Pour permettre l’émergence des aspirations des peuples africains
L’Afrique a besoin de « grands hommes » pour son développement et surtout pour permettre la réalisation de la «substance » de la démocratie – c’est-à-dire la pleine réalisation de la volonté des peuples – dans de nombreux pays du continent.
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Harding Djakou Chati
Ingénieur, entrepreneur et africanophile. Il est passionné par le rôle des médias dans le développement des pays africains.
Publié le 22 septembre 2015 Lecture : 3 minutes.
Dans un récent article, un observateur averti de la vie politique africaine soulignait dans les colonnes de Jeune Afrique avec raison le fait que « trop de régimes africains gouvernent sans le consentement des peuples, et plus grave, contre les intérêts de ceux-ci ». Les événements récents au Burkina Faso démontrent la persistance de ce phénomène en Afrique qui est survenu à la veille des décolonisations africaines, s’est poursuivi au lendemain des indépendances et qui perdure de nos jours.
Hier, les puissances coloniales accordaient les rênes du pouvoir des pays africains accédant à l’indépendance à ceux qui ne le réclamaient pas ou qui ne le voulaient pas afin de faire perdurer leurs intérêts à travers ces personnes. Ces mêmes puissances combattaient énergiquement les partis nationalistes qui émergeaient des peuples colonisés et qui avaient le « tort » de vouloir défendre les intérêts de ceux-ci.
Aujourd’hui, de nombreux gouvernements africains ou des dépositaires de pouvoir (par exemple l’armée, la police, etc.) combattent les acteurs des sociétés civiles, les partis d’opposition et tous les canaux par lesquels l’expression de la volonté populaire souvent contraire à la ligne officielle peut émerger. Le coup d’État des militaires burkinabè du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) n’est que le reflet de ce phénomène. Trop peu en Afrique se soucient de l’intérêt général et seuls les avantages de quelques uns comptent, quitte à mettre le pays à feu et à sang ou à brader l’avenir de millions de personnes.
Qui le RSP représente-t-il ? Voilà un groupe minuscule non républicain d’environ 1500 hommes qui avait été bâti pour défendre le pouvoir d’un seul homme, à savoir le président Blaise Comparoé et son régime autoritaire. Suite à la décapitation de ce régime obtenue grâce au soulèvement du peuple ne souhaitant plus voir perdurer à la tête du pays des gouvernants à bout de souffle, le RSP n’a cessé de mettre des bâtons dans les roues du Conseil national de transition (CNT) dans le seul but de défendre ses avantages et autres privilèges acquis pendant les années Comparoé ; poussant le bouchon jusqu’à prendre en otage par les armes (pourtant payées par le contribuable) 16 millions de Burkinabè sous les fallacieux prétextes d’« empêcher la déstabilisation du Burkina » ou d’organiser des élections soit disant « inclusives ».
Malgré quelques imperfections, le CNT avec à sa tête le binôme composé du président Michel Kafando et du Premier ministre Isaac Zida conduisait à son terme une transition délicate. Les élections étaient prévues dans quelques semaines et le conseil constitutionnel avait validé la liste des futurs candidats à la présidentielle en écartant selon la volonté du peuple les potentats qui avaient façonné et activement soutenu le régime précédent.
Ce même peuple qui s’était levé pour faire tomber l’ancien régime au prix de lourds sacrifices (économique, humain, etc.) entrevoyait le bout du tunnel. En effet, les indicateurs économiques durement éprouvés par des décennies de mauvaise gestion et plus récemment par les remous de la révolution populaire ayant conduit au départ de Blaise Comparoé sortaient du rouge. L’enquête sur la disparition du héro national Thomas Sankara et du journaliste Nobert Zongo, malgré les lenteurs observées, était sur les rails. En somme, une partie des demandes et attendes légitimes pour lesquelles le peuple s’était soulevé était en train d’être réalisée. C’est exactement ce moment que les quelques hommes du RSP ont choisi pour mettre un coup d’arrêt à la transition et empêcher ce pourquoi le peuple s‘était sacrifié de germer.
L’Afrique a besoin de « grands hommes » pour son développement et surtout pour permettre la réalisation de la «substance » de la démocratie – c’est-à-dire la pleine réalisation de la volonté des peuples – dans de nombreux pays du continent. À coté des acteurs des sociétés civiles et des peuples qui se lèvent pour faire barrage à ceux qui souhaitent « boycotter l’avenir des nations africaines », les organisations supranationales telles que l’Organisation des nations unies, l’Union africaine, etc. ont un rôle déterminant à jouer pour favoriser l’émergence de ces «grands hommes ».
Comment ? En ne se contentant pas seulement de dénoncer avec la « dernière énergie » les prises de pouvoir par les armes ou les régimes encore trop nombreux qui ne respectent pas le jeu de la démocratie, mais en prenant par exemple des sanctions ciblées (interdiction de voyage, gel des avoirs, etc.) contre ces personnalités encore trop nombreuses soucieuses de maintenir ou revenir à des ordres anciens où seul les intérêts et avantages partisans d’une minorité comptent. Ce n’est qu’à ce prix que les aspirations de la majorité de certains peuples en Afrique verront le jour.
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