Écotourisme au Maroc : tout plaquer pour élever des chèvres à Douar El Mesqa
Lassé de sa routine stressante d’administrateur réseaux, Allae Hammioui a tenté sa chance dans le village de ses ancêtres : une auberge écologique, solidaire et artistique baptisée Djebli Club. Une autre façon de vivre.
Allae Hammioui nous accueille sur sa terre familiale, dans ce qui ressemble à un chantier artisanal bordé d’un petit campement de six tentes de randonnées légères. Nous sommes à Douar El Mesqa, à une cinquantaine de kilomètres de Chefchaouen. C’est ici, à l’ombre des figuiers plantés par son oncle, que le jeune Slaoui de 32 ans a décidé de vivre. « Il n’y a pas si longtemps, je travaillais dans l’informatique à Paris. J’y ai passé trois ans, le comble pour quelqu’un qui ne supporte pas les grandes villes, sourit le jeune homme au chapeau Jebli et à la moustache pointue de Salvador Dali. Perdre ma vie dans les transports en commun, non merci ! »
Sur cette parcelle ombragée d’un hectare où il construit un gîte rural avec des matériaux écologiques, Allae Hammioui est dans son élément. « Vous ne trouverez pas un sac de ciment dans les parages. Nous avons fabriqué nos briques et notre ciment naturel en terre crue et érigé ces deux dômes en douze jours. Venez voir, c’est naturellement climatisé, on sent la différence alors que le toit n’est même pas fini ! », s’enorgueillit l’apprenti contremaître, qui s’entoure de quelques ouvriers de la région et d’une petite armée de jeunes bénévoles, comme Hind, étudiante en troisième année de littérature anglaise, occupée à préparer les bambous qui serviront de toiture aux chambres. « Nos volontaires viennent de tout le Maroc et d’ailleurs. Nous avons même eu un Américain il y a quelques semaines. »
Un projet écotouristique
Baptisé Djebli Club, ce projet écotouristique et participatif a d’abord vu le jour sur le web, où il bénéficie d’une belle visibilité sur Facebook – quelque 4 700 fans à ce jour – et d’une campagne de Crowdfunding sur le site Smala & Co. qui a permis de collecter 14 740 dirhams (1 354 euros) sur les 55 000 (5 052 euros) nécessaires à la construction d’une partie de l’auberge.
Creusé dans un monticule pierreux, l’espace commun actuellement en friche comprendra bientôt une grande cuisine et des douches collectives. « Nous espérons accueillir nos premiers invités d’ici mars 2016. Latefa Ahrare m’a promis d’organiser ses prochains ateliers de théâtre ici », exulte l’homme au chapeau à pompons, qui a été médiateur culturel dans une vie antérieure.
Allae Hammioui veut désenclaver les esprits de sa localité. « Je pense installer une résidence artistique, un programme d’échange un peu spécial, un échange de repos [les artistes] contre [leur] savoir pour les habitants de la région », écrit-il sur la plateforme de financement participatif.
Un impact positifs sur les villages environnants
« Nous voulons que ce projet ait un impact positif sur les villages environnants, explique Ali Hammioui, prof de maths à Salé, venu soutenir son fils dans son aventure. Les gens n’ont pas beaucoup d’horizons. Nous espérons leur montrer que d’autres voies sont possibles, en introduisant par exemple les techniques très rentables et économes de la permaculture (système agricole inspiré de la nature, NDLR). »
Allae acquiesce : « Vous savez, cette route, là, devant chez nous est la préférée des touristes étrangers. Motards et 4×4 la sillonnent chaque jour pour aller de Chefchaouen à Fès et l’apprécient pour la beauté de l’arrière-pays. Mais ils ne s’arrêtent jamais ici. Nous espérons en capter quelques-uns bientôt. »
À terme, Allae Hammioui souhaite atteindre l’autonomie alimentaire, en cultivant un potager, un verger, une serre expérimentale et en élevant quelques animaux.
Pour le moment, il collecte tant bien que mal de l’argent auprès des internautes. « Ça ne suffira pas à tout couvrir mais ce n’est pas grave, j’irai selon mes moyens, je construirai deux ou trois dômes par an, à mon rythme. J’ai tout mon temps. » L’époque des délais angoissants et autres contraintes professionnelles est révolue. « La vie telle que je la conçois est une harmonie avec la nature, philosophe l’ex-gestionnaire réseaux. Risquer l’imprévu et s’y habituer, tirer des leçons de la terre, du ciel, de chaque insecte qui croise mon chemin. »
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