Patronat : Conect, le courant alternatif

Créée en septembre 2011, Conect, la nouvelle organisation patronale tunisienne, n’a pas tardé à s’imposer sur la scène nationale et internationale en prônant la citoyenneté et la bonne gouvernance. Au grand dam de l’Utica, le syndicat historique.

De g. à d. : Jean Burelle, président de Medef International, Hamadi Jebali, Premier ministre tunisien, et Tarek Chérif, président de Conect, à Paris, le 28 juin. © Vincent Fournier/JA

De g. à d. : Jean Burelle, président de Medef International, Hamadi Jebali, Premier ministre tunisien, et Tarek Chérif, président de Conect, à Paris, le 28 juin. © Vincent Fournier/JA

Julien_Clemencot

Publié le 7 août 2012 Lecture : 4 minutes.

Le 28 juin, Tarek Chérif, président de la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (Conect), a frappé un grand coup dans la lutte d’influence qui l’oppose à l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), le syndicat historique du patronat. Ses équipes ont organisé le premier voyage officiel du Premier ministre, Hamadi Jebali, à Paris. Wided Bouchamaoui, présidente de l’Utica, a fait des pieds et des mains pour assister en spectatrice à l’événement. Invitée quelques jours plus tard à échanger avec le président Moncef Marzouki au palais de Carthage, elle a encore été obligée de partager la vedette avec son rival.

Moins d’un an après sa création en septembre 2011, Conect impose sa marque aussi bien sur la scène nationale qu’internationale. À preuve, la convention signée avec l’Agence de promotion de l’industrie et de l’innovation, sa participation au Conseil d’affaires tuniso-marocain, les bonnes relations entretenues avec la Confédération algérienne du patronat et les missions organisées avec des délégations d’hommes d’affaires en Libye, en Turquie et, à l’automne, en Côte d’Ivoire.

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JA2690p066-067 infoUne montée en puissance facilitée par la période agitée actuellement vécue par l’Utica. Malgré ses efforts, Wided Bouchamaoui peine à solder l’héritage des années Ben Ali. Faute d’avoir achevé la réforme de ses statuts, le congrès de son organisation, prévu en juin, a été repoussé. Ces difficultés sonnent comme une confirmation pour les fondateurs de Conect, membres de longue date de l’Utica avant la révolution.

Mastodonte

« Après le 14 janvier 2011, nous avons commencé à nous réunir presque tous les jours », se rappelle Douja Gharbi, vice-présidente de Conect. « Le plus important était de défendre l’image des chefs d’entreprise accusés d’avoir pillé le pays », ajoute Monia Saïdi, trésorière du syndicat et ancienne présidente du Centre des jeunes dirigeants, une des nombreuses organisations du syndicat historique. Malgré leurs espoirs de changements, les patrons frondeurs de l’Utica se sont vite aperçus qu’il leur serait difficile de faire évoluer ce mastodonte composé de centaines de structures, dont certaines ne sont même pas opérationnelles.

Fin mars 2011, ils décident de fonder un nouveau syndicat. « Notre ambition était de créer une organisation répondant aux préoccupations économiques, juridiques mais aussi sociales des chefs d’entreprise. L’ère de la pensée unique est révolue », résume Tarek Chérif. « De mars à août 2011, nous avons fait une étude des attentes du secteur privé pour nous positionner. Notre constat a été clair : la citoyenneté et la bonne gouvernance étaient complètement absentes des débats », justifie Douja Gharbi.

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Fidèle à son projet de départ, Conect exige notamment de ses adhérents qu’ils s’engagent à payer leurs impôts sur la base de leur chiffre d’affaires (et non forfaitairement, comme l’autorise la loi sous certaines conditions). « Nous avons aujourd’hui plus de 600 membres, mais nous ne cherchons pas à grossir à tout prix. Par exemple, Conect n’accueille pas d’entreprises unipersonnelles, comme les chauffeurs de taxi ou les artisans, car leurs attentes sont trop différentes de celles des PME », précise Tarek Chérif.

Le discours séduit aussi les grands groupes comme le numéro un tunisien Poulina, le leader des travaux publics Bouzguenda ou le fournisseur d’accès internet HexaByte. Si les sociétés basées à Sfax et à Tunis sont encore surreprésentées, Conect n’oublie pas de se développer dans les autres régions. « Nous sommes déjà implantés dans 13 gouvernorats sur 24. À Gafsa, nos représentants ont joué un rôle de médiateur important quand l’équipementier automobile Yazaki, perturbé par des mouvements sociaux, a menacé de quitter le pays », souligne Monia Saïdi. En parallèle, Conect a amorcé la création de branches professionnelles comme celle du textile, déjà très active dans ses échanges avec son homologue turc.

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Cotisations

Son discours a séduit les grands groupes comme Poulina ou Bouzguenda.

En tête des dossiers chauds suivis par Conect : le code des investissements. « À l’invitation du gouvernement, nous allons participer à sa refonte », confirme Monia Saïdi. Pour avancer des propositions, la confédération pourra s’appuyer sur son conseil des sages – où siégeait, avant sa nomination, le nouveau gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, Chedly Ayari – et sur les réflexions de l’Institut arabe des chefs d’entreprise, un think-tank fondé par Tarek Chérif. L’organisation n’oublie pas non plus de porter les revendications traditionnelles du patronat, en dénonçant par exemple le manque de souplesse du droit du travail. « Je regrette le fait que les pouvoirs publics aient limité le recours aux agences d’intérim », explique ainsi Tarek Chérif.

Autre préoccupation majeure pour la jeune organisation : l’état de ses ressources. Son budget de base s’élève à 100 000 dinars (environ 50 400 euros), mais les événements qu’elle organise multiplient ses besoins par quatre. Pour poursuivre son développement et préparer son premier congrès prévu au premier trimestre 2013, elle lorgne naturellement une partie des cotisations patronales (environ 5 millions de dinars) reversées par l’État à l’Utica. Voilà qui ne devrait pas réchauffer les relations entre les deux syndicats.

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