Yiwu, le supermarché de l’Afrique
À 250 km au sud de Shanghai, à Yiwu, s’étale le plus important marché de gros au monde. Peluches, vêtements et gadgets made in China y font la joie des importateurs du continent. Reportage.
Chine-Afrique : entre mythes et réalités
À Yiwu, c’est déjà Noël. Les guirlandes sont à la fête et les jouets occupent une grande partie des linéaires des 30 000 magasins que compte la zone commerciale de la ville. Soit plus de 2 millions de mètres carrés – l’équivalent de 300 terrains de football – sur lesquels s’échangent peluches, fleurs en plastique, vêtements, meubles, luminaires… Yiwu est le plus important marché de gros au monde.
Plus de 1 000 conteneurs quittent quotidiennement Yiwu, dont la moitié en direction des ports africains. Les acheteurs du continent sont en effet de plus en plus nombreux à arpenter cette ville située à 250 km au sud de Shanghai et surnommée le « supermarché de l’Afrique ». Chaque année, plus de 100 millions de dollars (plus de 80 millions d’euros) de marchandises chinoises quittent Yiwu en direction du continent.
Bureau miteux
« On cherche toujours ce qui est moins cher, et c’est pour ça que nous venons en Chine, explique Souley Maïga, un homme d’affaires malien installé ici depuis quatre ans. Dans ce pays, on trouve de tout. Et les prix sont raisonnables. » Souley Maïga a débarqué ici avec quelques dizaines de milliers de francs CFA en poche (quelques dizaines d’euros). Juste de quoi financer sa première cargaison : « Des tee-shirts », se souvient-il. Depuis, il partage un bureau miteux avec deux associés. Le soir, ils regardent TV5 dans le salon en fumant cigarette sur cigarette. « Ça nous rappelle le pays. »
Comme lui, plus de 20 000 ressortissants de pays d’Afrique ou du Moyen-Orient sont installés à Yiwu. Khalifa est l’un des premiers à avoir flairé le bon filon. C’était il y a vingt ans. Débarqué en Chine avec une simple bourse d’étude, ce Mauritanien toujours tiré à quatre épingles est aujourd’hui à la tête d’une jolie affaire d’import-export. L’oreille rivée en permanence à son téléphone portable, il parcourt chaque matin au pas de charge ce gigantesque marché, à la recherche de la perle rare. « J’ai un client qui a commandé ces chaussures, explique-t-il en désignant une paire de sandales en plastique. Il en a commandé dix cartons, et quand il a amené ça au marché [de Nouakchott, NDLR], il les a vendues sur le champ. Alors maintenant il en veut vingt cartons. »
Au bout du fil, le client lui aussi est pressé. Commander, payer et livrer… Au total, il ne s’écoulera pas plus de trente jours entre son coup de téléphone et l’arrivée de la marchandise sur les étals de la capitale mauritanienne. Khalifa empoche 5 % de commission. Sa petite affaire ne connaît pas la crise. « L’Afrique aura toujours besoin de ces marchandises venues de Chine. Des sandales, des vêtements, des meubles même. Pour les fêtes de fin d’année, on a reçu des commandes de jouets. Surtout des petits hélicoptères télécommandés », précise-t-il.
Fermer les yeux
Mais dans les allées de Yiwu, on trouve aussi des copies d’artisanat africain. « Ça tue le petit commerce local, nous confie un acheteur venu du Cameroun. Mais que voulez-vous ? Ici, on produit dix fois moins cher… » Parfois également, il faut savoir fermer les yeux sur la qualité. « Chaque niveau a son prix, tempère Khalifa. Mais la plupart des commerçants savent maintenant que pour faire du commerce à long terme et convaincre le consommateur africain il faut amener des produits de bonne qualité. » Tout le monde a encore en mémoire le scandale, en 2008, du lait chinois contaminé à la mélamine et vendu en Afrique hors de tout contrôle. On a connu meilleure publicité pour le made in China.
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