Cinéma : « Contre-pouvoirs », un documentaire sur le journalisme en Algérie
Vingt ans après une vague de violence islamiste ayant emporté une centaine de ses membres, la presse algérienne a reçu dans l’une de ses plus célèbres rédactions le cinéaste Malek Bensmaïl qui lui consacre son dernier film « Contre-pouvoirs ».
Le syndrome post-traumatique est encore visible. Il se lit sur les visages des journalistes de la rédaction du quotidien El Watan, filmés en pleine campagne électorale pour le 4e mandat du président Abdelaziz Bouteflika au printemps 2014
Tous se souviennent qu’en pleine décennie de la guerre civile, qui a fait quelque 200 000 morts, un mufti radical décréta que les journalistes étaient partie prenante dans le conflit. Et promit de faire périr « par l’épée » ceux qui combattaient ses partisans « par la plume ». S’ensuivit en mai 1993 une vague de liquidations qui coûta la vie à une centaine de journalistes et employés de presse, égorgés, mitraillés ou attaqués à coups d’explosifs, et jetant sur le chemin de l’exil des dizaines d’autres.
Chape de plomb
Mais « l’oubli » et le « mensonge », selon Malek Bensmaïl, sont venus couvrir cette douloureuse période de sa lourde chape. « On s’est focalisé sur les journalistes algériens uniquement durant la décennie où ils ont été victimes et ça a été une tragédie pour eux, mais après on les a laissé tomber. Ils sont là, ils sont talentueux et on ne s’en préoccupe pas, ils continuent à faire un boulot monstre », explique Malek Bensmaïl.
Si la peur a cessé de hanter les rédactions, l’angoisse n’y est pas moins présente dans un pays où la presse indépendante a seulement un quart de siècle d’existence après un monopole du parti unique. « Cette presse n’a pas cessé de se battre », observe l’auteur du documentaire interrogé lors des « rencontres cinématographiques » de Béjaïa. « Elle est aujourd’hui confrontée à des problèmes, différents certes, mais tout aussi menaçants pour le métier », selon lui.
La catharsis du témoignage
Dans son documentaire, Malek Bensmaïl ausculte une profession en souffrance mais aussi en résistance face au pouvoir politique et aux puissances financières qui ont émergé avec la libéralisation de l’économie.
« Contre-pouvoirs », sélectionné au festival international de Locarno, tente de saisir les enjeux futurs de la société algérienne à travers le prisme du travail journalistique. Mais « journalistes ou pas, les Algériens ont un besoin extraordinaire de témoigner. On est dans ce besoin et c’est important que nous prenions cette parole et que nous la mettions en forme », insiste-t-il.
Voici un extrait du film :
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