C’est l’heure des comptes à la bourse d’Abidjan

Après le départ de son directeur général jean-Paul Gillet et l’affaire du détournement de fonds, la Bourse régionale des valeurs mobilières, à Abidjan, se doit de poursuivre son redressement.

Prévues cette année, les introductions de Sotelma et de BOA-Mali sont compromises du fait de la crise malienne. © Olivier pour JA

Prévues cette année, les introductions de Sotelma et de BOA-Mali sont compromises du fait de la crise malienne. © Olivier pour JA

ProfilAuteur_MichaelPauron

Publié le 7 août 2012 Lecture : 4 minutes.

Après douze années passées à la tête de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM), basée à Abidjan, quel est le bilan de Jean-Paul Gillet ? Et, globalement, comment se porte l’institution, secouée depuis une quinzaine de jours par un scandale portant sur le détournement de 1,62 million d’euros (lire encadré) ? Arrivé à la direction générale en 2000, deux années seulement après la création de la Bourse, le Français avait eu pour première tâche de promouvoir l’institution auprès de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). « Il a fait beaucoup de déplacements dans la région, rencontré tous les ministres des Finances… Je crois que la première partie de sa mission a été accomplie », assure un analyste ivoirien.

Cliquez sur l'image.À partir de 2002, la crise ivoirienne est venue compliquer les choses. La BRVM a cependant poursuivi son développement. Ses locaux ont été agrandis, et le nombre de sociétés cotées a augmenté. La capitalisation du marché est ainsi passée de 1,5 milliard d’euros en 2005 à plus de 5 milliards (au 30 juillet 2012), « ce qui démontre le fort potentiel de cette Place », souligne la société d’intermédiation Hudson & Cie dans une note d’analyse parue en avril. L’année 2005 a en effet été marquée par l’arrivée d’investisseurs étrangers, qui lui ont permis de connaître trois exercices de hausse. Toutefois, depuis 2008, les soubresauts de l’économie mondiale et européenne en particulier ainsi que la crise postélectorale en Côte d’Ivoire ont fait reculer l’indice jusqu’à un début de reprise en décembre 2011.

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Reste que « les crises successives, au Niger [en 2010, NDLR] et aujourd’hui au Mali, affectent aussi les performances de la Bourse », relève Patrice N’zi, de Bici Bourse. De fait, les introductions prévues cette année de l’opérateur télécoms malien Sotelma (29 % du capital pour 187 millions d’euros estimés) et de Bank of Africa Mali sont compromises. « De manière générale, les États s’étaient engagés à soutenir l’introduction d’au moins une société chacun par an… Ce qui n’a jamais été respecté », rappelle Patrice N’zi. « Jean-Paul Gillet a tout de même soutenu la création d’un compartiment PME-PMI et, à mon avis, cela va se faire », note un observateur, alors que d’autres estiment que cela n’a pas été assez rapide. « On peut toujours faire mieux, mais son bilan n’est pas si mauvais », ajoute-t-il.

1 milliard de F CFA détournés

Profitant de la désorganisation liée à la crise postélectorale en Côte d’Ivoire, des agents de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ont détourné 1,063 milliard de F CFA (1,62 million d’euros). Sur la foi de simples e-mails, ils ont fait croire au Dépositaire central et banque de règlement (DCBR), organisme dont la gestion a été confiée à Ecobank Côte d’Ivoire et par lequel transitent les échanges boursiers, qu’ils menaient une opération ordinaire et que les fonds utilisés seraient rendus à la fin de la crise. Ecobank a même avancé, fin 2010, quelque 500 millions de F CFA pour combler le déficit. La cour d’appel d’Abidjan a jugé que la BRVM n’avait pas à rembourser la banque. Reste à savoir si cette dernière se pourvoira en cassation. M.P.

Secret

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Malgré cette situation, tout le monde s’accorde sur la gestion réussie de la crise ivoirienne. Sous le coup d’une nationalisation unilatérale par le régime de Laurent Gbagbo, la direction a pris la décision de sauvegarder les données et de les évacuer hors de Côte d’Ivoire. La BRVM a finalement réussi à se délocaliser à Bamako. Si la Bourse n’a pas fonctionné normalement, ses intérêts ont été sauvegardés, et 2011, finalement, n’a pas été perdue. « Au final, l’année a été sauvée, raconte un cadre. La BRVM, en tant que société, a réalisé de bonnes performances, avec un bénéfice de 1,3 milliard de F CFA [près de 2 millions d’euros] lors des comptes arrêtés en avril 2012, et un dividende plus important qu’à l’exercice précédent. »

Jean-Paul Gillet aurait dû quitter ses fonctions en fin d’année, mais le conseil de gestion en a décidé autrement. Il a désormais la délicate mission de trouver son remplaçant, l’intérim étant assuré par le Nigérien Abdelkader Ndiaye, auparavant secrétaire général. « Il est là depuis la création de la Bourse. Il a été à la direction des nouvelles technologies et des opérations. Il a prouvé qu’il était capable, mais je pense que le conseil cherche un autre profil », confie un cadre de la BRVM. Le cabinet de recrutement AfricSearch a été chargé de cette mission. Un temps désigné comme le futur successeur, le banquier ivoirien Charles Kié a finalement décliné l’offre en juin, préférant accepter le poste de directeur du pôle corporate banking d’Ecobank. L’institution devra aussi trouver un nouveau président du conseil d’administration, après le départ du Sénégalais Amadou Kane, nommé ministre de l’Économie dans son pays.

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Un temps désigné comme successeur, l’Ivoirien Charles Kié a décliné l’offre.

Charisme

Dans les coulisses de l’institution, on espère avant tout que le prochain directeur général aura suffisamment de charisme pour rendre la Bourse totalement indépendante et séduire les investisseurs étrangers (qui représentent aujourd’hui 15 % des titres en conservation à la BRVM) et les entrepreneurs africains. Patrice N’zi, comme beaucoup, l’admet : « Le marché est peu attractif et peu liquide. » Il reste dominé par quelques valeurs, dont Sonatel, qui représente environ 35 % de la capitalisation de la Bourse et plus de 50 % des échanges.

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