Le chaînon manquant de l’Afrique du Nord

Dans un rapport publié le 8 août, la Banque africaine de développement (BAD) suggère aux pays d’Afrique du Nord de profiter de la dynamique du printemps arabe pour stimuler l’intégration régionale, gage de croissance, d’emplois et de stabilité.

Carte des principales routes commerciales entre l’Europe et l’Afrique du nord. © BAD

Carte des principales routes commerciales entre l’Europe et l’Afrique du nord. © BAD

Publié le 8 août 2012 Lecture : 5 minutes.

« Libérer le potentiel de l’Afrique du Nord grâce à l’intégration régionale, défis et opportunités. » Avec ce dernier rapport, publié le 8 août, la Banque africaine de développement (BAD) établit à son tour son diagnostic sur la faiblesse de l’intégration régionale entre les cinq pays d’Afrique du Nord et détaille ses recommandations pour stimuler la coopération économique de Nouakchott au Caire. « Produisant environ le tiers du PIB de l’Afrique et abritant près de 170 millions d’habitants, l’Afrique du Nord est la région la plus prospère du continent », rappelle d’entrée Jacob Kolster, le directeur du département régional Nord pour l’Égypte, la Libye et la Tunisie de la BAD.

Avec un commerce intra-régional représentant moins de 4 % de l’ensemble des échanges, la région est, dans le monde, la moins intégrée économiquement.

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Mais le talon d’Achille de cette région au fort potentiel est lui aussi archi-connu. « Les initiatives visant à promouvoir l’intégration régionale en Afrique du Nord ont souvent été entravées aussi bien par des divergences politiques que par des disparités en matière de performances économiques, du degré de réformes et d’ouverture ainsi que par des diversités liées aux cadres juridiques et réglementaires », souligne le rapport de plus de 200 pages de la BAD. Une tendance renforcée par la volonté de certains pays de la zone de privilégier les accords bilatéraux favorisant l’intégration avec l’Europe. Résultat ? « L’intégration régionale n’en est qu’à ses balbutiements en Afrique du Nord. Avec un commerce intra-régional représentant moins de 4 % de l’ensemble des échanges, la région est, dans le monde, la moins intégrée économiquement », regrette Jacob Kolster.

Le constat établi, l’institution panafricaine détaille six domaines d’activité : l’énergie, les changements climatiques et l’environnement, la finance, les investissements dans la logistique et le transport, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que le développement du capital humain, notamment, pour résorber le chômage des jeunes, qui pourraient stimuler les échanges régionaux. « L’intégration régionale et, à travers elle, la libération du potentiel offert par les économies d’échelles et la compétitivité accrue des pays de la région, pourrait être le chaînon manquant d’un effort concerté visant à jeter les bases d’une croissance plus robuste, généralisée et inclusive en Afrique du Nord », assure Jacob Kolster.

Détail sur trois secteurs clés

Energie

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L’enjeu est simple : la demande d’énergie, en particulier la consommation d’électricité, est en très forte croissance en Afrique du Nord alors que la capacité de production de la plupart de ces pays est insuffisante. Selon les estimations, ces pays doivent doubler leur capacité de production d’électricité au cours de la période 2010-2020, ce qui revient à accroître la capacité installée de 45 000 MW.

« L’Algérie, l’Égypte et la Libye disposent d’importantes réserves de pétrole et de gaz, tandis que la Tunisie et le Maroc sont d’importants importateurs d’énergie et que la Mauritanie dispose de quelques réserves, mais sa production ne permet pas de satisfaire les besoins de consommation nationaux. Ces différences considérables entre pays offrent des opportunités de tirer parti des échanges », insiste le rapport de la BAD. Mais de poursuivre : « Toutefois, l’intégration régionale est limitée en Afrique du Nord. Le gaz naturel est exporté essentiellement vers l’Europe et, en dépit d’une certaine inter-connectivité régionale, la plupart des projets d’échange transfrontalier d’électricité ciblent l’Europe ou le monde arabe. » L’institution panafricaine plaide pour « la création d’un marché intégré de l’électricité. » Dans ce but, la BAD veut concentrer ses interventions dans trois domaines : le transfert de technologies, notamment dans les énergies renouvelables, le renforcement des capacités institutionnelles et le développement de l’infrastructure.

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Infrastructures du transport et facilitation du commerce

« Le volume des échanges entre les pays du Maghreb est l’un des plus faibles au monde. Des progrès considérables ont été réalisés au cours des dix dernières années en ce qui concerne la réduction des obstacles tarifaires et des goulets d’étranglement dans le domaine de la logistique, particulièrement par le biais de l’investissement dans l’infrastructure. Cependant, les processus et procédures de facilitation du commerce demeurent inefficaces, l’infrastructure du transport reste inadaptée à bien des égards, les services de logistique et de transport sont inadéquats, les procédures douanières sont lentes et onéreuses. Toutes ces contraintes ont sérieusement entravé le développement en Afrique du Nord et contribué au maintien de la dépendance de la région à l’égard des produits primaires, du tourisme et des envois de fonds des travailleurs migrants », analyse le rapport de la BAD. Là aussi, la banque de développement milite pour la création d’une institution régionale qui coordonne la politique entre les différents pays avec la volonté d’investir dans les infrastructures de transport et de logistique et de faciliter la coopération douanière. Du port en eau profonde d’Enfidha en Tunisie, à la route qui relie l’Algérie à la Libye ou de l’Algérie au Sénégal, les projets ne manquent pas.

Finance

« Les pays d’Afrique du nord ont accompli des progrès en matière de réforme du secteur financier au cours des dernières décennies… Elles ont porté essentiellement sur la libéralisation des taux d’intérêt, la suppression des restrictions quantitatives et la privatisation des banques étatiques gérées de manière inefficace. Cependant, ces réformes n’ont pas permis de résoudre efficacement les problèmes d’ordre structurel et institutionnel dans les secteurs financiers de l’Afrique du Nord », note la BAD, qui enfonce le clou : « En dépit des progrès enregistrés depuis 2005, l’Afrique du Nord demeure la région la moins intégrée dans le système financier mondial. »

En dépit des progrès enregistrés depuis 2005, l’Afrique du Nord demeure la région la moins intégrée dans le système financier mondial.

Pour améliorer l’intégration régionale, la BAD suggère plusieurs pistes de réformes dans les cinq ans : la mise au point de systèmes de paiement permettant de réduire les coûts des transactions transfrontalières, la création d’agences de notation en vue de réduire les risques de crédit excessifs, l’harmonisation des règles et des pratiques favorisant un régime plus ouvert et stable, le développement des marchés financiers grâce à des politiques incitatives pour la diversification du secteur financier, la suppression progressive des contrôles de changes,…

Toutes ces réformes qui favorisent l’intégration régionale des cinq pays d’Afrique du Nord doivent générer des points de croissance supplémentaires qui favoriseront la création d’emplois, gage de la paix sociale et de la stabilité de la région. « Un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes, les femmes et les diplômés de l’enseignement supérieur, représente un problème économique et social énorme », relèvent les auteurs du rapport. « Le nouveau paysage politique qui se dessine en Afrique du Nord, au lendemain du printemps arabe promet un nouvel élan aux initiatives d’intégration régionale… La diversité des richesses en ressources dont regorgent les pays de la région, renforcée par l’infrastructure physique existante, représente une opportunité fondamentale pour stimuler le développement grâce à l’intégration régionale », conclut le rapport de la BAD.

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