Mehdi Slimani choisit l’Éthiopie pour produire ses baskets
Mehdi Slimani, un Franco-Algérien de 37 ans est le cofondateur de Sawa, une marque de baskets fabriquées à Addis-Abeba et déjà vendues sur trois continents.
Intarissable ! Lorsqu’il s’agit de Sawa, la marque de chaussures qu’il a fondée en 2009 avec deux de ses amis, Mehdi Slimani peut parler pendant des heures. En cette fin d’après-midi d’août, ce Franco-Algérien de 37 ans est d’autant plus loquace que la rentrée prochaine s’annonce riche pour sa jeune entreprise. D’abord, le rappeur à succès Oxmo Puccino, Français d’origine malienne, chaussera des baskets Sawa pour la sortie de son nouvel album, Roi sans carrosse, prévue le 17 septembre. Un modèle spécial, conçu pour cette occasion, sera vendu en édition limitée. Ensuite, la marque française de prêt-à-porter Cotélac a accepté de distribuer, dès le mois prochain, sa nouvelle collection automne-hiver.
Né dans les Ardennes (nord-est de la France) de parents kabyles, Mehdi Slimani porte, avec ses partenaires, un projet audacieux : commercialiser dans le monde entier des chaussures entièrement fabriquées en Afrique. Les baskets Sawa, déjà vendues dans de grands magasins en Europe, aux États-Unis, au Japon et à Hong Kong, proviennent en effet d’une chaîne de montage située dans une zone industrielle au coeur d’Addis-Abeba. « Toute la matière première – cuir, lacets et semelles en caoutchouc – est disponible sur place. En termes logistiques, c’est un gain de temps considérable pour la production », assure ce diplômé de l’École supérieure de commerce de Lille (nord de la France). En plus, avec le hub d’Ethiopian Airlines et les avantages fiscaux offerts par le gouvernement éthiopien dans le cadre de sa politique industrielle, les produits finis sont facilement acheminés vers les marchés cibles. Sawa, qui emploie localement environ 250 personnes, table ainsi sur la vente de 10 000 paires de chaussures dès cette année, et à peu près le double en 2013. Pour Mehdi Slimani, il s’agit là d’une renaissance. Car l’aventure a failli tourner court en 2011, seulement deux ans après son démarrage.
La société Sawa, qui tient son nom de l’une des principales ethnies de Douala, était alors basée dans la capitale économique du Cameroun. En 2009, lorsque les trois associés décident de se lancer – après un voyage de six mois en Afrique -, ils choisissent ce pays pour, se souvient le Franco-Algérien, « l’énergie et le dynamisme de sa population ».
Toute la matière première – cuir, lacets et semelles en caoutchouc – est disponible sur place.
L’idée est alors de produire des chaussures avec des matières provenant des quatre coins du continent : toile fournie localement par la Cotonnière industrielle du Cameroun (Cicam), lacets venant de Tunisie, caoutchouc d’Égypte, emballages d’Afrique du Sud… « Nous pensions que la meilleure façon de montrer notre attachement à l’Afrique c’était d’aller souffrir sur place pour y créer de la valeur ajoutée », explique ce spécialiste de la finance d’entreprise dont le style jeans-baskets tranche nettement avec le costume-cravate classique des hommes d’affaires.
Fléau
Et la souffrance, il y a eu droit. Après des débuts prometteurs, Mehdi Slimani, fort d’une douzaine d’années d’expérience chez les équipementiers automobiles français Valéo et Faurecia au Brésil et en Chine, se retrouve très vite confronté à la dure réalité du Cameroun : la corruption. En deux ans, ce fléau a coûté pas moins de 500 000 euros à la jeune société. « Il fallait quitter le Cameroun ou mettre la clé sous la porte », explique celui qui affirme avoir toujours aimé la mode. C’est d’ailleurs pour se lancer dans cette industrie qu’il avait choisi, après les années passées dans le secteur automobile, de se réorienter vers le marketing grâce à un poste décroché chez l’équipementier français Le Coq sportif. Après son échec au Cameroun, l’Éthiopie lui offre désormais une autre chance de réaliser son rêve.
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