Anachronisme politique burkinabè
Non, ce n’est la populaire émission « Archives d’Afrique » que diffusait la Radio-Télévision nationale du Burkina, ce vendredi 17 septembre au matin.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 18 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.
Pourtant, sur l’écran, le militaire qui annonçait un putsch au pays des Hommes intègres avait un air diablement désuet. Engoncé dans son treillis bariolé autant qu’emprisonné dans une rhétorique d’un autre âge, le lieutenant-colonel Bamba Mamadou semblait tout droit sorti des années 70.
Hélas, c’est bien en 2015, un an après une insurrection populaire présentée comme signe de maturité politique et trois jours avant une campagne électorale tant attendue que le bidasse inconnu entra dans une lumière qui le mis manifestement mal à l’aise… La diction hasardeuse ne rendait pas grâce aux formules éculées. Formules aussi anachroniques que surréalistes : quelques minutes plus tard, le général Gilbert Diendéré, bombardé patron du nouvel organe CND (Conseil national pour la Démocratie) justifiait le putsch pour éviter la « déstabilisation » du pays.
Le bras droit armé de Blaise
Peut-on, comme dans un processus de vaccination, inoculer la déstabilisation pour contrer la déstabilisation ? C’est peut-être que la culture politique du nouvel-ancien homme fort du Faso n’a pas assimilé celle du XXIe siècle (c’est peut-être pour ça que les putschistes ont omis de brouiller les réseaux sociaux qui leur font tant de mal). Ce coup d’État militaire est le sixième depuis l’indépendance de la Haute Volta. Diendéré était le bras droit armé de Blaise Compaoré depuis les années 80. Quand son nom n’est pas cité dans des affaires comme celle du meurtre du président Thomas Sankara, en 1987, c’est le sigle du Régiment de sécurité présidentielle qui l’est, dans les enquêtes sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, en 1998. Et ce RSP, véritable garde prétorienne du régime déchu en octobre 2014, il en a toujours été l’administrateur, même en tant que chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré.
Voilà donc des has-been qui refusent de lâcher le manche et créent un écheveau qui sera complexe à dénouer
Voilà donc des has-been qui refusent de lâcher le manche et créent un écheveau qui sera complexe à dénouer. Voici un retour en arrière d’un an, avec un consensus – même mou – qui sera plus difficile à trouver qu’avec le président intérimaire civil Michel Kafando. Voici la mise en abîme d’une transition dans la transition, cercle censément vicieux pour une population épuisée par l’année écoulée.
À quand les militaires dans les casernes ?
À quand une réconciliation nationale qui, jusque-là, a évité l’écueil de la guerre civile, grâce à des pratiques politiques majoritairement cordiales (quand les treillis ne les pervertissaient pas), grâce à une coexistence pacifique entre des ethnies qui se charrient pour ne pas s’affronter, grâce à un respect profond d’anciens qu’on semble vouloir malmener aujourd’hui, grâce à une faculté de résilience sous à un climat âpre et une économie précaire ? À quand les militaires dans les casernes ? A quand le XXIe siècle politique au pays des hommes intègres ?
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