Révolution égyptienne : la bataille mémorielle de la rue Mahmoud

Un pan de mur de la rue Mohamed Mahmoud, célèbre pour ses graffitis révolutionnaires, a été détruit le week-end dernier par les autorités, provoquant la stupeur des artistes et des militants pro-révolution.

Une fresque du square Tahrir, le 28 septembre 2012. © Mohammad Hannon / AP / SIPA

Une fresque du square Tahrir, le 28 septembre 2012. © Mohammad Hannon / AP / SIPA

Publié le 22 septembre 2015 Lecture : 2 minutes.

« Les rues de la révolution, c’était notre monde, et le street-art de la révolution a exprimé et célébré notre univers. Il a fleuri sur les murs, il a parlé pour nous et s’est adressé à nous, c’est une manifestation miraculeuse de l’énergie créative de la révolution qui s’est propagée dans le pays ». Ces quelques lignes figurent dans la préface écrite par Adhaf Soueif, célèbre romancière égyptienne, au livre « Walls of Freedom » publié en 2014 et depuis partiellement censuré en Égypte. Alors, c’est en toute spontanéité que celle-ci s’est insurgée de voir tomber un pan du mur de la célèbre rue Mohamed Mahmoud.

« S’ils pouvaient faire disparaître la rue toute entière, ils le feraient ! » s’est-elle indignée. Et elle n’est pas la seule. À la vue des ouvriers abattant à la pelleteuse le portrait souriant d’un révolutionnaire, couché sur un fond rose tendre, les mâchoires se sont crispées, les tweets rageurs se sont multipliés… « Maintenant qu’ils ont démoli une partie de cette rue, on peut littéralement se balader sur Tahrir et s’imaginer que rien n’est jamais arrivé. Quel avantage pour les autorités ! », commente ainsi une jeune égyptienne sur la Toile.

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Officiellement, les graffitis de la révolution ne sont pas en cause. « La destruction du mur est liée à la rénovation de l’université américaine », assure Khaled Moustafa, porte-parole du gouverneur du Caire. « Ça n’a rien à voir avec le politique », insiste-t-il.

Faire oublier les hommages rendus aux martyrs de la révolution

Difficile pourtant de ne pas se souvenir de la cinquantaine de manifestants tués sur le pavé de cette artère dans des affrontements avec les forces de police, en novembre 2011. Impossible non plus, de ne pas voir dans cette destruction une volonté de faire oublier les hommages rendus par de nombreux artistes aux victimes. Car le mur a été repeint plusieurs fois par les autorités ces dernières années, provoquant un tollé et une véritable bataille contre l’oubli. Depuis 4 ans, les graffeurs viennent régulièrement, armés de bombes et de pochoirs, colorier les murs encore humides des rouleaux passés par les ouvriers municipaux.

De son côté, l’université américaine du Caire, implantée sur ce tronçon de rue et dominant la grande place, confirme le démantèlement de son bâtiment des sciences, accolé à la rue, mais avoue avoir reçu de nombreuses pressions des autorités pour rénover ses bâtiments et ainsi participer à la politique de rénovation et d’embellissement de la ville menée par Sissi depuis son arrivée au pouvoir.

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Le directeur du département médias de l’université, Rihab Saad affirme toutefois que le mur a été immortalisé par des photographes avant sa destruction et fera l’objet d’une exposition. Mais le projet est ressenti par de nombreux Cairotes comme un attentat à la mémoire. « C’est difficile de critiquer l’État islamique qui détruit le patrimoine historique mondial quand nos détruisons nous-mêmes notre propre histoire moderne », tranche Wael Eskandar, un militant révolutionnaire.

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