L’Afrique du Sud célèbre la béatification de son premier martyr
Prières, chants, danses : 30 000 catholiques se sont rassemblés dimanche dans un petit village d’Afrique du Sud pour une messe aux allures de grande fête afin de célébrer la béatification du premier martyr du pays, Benedict Daswa, assassiné pour avoir lutté contre la superstition de villageois.
« Le vénérable serviteur de Dieu, Benedict Daswa sera désormais appelé Bienheureux » a lancé en latin le cardinal Angelo Amato, représentant du pape devant un parterre de fidèles qui lui ont réservé un accueil digne d’une rockstar.
Au Vatican, François a rendu hommage à l’instituteur mort en martyr.
« Dans sa vie il a toujours fait preuve d’une grande cohérence, défendant courageusement les positions chrétiennes et rejetant les coutumes terrestres et païennes », a-t-il dit lors de l’Angelus dominical place Saint-Pierre.
Depuis samedi soir, les dizaines de bus de pélerins formaient une interminable chorale de gospel le long de la piste de terre qui mène au sanctuaire dédié à Benedict Daswa, près de Thohoyandou dans la province rurale du Limpopo (nord).
Prêtres, soeurs et fidèles venus de tout le pays ont franchi ensemble les derniers mètres les séparant de l’immense champ où s’est tenue la cérémonie.
« Un moment unique »
Armés de chaises de camping, couvertures et t-shirts à l’effigie du martyr, certains n’avaient pas hésité à passer la nuit sur place, comme Tsholanang Koketso, 23 ans, venu de la capitale de la province, Polokwane.
« C’est un moment unique, je suis submergé par l’émotion », lance le jeune homme, bonnet de hipster vissé sur le front, le regard ému. « On entend toujours parler de saints d’autres pays mais maintenant nous en avons un en Afrique du Sud », se réjouit-il à propos du premier béatifié d’Afrique australe.
Si la béatification autorise le culte d’une personne localement, elle n’est toutefois pas automatiquement suivie de la canonisation, pour laquelle l’Eglise doit reconnaître que le bienheureux a accompli un miracle.
« C’était un homme d’une incroyable générosité: il emmenait les malades dans les cliniques ou les hôpitaux, il prenait soin des personnes âgées comme des enfants. Il accordait beaucoup d’importance à l’éducation. C’est un honneur et un privilège de l’avoir connu », affirme à l’AFP John Finn, le prêtre qui l’a enterré, après son assassinat le 2 février 1990.
Ce soir-là, l’Afrique du Sud est suspendue aux informations. Le président Fredrik de Klerk va faire une annonce qui va changer l’histoire du pays: Nelson Mandela va être libéré.
Au même moment, alors que le Limpopo connaît un été austral extrêmement orageux, un instituteur philantrope et père de huit enfants est victime d’une embuscade tendue par des villageois.
« Mort en priant »
Quelqes jours plus tôt, Benedict Daswa a refusé au nom de sa foi la demande de certains villageois de participer à la quête organisée pour payer les services d’un sorcier supposé mettre fin aux orages.
D’abord lapidé avant de trouver refuge dans une maison voisine, il est rattrapé par ses assassins avant d’être battu à mort. Ces derniers verseront même de l’eau bouillante dans ses narines et oreilles pour s’assurer de son décès.
« Il est mort à genoux en priant jusqu’à la dernière minute », a indiqué dimanche devant les fidèles, le père André Bohas un missionnaire français qui fait partie des initiateurs du processus de béatification, il y a dix ans.
J’ai totalement pardonné aux assassins de mon père.
Assis au premier rang, les huit enfants de Benedict Daswa regardent avec bienveillance leur grand-mère Ipa, 91 ans, serrer la main du vice-président sud-africain Cyril Ramaphosa qui a fait le déplacement.
« Si je suis ici aujourd’hui c’est parce que j’ai totalement pardonné aux assassins de mon père » explique à l’AFP, Michael Mutshiro Daswa, le fils du martyr aujourd’hui âgé de 33 ans .
« Fier n’est pas un mot suffisant pour exprimer ce que je ressens au sujet de la vie de mon père », poursuit-il alors que la foule entonne des chants en venda, la langue locale, à la gloire de son père.
La cérémonie est intervenue à quelques semaines de la tournée africaine du pape François dans un continent où le nombre de catholiques ne cesse de croître.
Si les Sud-Africains sont majoritairement chrétiens (80%) les catholiques ne représentent que 8% des croyants avec plus 3 millions de fidèles.
Mais les superstitions sont parfois tenaces. « J’espère que cette cérémonie aidera les gens à faire la différence entre sorcellerie et religion », soupire Tshiwela Sylvester, une quinquagénaire qui a bien connu Benedict Daswa.
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