Tunisie : le limogeage des forces de l’ordre, un premier pas dans la lutte contre la corruption ?

En Tunisie, le ministère de l’Intérieur a annoncé mercredi 16 septembre le limogeage de 110 membres des forces de l’ordre dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, en raison des soupçons qui pèsent sur ces éléments. Mesure symbolique de lutte contre la corruption qui devra, pour porter ses fruits, s’accompagner d’une meilleure formation des agents.

Police tunisienne en juin 2015. © Darko Vojinovic/AP/SIPA

Police tunisienne en juin 2015. © Darko Vojinovic/AP/SIPA

Publié le 17 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.

110 éléments des forces de l’ordre appartenant à différents corps (police, garde nationale, armée et douane) ont été renvoyés a précisé Walid Louguini, le chargé de communication du ministère de l’Intérieur. « Il ne s’agit pas directement d’affaires de terrorisme, mais ces éléments sont soupçonnés de diverses infractions, parfois de crimes plus ou moins graves », a-t-il expliqué. « Certains de leurs actes concernent la contrebande et d’autres sont plus graves et peuvent être apparentés à des actes terroristes », a-t-il ajouté sans donner plus de détails.

« Ils doivent être jugés et punis. Par exemple, ce n’est pas normal que certains éléments des forces de l’ordre soient liés à des criminels. Que vont penser les citoyens ? », s’inquiète Walid Louguini. L’inspecteur général de la sûreté nationale, Taoufik Bouaoun avait également évoqué cette purge au sein des forces de l’ordre comme étant liée à la lutte contre le terrorisme. « On doit construire une nouvelle confiance pour que les citoyens sachent que les forces de l’ordre sont à leur service à l’intérieur du pays », avait confié l’inspecteur général de la sûreté nationale sur les ondes de Radio Med.

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La corruption inquiète

Le ministère de l’Intérieur est confronté à de nombreux défis au niveau interne et externe avec la montée de la menace jihadiste en Tunisie. Les deux dernières attaques contre des touristes, celle du musée du Bardo et surtout celle de la plage de Sousse ont fait éclater au grand jour les défaillances de l’appareil sécuritaire. La Tunisie n’a pas été capable depuis la révolution de construire une réelle politique publique sécuritaire. Et cette notamment pour cette raison que plusieurs pays ont demandé à leurs ressortissants de quitter la Tunisie au lendemain de l’attaque de Sousse.

Les divisions au sein du ministère de l’Intérieur et des forces de sécurité explique en partie ces défaillances et à cela s’ajoute les problèmes de corruption. Alors, renvoyer les éléments des forces de l’ordre dont l’éthique est en cause, semble être un premier pas vers la lutte contre la corruption à l’intérieur de l’appareil sécuritaire. Comme le conseille le chercheur Michael Ayari dans son rapport sur la réforme de l’appareil sécuritaire publié le 23 juillet, « le gouvernement doit prendre une série de ‘mesures chocs’, pas forcément d’ampleur, mais symboliques ».

Ces mesures doivent « refléter la volonté du gouvernement de restaurer la discipline dans le corps sécuritaire, le renvoi de cadres et agents connus pour leurs activités de petite corruption, par exemple. […] Mais ces mesures ne suffiront pas, et pourraient même produire l’effet inverse si elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie plus globale, au sein de l’institution sécuritaire comme plus largement dans la société », relativise-t-il, dans le rapport de l’International Crisis Group (ICG).

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Manque de formation

« Les éléments des forces de l’ordre qui ont été renvoyés seront présentés devant les conseils d’honneur selon leur corps de métier. Ils feront face aux accusations qui pèsent sur eux, d’indiscipline, de corruption ou d’actes pouvant tomber sous le coup de la loi antiterroriste », a précisé Walid Louguini. Mais le problème ne s’arrête pas là, car si la petite corruption s’est énormément répandue dans les corps de douanes et de policiers, elle s’explique surtout par le manque de formation des agents.

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À l’arrivée d’Ennahda au pouvoir, l’institution sécuritaire « a été perturbée par le recrutement massif de sous-officiers. Ainsi, de 2012 à 2014, entre 9 000 et 12 000 personnes de niveau septième année secondaire (baccalauréat) ont revêtu l’uniforme de gardien de la paix et de sergent de la garde nationale – les grades les plus bas – après seulement un mois de formation commune de base et 15 jours de stage pratique sur le terrain », lit-on sur le rapport de ICG.

Par ailleurs, Michael Ayari affirme qu’à la même période, 2 200 agents des forces de l’ordre qui avaient été révoqués pour infractions ou fautes professionnelles par les conseils d’honneur dans les années 2000 sous Ben Ali, avaient été réintégrés dans la police ou la garde nationale. Agents non formés ou pas intègres, les conséquences peuvent se répercuter sur la sécurité du pays et la confiance qu’ont les citoyens dans leurs institutions. Pour cette raison, les experts en sécurité qui appellent à une réforme cohérente du ministère de l’Intérieur préconisent surtout d’améliorer la formation de ses agents pour que la lutte contre le terrorisme soit effective.

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