 13% du PIB) et la refonte de la fiscalité constituent des pistes à privilégier.
Ensuite, la directrice du FMI a évoqué le système financier et les nécessaires réformes des banques publiques. « Elles rassemblent à elles seules 40% du total des actifs bancaires et plus d’un quart des créances en souffrance. La recapitalisation de ces établissements, et la restructuration d’autres, sont des premiers pas importants, qui doivent permettre d’améliorer les pratiques de gouvernance et faciliter l’intermédiation financière. Mais il faut poursuivre. »
La troisième priorité des autorités est de s’attaquer à l’amélioration du climat des affaires : « Les entreprises subissent le carcan d’une réglementation complexe et pesante. Ainsi, d’après les indicateurs « Doing Business » de la Banque mondiale, il faut 94 jours pour obtenir un permis de construire, et 50 % des secteurs économiques font face à des restrictions de tout ordre qui freinent les investissements. Cette réglementation asphyxie le secteur privé, brouille la transparence des règles et entrave les investissements et la création d’emplois », a précisé Christine Lagarde.
Nouveau plan d’aide
Ces propos, où la critique à peine dissimulée alterne avec les encouragements, soulignent en creux que la Tunisie n’a pas tenu les délais prévus pour entamer ses réformes. Si bien que les échéances de l’Accord de confirmation (Stand By Arrangement – SBA), qui aurait du être bouclé en juin dernier, sont reportées à décembre 2015. Interrogée sur les capacités du pays à clore son programme de réformes à temps cette fois-ci, la patronne du FMI a répondu par un vague « Inch’Allah »…
La balle est dans le camp de la Tunisie, a-t-elle souligné : « Le FMI trace les grands objectifs et c’est aux autorités tunisiennes d’ajuster ces derniers aux circonstances sociopolitiques du pays. »
Dans tous les cas, les portes de l’institution sont toujours ouvertes : « Si en 2016, la Tunisie souhaite poursuivre le partenariat, le financement et mettre en œuvre d’autres réformes qu’elle juge nécessaires, le FMI sera évidemment prêt à étudier cette demande et le conseil d’administration aura à cœur d’y répondre de manière favorable », a conclu Christine Lagarde.
Le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari, lui a d’ailleurs emboîté le pas en annonçant que le pays allait demander un nouveau plan d’aide. Les détails n’ont pas encore été précisés, mais ce nouveau plan devrait être du même montant que celui de 2013, soit 1,7 milliard de dollars. « C’est l’estimation la plus basse et ça peut être plus, suivant les besoins, les possibilités et les conditions », a-t-il précisé. Les négociations avec le Fonds devraient commencer en novembre pour que le « programme soit efficient au mois de mars 2016 », a poursuivi Chedly Ayari.
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