CFAO : le Japon s’offre le dernier joyau de la Françafrique
CFAO, le premier distributeur automobile et pharmaceutique d’Afrique francophone est racheté par une filiale du groupe nippon Toyota. La marque française, connue depuis des générations, ne devrait pas pour autant disparaître.
Si PPR envisageait de se séparer de CFAO depuis 2009 (année de son entrée à la Bourse de Paris) pour se concentrer sur le luxe (Gucci, Yves Saint Laurent…) et le sport (Puma, Volcom), les investisseurs n’ont pas été très réactifs. Même si le distributeur se dit satisfait, il espérait une offre française, voire européenne. L’offensive internationale des conglomérats japonais aura eu le dernier mot (lire encadré).
Comptoir
C’est donc un tournant historique dans le secteur de la distribution sur le continent. La Compagnie française de l’Afrique occidentale, apparue sous ce nom en 1887 après s’être d’abord appelée Établissements Verminck (créés à Marseille en 1845), s’est d’abord lancée dans le commerce de produits alimentaires et de grande consommation et a ouvert son premier comptoir à Dakar l’année de sa création. Dès 1913, le groupe vend des automobiles. Vingt-cinq ans plus tard, il est implanté dans 19 pays et possède 360 points de vente, devenant l’une des clés de voûte du commerce colonial entre le continent et l’Hexagone. Ses enseignes sont aujourd’hui présentes dans 32 pays africains. Depuis les indépendances, il n’a cessé de gommer son image, effaçant son nom trop connoté au profit de l’acronyme CFAO. Véritable machine à cash, son cours de Bourse a crû de 50 % depuis décembre 2011 et ses résultats au premier semestre 2012 ont progressé de 14,5 % (pour atteindre 1,7 milliard d’euros). Sur le fond, les 10 100 employés du distributeur français, dont 5 600 en Afrique, n’ont pas grand-chose à craindre de ce rachat. TTC vendait principalement Toyota en Afrique australe et souhaitait depuis longtemps développer d’autres marques, ce qu’il fera grâce à CFAO, dont le profil correspond de surcroît à ses ambitions de diversification. La firme nippone pourrait ainsi développer certaines activités, comme les biens de consommation et la pharmacie via Eurapharma, une filiale de CFAO. La marque française, connue depuis plusieurs générations, ne devrait pas disparaître.
Shopping nippon
Portées par un yen historiquement fort et pourvues d’importantes réserves de cash, les entreprises japonaises vont chercher à l’étranger, notamment dans les pays émergents, la croissance que leur marché intérieur ne peut plus leur offrir. En 2011, elles ont ainsi dépensé 65,5 milliards d’euros pour acquérir 620 sociétés étrangères. Cette tendance ne semble pas s’essouffler : au premier semestre 2012, elles ont déboursé 36,6 milliards d’euros pour conclure 262 acquisitions. TTC fait partie de ces entreprises en quête de relais de croissance à l’étranger. En mars, elle a annoncé un investissement de 493,3 millions d’euros dans la société canadienne Encana. N.T.
Interface
Les 3 000 officines d’Afrique francophone, par exemple, continueront d’être approvisionnées par Laborex, l’enseigne d’Eurapharma, présente dans 20 pays avec 40 % de parts de marché. Drainant le quart du chiffre d’affaires de CFAO avec ses 20 000 produits référencés, Eurapharma joue le rôle d’interface entre les pharmacies et ses 450 laboratoires partenaires. Également présent en Afrique anglophone (Kenya, Ouganda, Tanzanie, Ghana) et en Angola, il lorgne le Nigeria et le Mozambique, tout en comptant sur la montée en puissance d’Eurapharma Healthcare Services, créé fin 2011, afin d’approvisionner hôpitaux, ONG, cliniques et ministères.
Reste le cas de CFAO Technologies. Créée en 2002 après l’obtention d’un contrat de distribution avec IBM, la filiale a rapidement conclu de nouveaux partenariats avec de grands groupes informatiques comme Motorola ou Cisco. Naturellement, l’entreprise est devenue un acteur de référence dans le secteur de l’informatique. Dotée de sept filiales (Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Mali, Sénégal), elle opère dans une vingtaine de pays. En 2009, l’activité représentait 4 % du chiffre d’affaires du groupe. « Encore aujourd’hui, CFAO Technologies est le seul à pouvoir gérer les plus gros projets », reconnaît un concurrent au Cameroun. Reste que certains partenaires comme IBM, auparavant liés par des accords exclusifs, nouent en parallèle d’autres alliances pour profiter de la croissance du marché africain. Bousculée par l’apparition de nouveaux concurrents, l’activité semble marquer le pas. Dans un groupe centré sur des activités logistiques, l’intégration informatique apparaît comme une entité à part qu’il faudra renforcer à court terme. Également présent dans ce secteur, TTC pourrait choisir de conserver cette branche, mais une cession n’est pas exclue. Affaire à suivre.
L'éco du jour.
Chaque jour, recevez par e-mail l'essentiel de l'actualité économique.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Économie & Entreprises
- La Côte d’Ivoire, plus gros importateur de vin d’Afrique et cible des producteurs ...
- Au Maroc, l’UM6P se voit déjà en MIT
- Aérien : pourquoi se déplacer en Afrique coûte-t-il si cher ?
- Côte d’Ivoire : pour booster ses réseaux de transports, Abidjan a un plan
- La stratégie de Teyliom pour redessiner Abidjan