Chine-États-Unis : passe d’armes en terre africaine
Pour sa tournée africaine, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a emmené avec elles hommes d’affaires et haut gradés de la politique économique américaine. Ce voyage à forte connotation économique vise notamment à renforcer l’influence américaine sur le continent face à la Chine.
Dernièrement, l’Afrique a fait l’objet d’une attention soutenue de la part des deux grandes puissances économiques mondiales. C’est la Chine qui a ouvert le bal le 19 juillet en organisant à Pékin la 5è conférence ministérielle du forum de coopération Chine-Afrique. Une semaine auparavant, la banque d’import-export africaine Afreximbank avait organisé sa première AG en dehors du sol africain. Le sommet Chine-Afrique a débouché sur un doublement des crédits de la Chine au continent africain, pour un total de 20 milliards de dollars, « afin de soutenir les infrastructures, l’agriculture, l’industrie manufacturière et le développement des PME », autrement dit les entreprises chinoises. Une véritable machine de guerre qui lui permet aujourd’hui d’être le premier partenaire commercial du continent avec 73,4 milliards de dollars d’exportations en direction de l’Afrique.
La phrase qui fâche : « Nous cherchons un partenariat durable avec l’Afrique, créateur plutôt que destructeur de valeur »
Hillary Clinton à Dakar
L’action chinoise n’a pas manqué d’agacer l’instinct commercial américain. En effet, les derniers grands programmes des États-Unis vers l’Afrique ont concerné des causes humanitaires, que ce soit le celui de 15 milliards de dollars du président George W. Bush pour combattre le Sida ou bien les œuvres charitatives de Bill et Melinda Gates. La Chine a abordé le continent de façon plus décomplexée et se trouve ainsi en grande partie à l’origine du décollage observé depuis une décennie, à la fois en tant que consommateur de matières premières et en tant que fournisseur de produits de grande consommation et d’infrastructures à moindre coût.
Dans un parcours qui favorise les régimes démocratiques, la secrétaire d’État américaine a donc cherché à faire la différence avec son concurrent. Après un discours sur la démocratie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle a mis le cap à l’Est, puis au Sud. À Dakar, Hillary Clinton s’est notamment permis une critique à peine voilée de la Chine, censée marquer le contraste avec l’action américaine : « Nous cherchons un partenariat durable avec l’Afrique, créateur plutôt que destructeur de valeur. » La réaction chinoise ne s’est pas faite attendre par le biais de Xinhua, l’agence d’information officielle. Parlant de « coup bas » et de complot américain, Xinhua explique que « les insinuations de Mme Clinton (…) ne correspondent à aucune réalité. Par rapport à de vagues promesses, les pays africains préfèrent les aides concrètes. » Mini-incident diplomatique qui en dit long. Elle a ensuite rendu visite au Soudan du Sud, en pleine crise avec son voisin du Nord, allié traditionnel de Pékin. Son intervention a peut-être permis un déblocage de la situation entre les deux pays, autorisant le pétrole à couler à nouveau.
Changement de paradigme
Étant donné leur dette colossale (presque 16 trillions de dollars), les États-Unis sont obligés de réviser leurs priorités. En juin, le gouvernement a publié sa nouvelle stratégie pour l’Afrique subsaharienne, un document qui met l’accent sur la nécessaire transition d’une politique de renforcement des capacités au commerce : place au libre-échange. Dans ce domaine, Hillary Clinton a annoncé la prolongation de la disposition textile des accords Agoa qui devaient expirer le mois prochain. Selon ces accords, les exportateurs de textile africains peuvent accéder au marché américain sans acquitter de droits de douane.
Les sociétés américaines se battent contre des gouvernements étrangers.
Fred Hochberg
Mais, plus que des accords commerciaux, la force de frappe chinoise provient de son agence de crédit aux exportations, la China EximBank. Les États-Unis en sont conscients et voudraient aider leurs entreprises à se battre sur un pied d’égalité. C’est notamment le but de la Export-Import Bank américaine, l’agence de crédit aux exportations made in USA, dirigée par Fred Hochberg. En Afrique du Sud, ce dernier a notamment signé des contrats pour financer deux milliards de dollars d’exportations liées aux énergies renouvelables vers le pays d’Afrique australe. Mais, d’après le Wall Street Journal, beaucoup d’entreprises américaines se plaignent de ce que les moyens d’action de la Export-Import Bank américaine sont limités. « Nos sociétés se battent contre des gouvernements étrangers » explique Fred Hochberg. Pour comparaison, la China Ex-Im Bank a engagé 12 milliards de dollars d’accords de prêts en 2011 quand la Export-Import Bank américaine en engageait seulement 1,4 milliard.
Le tea party veille
L’une des faiblesses de la politique économique des États-Unis envers l’Afrique réside dans le fait que ses deux agences d’aide aux entreprises exportatrices, l’Overseas private investment corp (Opic) et l’Ex-Im Bank, sont séparées. Ex-Im Bank peut financer uniquement des projets qui conduisent directement à des exportations et à des emplois aux États-Unis. Les sociétés américaines désireuses d’investir dans des entreprises étrangères doivent travailler avec l’Opic dont les moyens sont restreints. Mais autoriser le budget national à aider des entreprises privées à se développer à l’étranger reste soumis au bon vouloir des législateurs. Avec le renouveau conservateur impulsé par le tea party, cette perspective n’est pas assurée. Marco Rubio, sénateur de la Floride et l’une des étoiles montantes du parti républicain a récemment déclaré que « l’argent public ne devrait pas être utilisé pour l’assistance sociale aux entreprises ». Ce sera sans doute à la prochaine administration de trancher. Pendant ce temps là, la Chine fait ses emplettes.
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