Si le Gabonais est xénophobe, alors tous les peuples sont xénophobes

Non, les Gabonais ne sont pas racistes ! Non, les Gabonais ne sont pas xénophobes et il n’y a pas plus d’individus xénophobes au Gabon qu’au Bénin, au Sénégal, au Togo, au Liban, en Chine, en France, aux USA, etc.

Chassés du Gabon, des migrants arrivent au port d’Abidjan, en janvier 1995. © Lougué

Chassés du Gabon, des migrants arrivent au port d’Abidjan, en janvier 1995. © Lougué

idiata
  • Daniel Franck Idiata

    Professeur titulaire de linguistique à l’Université Omar Bongo & Commissaire général du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CENAREST) du Gabon.

Publié le 21 septembre 2015 Lecture : 5 minutes.

C’est pour l’affirmer haut et fort que j’ai écrit cette tribune en contrepoint d’un éditorial et d’un article paru, il y a quelques semaines dans Jeune Afrique, et dont l’écho continue de résonner au Gabon.

Au Gabon, comme ailleurs dans le monde, les actes posés par un parti politique institutionnellement reconnu ou non n’engagent pas le peuple ni même l’ensemble de la classe politique du pays. Il en est de même pour les propos que pourrait tenir, à titre individuel et hors des canaux officiels, un responsable politique, de l’opposition ou du pouvoir, qui n’engagent que ce responsable à titre individuel et non le peuple gabonais dans sa globalité.

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De même, je ne crains pas d’affirmer qu’aucun « tribunal du peuple siégeant aussi bien dans le bidonville de Kinguélé que dans les villas huppées de la Sablière » n’a condamné Maixent Accrombessi et aucun tribunal du Gabon, au propre comme au figuré, n’a condamné Maixent Accrombessi à une quelconque peine.

Pourquoi le Gabonais n’est ni raciste ni xénophobe ?

Avec mes étudiants du cours de langue et culture à l’Université Omar Bongo, j’ai réalisé plusieurs enquêtes par questionnaires distribués à plusieurs milliers de gabonais sur la problématique de l’identité nationale y compris les questions de racisme et de xénophobie souvent évoquées dans la presse nationale comme internationale. Les résultats de cette recherche scientifique (que je consigne dans mon ouvrage en préparation Le reflet du miroir, le Gabon face à ses identités, Idiata 2016) montrent qu’il n’est pas possible, même à titre d’hypothèse, de penser que le Gabonais serait xénophobe ou raciste.

Considérons, ici, quelques exemples de xénophobie attestés dans l’actualité mondiale, en commençant par l’Afrique et notamment l’Afrique du Sud au cœur de l’actualité depuis quelques mois. Ce pays est (a été ?), comme on le sait, confronté à une vague de violences xénophobes particulièrement soutenue, caractérisée par des agressions, voire des meurtres, contre les populations noires immigrées. Ces agissements qui avaient commencé à Durban ont gagné la métropole Johannesburg. Plus d’une douzaine de victimes ont été recensées pour cette année 2015. Ce qui a conduit le Zimbabwe et le Malawi, deux des principaux pays d’immigration africaine vers l’Afrique du Sud, avec le Mozambique et la République démocratique du Congo, à rapatrier nombre de leurs ressortissants. Dans d’autres contrées du monde, par exemple au sein de la « tour d’ivoire Europe », on assiste, depuis les années 1990, à une inquiétante résurgence du racisme et de la xénophobie, dont les manifestations concrètes peuvent varier d’un pays à l’autre.

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Non pas que je nie l’existence, chez les Gabonais – au moins ceux d’une certaine génération bercée par le mythe du « Gabon pays prospère et richissime » –, d’une idéologie bien ancrée qui se traduit par un sentiment de supériorité vis-à-vis des autres peuples d’Afrique, notamment ceux issus des pays d’origine des migrants, et que cela peut avoir entraîné chez certains individus, des attitudes de mépris vis-à-vis de tout ou partie de ces migrants économiques dont plusieurs sont des migrants clandestins (dont l’ampleur est difficile à évaluer au Gabon comme ailleurs dans le monde).

Sous l’ère Léon Mba et l’ère Omar Bongo, le mirage pétrolier a amené les Gabonais à se convaincre que leurs valeurs, leur système sociétal et économique étaient des exemples à suivre et que tout ce qui pouvait sortir de ce cadre était à leurs yeux inférieur. Le Gabonais avait donc cette réputation tout autant que le pays, qui n’a de cesse de bercer les rêves des candidats au « mirage gabonais » même en situation de crise comme on le vit depuis quelques temps avec la baisse du baril du pétrole. Et il en arrive tous les jours !

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Non pas que je considère que les Gabonais sont tous des saints vivant dans le pays idéal, mais tous les cas cités par Georges Dougueli dans son article et les autres pourfendeurs du Gabon ne sont, de toute évidence, que des actes marginaux, qui n’ont strictement rien à avoir avec la xénophobie ou le racisme, et qui ne concernent pas la majorité des Gabonais, comme ils ne sont pas propres à ceux-ci. Le Gabon n’est pas le seul pays au monde où on distingue des citoyens d’origine et des citoyens d’adoption (naturalisés) et dont la législation intègre ces aspects. Le Gabon n’est pas non plus le seul pays au monde où les étrangers ont des droits civiques limités par rapport aux nationaux, etc.

L’incendie de l’ambassade du Bénin en 2015 ne relève ni de la xénophobie ni du racisme

Pour revenir à cette terrible histoire absolument regrettable de l’incendie de l’ambassade du Bénin à l’annonce du décès de l’opposant André Mba Obame, il y a peu, c’est une évidence enfantine qu’il ne s’agit pas d’un acte xénophobe ou raciste contre les ressortissants béninois au Gabon. D’ailleurs, aucun ressortissant béninois n’a été inquiété et il n’a été révélé aucun acte d’agression ou de lynchage d’un quelconque ressortissant béninois sur l’ensemble du territoire national par rapport à cette affaire. Ce fait n’est pas discutable, sauf pour ceux qui trouvent un intérêt à vilipender le Gabon et son peuple. Tous les acteurs avertis des enjeux de la politique gabonaise savent qu’il s’est agi d’un acte criminel isolé et dont les motivations politiques (relevant de la croyance au surnaturel), si tant est qu’elles soient cohérentes et compréhensibles, sont connues par les uns et les autres. Ceux qui ont commis ce forfait absolument inacceptable, manifestaient leur colère, de la façon la plus absurde qui soit – j’en conviens, et tout le monde au Gabon en convient – contre le directeur de cabinet du président de la République, Maixent Accrombessi, soupçonné d’être à l’origine dudit décès. On est en plein, ici, dans le surnaturel.

Gabon, pays d’immigration

Plus que tout autre pays en Afrique, le Gabon est un pays qui subit une forte immigration. Même si on a une idée à peu près précise du nombre des migrants légaux (ceux disposant d’une carte de séjour en bonne et due forme), il reste que le nombre total d’étrangers légaux et illégaux au Gabon n’est pas connu et ne peut pas être connu avec certitude.

Pourtant, lorsqu’on voit l’ampleur de l’immigration au Gabon, notamment la forte colonie ouest-africaine constituée principalement de Béninois, Togolais, Sénégalais, Nigérians, Ghanéens, Burkinabè, Mauritaniens, etc. ou encore les populations venues d’autres continents comme les Libanais, les Malaisiens, ou les Chinois de plus en plus nombreux, on ne peut pas laisser dire – malgré la présence dans son histoire, de chapitres regrettables, que la xénophobie fasse partie de l’identité gabonaise. Affirmer de telles contre-vérités, n’est pas autre chose qu’une injure grossière pour ce pays.

Que dire de plus, sinon rappeler ce qu’écrivait déjà, il n’y a pas si longtemps, sur ces mêmes colonnes mon collègue le professeur Guy Rossatanga-Rignault : le Gabon, terre de liberté « qui accueillit Albert Schweitzer, Cheikh Amadou Bamba et Samory Touré, restera fidèle à sa tradition, en s’ouvrant à tous ceux qui témoignent d’une réelle passion pour elle et d’une sincère fraternité pour ses enfants ».

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