Maroc : CGI, le dos au mur
La Compagnie générale immobilière n’en finit plus de chuter à la Bourse de Casablanca. Un positionnement plus offensif dans le logement social pourrait la sortir de cette mauvaise passe.
Il faudra encore quelques mois pour que les aménagements intérieurs et les jardins soient terminés mais, déjà, les tours de Casablanca Marina surplombent la médina, le long du front de mer, à 500 m de la grande mosquée Hassan-II. Le chantier emblématique piloté par la Compagnie générale immobilière (CGI), qui doit coûter 7,8 milliards de dirhams (706 millions d’euros), a pris du retard. Près de un an au total, avec le retrait du partenaire Sama Dubai, en décembre 2011, qui a entraîné la recapitalisation du projet par la Caisse de dépôt et de gestion (CDG, détenteur de 79 % de CGI) et l’allongement de certains travaux, notamment de la construction des digues protectrices. Les premiers appartements seront prêts fin 2012, mais le gros des bureaux et résidences ne sera finalement mis à disposition que courant 2013.
Délais rallongés
« Une fois encore, le management de CGI aura péché par optimisme en annonçant un planning de livraison qu’il n’a pas pu respecter. Même si les bâtiments que la compagnie construit sont de bonne qualité, son rythme de production est encore bien en dessous de ses deux principaux concurrents, les groupes Addoha et Alliances », estime Fayçal Allouch, analyste financier chez CFG, qui cite aussi en exemple les délais rallongés pour livrer les résidences de Green Town (à Bouskoura, en bordure de Casablanca) ou d’El-Jadida. Dès lors, avec un investissement total réalisé de 3,5 milliards de dirhams sur la seule année 2011, le stock de logements non encore livrés coûte à CGI près de trois fois plus que celui de ses rivaux.
Même si le chiffre d’affaires de la compagnie a progressé de 20 % en 2011, pour atteindre 2,7 milliards de dirhams, ses bénéfices restent en deçà des attentes des investisseurs boursiers, avec un résultat net en repli de 4 %, à 376 millions de dirhams seulement. À titre de comparaison, les revenus du secteur immobilier marocain ont crû de 32 % en 2011, et les bénéfices de 22 %, selon CFG…
Tendance baissière
En conséquence, CGI n’en finit pas de chuter à la Bourse de Casablanca. En 2011, le titre a perdu 41,6 %. Depuis le début de l’année, sa valeur a encore baissé de 18 %. « Dans un marché orienté à la baisse [- 10,6 % depuis le 1er janvier pour l’indice Masi, NDLR], l’action CGI est l’une des plus chères. Même si l’assureur RMA Watanya a racheté des actions pour soutenir le titre [il détient à présent 8,5 % du capital], cette tendance baissière devrait se poursuivre, compte tenu des meilleures performances d’autres promoteurs immobiliers cotés », affirme Fayçal Allouch. Toutefois, à la différence d’autres entreprises du secteur, le ratio d’endettement de CGI reste faible, avec un taux d’investissement en fonds propres supérieur à 40 % sur la plupart de ses projets, ce qui ne plombe pas les comptes.
« Le modèle économique de CGI est différent de celui de ses principaux concurrents, plus agiles et opportunistes, note l’analyste. Du fait de son actionnariat public [via la CDG], la compagnie a un accès privilégié et à moindre coût au foncier. Mais elle agit dans des projets structurants au long cours, sur l’ensemble du territoire marocain, en se concentrant moins sur les délais et la rentabilité. Tandis qu’Alliances et Addoha ont vite vu l’intérêt de se positionner sur les projets de logements économiques et sociaux, appuyés par l’État, CGI est encore peu présent sur le secteur, alors que le taux de marge y est souvent supérieur à 20 %, contre environ 15 % dans les autres segments résidentiels et 10 % pour les bureaux et les commerces. »
Axe stratégique
Le groupe est exposé sur ses projets touristiques dans le nord et le sud du pays.
En 2011, d’après CFG, Dyar Al Mansour, filiale de CGI dévolue aux constructions économiques, n’a livré dans le royaume que 1 717 logements sociaux, contre 10 617 pour Alliances et 28 162 pour Addoha. « Certains projets dans le résidentiel de haut standing, sur l’ancien aéroport d’Anfa et à Green Town, devraient toutefois être de belles opérations pour CGI », relativise néanmoins Fayçal Allouch. Sur le plan géographique, même si le Grand Casablanca concentre 70 % de ses revenus, la compagnie reste exposée sur ses projets touristiques destinés à la clientèle européenne dans le nord et le sud du pays, où la conjoncture est moins favorable.
Dans cette configuration, les analystes ne sont guère enthousiastes. Fayçal Allouch conseille même de vendre, tout en nuançant : « Dans trois ans, si CGI réussit enfin à démarrer sur le segment économique et accélère ses projets sur l’axe immobilier stratégique El-Jadida-Kénitra [qui inclut Casablanca et Rabat], où il dispose déjà d’un patrimoine foncier attractif, alors mon opinion pourrait changer. »
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